En public ou en coulisses

Chapitre 6

Gialla s'apprête, mais pas comme d'habitude. Elle pioche parmi ses nombreux rouge à lèvres, un rouge criard. Trop pour elle. Vous savez ce rouge à lèvres qui traîne dans votre trousse de maquillage et qui ne vous correspond tellement pas, que personne ne se douterait qu'il vous appartient.

C'est le but.

Il ne faut surtout pas qu'on l'intercepte dans la rue. C'est une amitié clandestine. Un secret qui doit être gardé. Elles le savent trop bien.

La jeune femme s'entiche d'un petit foulard de soie, couleur marron glacé qu'elle place sur ses cheveux. Autant jouer le jeu à fond. Ou plutôt la sécurité. Quelques mèches dépassent. Puis, pour finaliser la métamorphose elle met des lunettes de soleil. Oui c'est l'hiver mais il y a quelques rayons. Si jamais, elle n'aura qu'à dire que ses yeux ont toujours été trop sensibles.

Une chemise blanche, rentrée dans un jean. Des bottes. Un long manteau. Voilà la panoplie au complet. Elle est prête.

Elle avait pris soin de noter l'adresse de son amie lorsqu'elles s'étaient échangé leurs numéros.

Quelques croisements de rues plus tard, comme une espionne en mission, Gialla arrive enfin à destination.

C'est le cœur battant que Sera ouvre. Elle débarrasse son invitée de son manteau et du reste de sa panoplie. Gialla complimente Sera pour son intérieur épuré. Simple. À son image.

Les deux jeunes femmes s'installent sur le divan qui accueille pour la première fois une seconde personne.

-- Tu sais Sera, j'étais impatiente de te parler. J'ai l'impression qu'on a tellement de choses à se dire.

-- Je sais, j'ai la même impression que toi.

-- Et puis c'est bizarre mais je n'ai pas envie de parler du métier. On y passe déjà assez de temps, et c'est lui qui nous empêche de nous voir.

-- Tu as raison.

Quelques minutes plus tard, Sera convie sa Gialla à table. Enfin. C'est sa Gialla. Son amie. Pas la Gialla qui appartient à tout le monde. Ce midi elle n'appartient qu'à une personne.

Les heures passent à une vitesse époustouflante. Il est 16h00 et les deux femmes sont en train de rire à tue tête.  De s'apprivoiser. Elles ont l'impression de se connaître depuis si longtemps.

Sera est en admiration devant les lèvres de son amie, elles paraissent si douces. Elle a drôlement envie de s'en approcher brusquement. Le décolleté de la jeune chanteuse lui donne le vertige.

Elle se replonge soudain dans le bleu de ses yeux comme pour y trouver un repère. Et elle se rend compte qu'elle n'a rien écouté de ce que la beauté qui se trouve à ses côtés racontait.

Non. Non. Non et non. Se répète Sera comme pour éviter une bêtise qui lui paraît si évidente.

La jeune femme doit lutter contre elle-même. Mais ironie qu'elle prend comme un signe, la main de Gialla vient se poser sur sa jambe. Un rapprochement.

-- Tu sais Sera, j'adore être avec toi, et peu importe ce que les autres en pensent pour la carrière.

Sera a les yeux écarquillés. Est-Elle seule à désirer un baiser ou etait-ce une envie partagée. Désormais le doute et peut-être l'illusion envahit son être.

C'est rapide mais trop lent. Elle n'ont plus de temps à perdre. Tant de temps à avoir été séparé, c'est l'heure des retrouvailles.

Les lèvres s'entrechoquent. Le temps s'arrête. Les mains de Gialla parcourent la peau douce de son amour.

Les cœur s'emballent dans un rythme effréné. Le plus beau des refrains qu'elles pouvaient espérer.

19:00

-- Je t'aime ma chérie, je t'ai toujours aimé. Avoue Gialla d'une voix sensuelle et le corps  engourdi en passant ses longs doigts dans les cheveux ébène de Sera.

-- Moi aussi, réplique Sera en déposant un baiser sur le front brûlant de Gialla. Et ton dîner avec ton ami ?

-- J'annule. Je veux rester avec toi maintenant et pour toujours.

Sera sourit. Le bonheur s'empare des deux chanteuses désormais insouciantes. Au creux d'un lit défait. Elles n'auraient pu se mentir plus longtemps alors elles ont laissés leurs peaux nues se dire la vérité.

Rien de tout cela ne doit se savoir.

C'est un secret.

Un amour interdit.

Et pourtant deux vies qui s'éveillent à l'Amour.