Chapitre 5. Cadeau du ciel

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Le visage d'Ewann s'éclaira aussitôt d'un sourire lumineux lorsque je prononçai le nom de Gloria. Toujours assis sur le parquet du premier étage de son immense magasin, nous nous faisions face, immobiles, et je ne manquai pas la moindre nuance des expressions qu'il affichait. Il me captivait, sa simple désinvolture était attractive. Son regard gris acier pétilla plus fort, et je me détendis sensiblement en percevant sa réaction positive.

- Gloria? Tu connais Gloria?

- Oui. Confirmai-je aimablement. C'est la fiancée de mon grand frère.

À la fin de mon explication, il sembla brusquement réaliser quelque chose de flagrant.

- Oh! Autumn! Bien sûr! Oui, oh oui, oui, Honoré m'a parlé de toi. En fait, il en parle sans arrêt. Tu es son sujet de conversation préféré! Je commençai même à croire que tu n'existais pas. Mais tu n'habitais pas à Southampton, aux dernières nouvelles?

- C'est vrai. Mais... Disons que j'ai dû déménagé.

Je n'en révélai pas davantage. Honoré n'avait averti que Gloria et moi de sa maladie, et je ne serai pas celle qui le ferai à sa place.

- Cool. Bienvenue, alors. Bienvenue! Tu vas te plaire ici! C'est génial!

Je fus amusée par son enthousiasme débordant, presque envahissant, et infiniment soulagée qu'il ne cherche pas à en savoir plus.

- Gloria m'a dit que tu comptais partir bientôt et que tu voulais quelqu'un pour tenir la boutique en ton absence. Ajoutai-je, feignant l'assurance. C'est la saison estivale, je comprends que tu désires garder le magasin ouvert à cette période. Alors... me voilà...

Le tutoiement s'était installé de lui-même, naturellement entre nous, d'une façon très légère et bien que j'ai fait connaissance avec lui dix minutes auparavant. Je respirai de plus en plus librement à mesure que je m'exprimai et que les secondes s'égrenaient. Il était si avenant, sa compagnie était agréable, un vrai soleil ambulant, dont les intonnations chaleureuses réchauffaient ma peau. À son air amical, il tenait probablement Honoré et sa petite amie en grande estime, et moi aussi, par conséquent.

Cela changerait plus tard... Lorsqu'il découvrirait à quel point j'étais atteinte, sûrement... Je ne désirai pas le juger à première vue, mais je l'appréciai déjà. Il me mettait à l'aise sans même s'en rendre véritablement compte ou faire le moindre effort. Son caractère social ne lui demandait aucun travail, c'était spontané, chez lui, et très confortable au regard de la situation follement embarrassante pour moi.

- Génial! S'extasia-t-il encore. Tu t'y connais, en musique?

Ma confiance en moi s'effrita, dissipée par une bouffée d'angoisse, et l'atmosphère s'alourdit d'une tension sous-jaçante dont j'étais la seule victime et responsable. Je tentai de maîtriser ma nervosité grandissante, cependant qu'il se penchait déjà dans ma direction, alarmé.

- Ça va? Encore un vertige? Tu veux peut-être boire quelque chose?

J'aurais dû consulter. On me l'avait maintes et maintes fois suggéré, mais ma fierté me forçait à refuser sèchement à chaque fois. Il se frappa quant à lui le front de la paume de la main.

- Je suis idiot. J'aurais dû te le proposer avant.

Je me focalisai sur mon souffle et réussis peu à peu à le ralentir. Il m'accordait une attention démesurée, comme si je risquai de m'effondrer de nouveau à tout instant. Ma gratitude s'accentua à son égard, l'épisode d'il y a quelques jours sur la chaussée me passait désormais au-dessus de la tête.

- Non, non. Oublie... Murmurai-je d'une voix chevrotante. C'est juste... Laisse tomber.

- Ok.

Sa discrétion ne m'interpella guère. Son charme n'aurait pas pu être corrompu, il était conforme à ce que je me représentai de lui.

La partition d'un avenirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant