Chapitre 18. Saint-Gilles

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En rentrant de ma promenade sur Princes Street ce mercredi là, je trouvai Honoré et Gloria en train de glousser comme des adolescents sur le balcon et me contentai dès lors de lever les yeux au ciel d'un air blasé et de monter dans ma chambre sans leur adresser un mot. Pourtant, je compris rapidement que leur fébrilité était en rapport avec moi, car un paquet rectangulaire trônait en évidence sur le bord de mon lit, le papier rouge brillant luisant faiblement sous la lumière du soleil matinal. Surprise, je demeurai un instant figée sur le seuil, puis je me décidai finalement à avancer, trop excitée pour me retenir plus longtemps, d'autant plus que les murmures du couple me parvenaient toujours, bien qu'indistinctement.

Précautionneuse, je tâchai de déballer mon présent sans précipitation, et peinai un peu à ne pas arracher tout simplement tout ce qui se trouvait sous mes doigts tremblants. Mon empressement s'expliquait facilement: avant la mort de mon père, les raisons de se réjouir étaient rares, tout autant que les cadeaux, et je n'avais eu l'occasion de savourer ce plaisir que lorsqu'Honoré était devenu mon tuteur légal. Alors, quand je me retrouvais dans ce genre de situations, j'avais tendance à me comporter comme une petite fille avide.

Finalement, je parvins à me dépêtrer de l'emballage, et considérai, fascinée, la magnifique robe qui s'offrait à mon regard, impuissante à juguler mon émotion. Je l'étalai sur le lit blanc afin de mieux pouvoir l'admirer, et fus séduite par le contraste entre le couvre-lit et le noir scintillant du vêtement. Elle était légère, en soie, ceintrée à la taille, et s'évasait délicatement tout autour des jambes, jusqu'aux genoux. La dernière bande de tissu était transparente, les bretelles conçues dans un motif tressé, et la robe était ouverte sur un impressionnant dos du qui descendait jusqu'aux hanches, ce qui me sembla un peu osé. Je devinai avec une esquisse de sourire sardonique que Gloria était ma bienfaitrice. Avec une fascination juvénile, je fis le constat que les rayons du soleil se reflétaient très joliment dans les plis moirés de l'étoffe.

- Quand j'ai fouillé dans ton armoire, je n'ai trouvé que des trucs minimalistes. Déclara Gloria dans mon dos, tandis que je restai debout, perplexe.

Je tressaillis, elle était arrivée en silence, et me mordis la langue en dépit de crier. La douleur lancinante estompa quelque peu ma joie, et j'adressai à la jeune femme souriante un coup d'œil hautement désapprobateur par-dessus mon épaule.

Elle s'avança jusqu'à moi, inconsciente de mon trouble, et me prit la robe des mains pour la superposer à mon jean élimé et à mon chemisier blanc. Sans même la porter, je sentis qu'elle m'irait à la perfection, et que la remarque de Gloria n'était pas anodine.

- Ma pendrie est très bien garnie, tu apprécieras, espèce de peste. Lançai-je pour cacher ma satisfaction derrière une façade hargneuse.

- On dit merci, quand on est gentil!

- Je ne suis pas gentille, Glo. J'ai déjà de très beaux habits, alors pourquoi une dépense pareille.

- Pas assez beaux pour ce que j'ai prévu, en tout cas.

Aussitôt alerte, je me détournai de la soiriee et haussai un sourcil inquisiteur. Honoré était également à l'affût dans le salon, je ne percevai aucun bruit sinon nos respirations régulières. Gloria enroula une mèche dorée autour de son index, tout à coup sur ses gardes elle aussi. Elle paraissait vouloir m'annoncer quelque chose, mais le mariage n'était que dans un mois, alors je me figurai que le couple préparait un mauvais coup. Ma future belle-sœur se redressa de toute sa taille, ce qui n'était pas très imposant contenu de son petit mètre cinquante, et afficha une expression raisonnable.

- J'ai acheté ça hier, quand tu étais à Dean Village pour te balader. honoré reçoit quelques copains ce soir. Il se sent un peu faible, et ça fait longtemps qu'il n'a pas vu ses vieux collègues. Il ne peut donc pas m'accompagner, puisqu'il préfère trois chirurgiens esthétiques barbus à moi... Tu me diras, tu préfères aussi tes balades à ma charmante compagnie...

La partition d'un avenirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant