La partition d'un avenir

Chapitre 17. Pardon

L'université d'Édimbourg. un rêve inavoué. Un projet inachevé. Un vœu jamais réalisé.

Après la fin du lycée, j'avais pris la décision de fuir. Certains avaient eu vent de mes problèmes avec mon père au sein de la ville, d'on ne savait où précisément, et je ne supportais plus l'atmosphère de la capitale. J'avais pris mes jambes à mon cou au moment même où mon grand frère rencontrait Gloria et décidait quelques mois plus tard de l'inviter à s'installer avec lui au penthouse. Il n'avait pas voulu me le signifier de vive voix, mais je crois qu'il était en quelque sorte soulagé que je m'en aille pour lui laisser le champ libre, à lui et à sa vie de couple. De toute façon, Honoré n'avait plus la responsabilité de m'élever, j'étais majeure et adulte, j'avais déployé mes ailes, un peu trop vite certes, mais tout de même...

Pourtant, maintenant que je voyais mes rêves d'avenir auprès d'Ewann se dissiper dans les brumes du néant, je me devais de réfléchir à une autre perspective... À savoir la faculté... Ce n'était pas envisageable de rester chez Honoré et Gloria sans véritable projet, sans but, sans orientation future. Alors, pendant la nuit, au retour de l'hôpital, j'avais décidé de m'y rendre le lundi suivant, de visiter les différentes structures du gigantesque établissement, et de faire un choix par la suite. La chimiothérapie d'Honoré durerait au moins l'intégralité de la saison estivale. Il me fallait une occupation, considérant ma démission définitive du magasin de musique. Je regrettais de quitter mon petit ami de la sorte, mais quelle alternative me restait-il? Il comptait voyager, j'avais le devoir de soutenir mon frère comme il l'avait fait pour moi toutes ces années durant. Nos vies ne concorderaient jamais. C'était ainsi. Cela me désolait, me rongeait, me minait. En témoignait d'ailleurs la fatigue et le chagrin qui imprégnait chaque fibre de mon être. Je me surpris, en conduisant en direction de ma destination, à jeter des regards mélancoliques vers la silhouette du château qui se dressait à la périphérie de mon champ de vision.

Gloria et mon frère dormaient encore quand j'étais partie. Il était très tôt, à peine huit heures, mais le ciel s'était déjà teinté d'un bleu indigo apaisant. La circulation n'était pas dense, je fus très vite rendue au centre-ville, là où se situait l'université.

Une étendue gigantesque se dressait devant moi, avec de nombreux bâtiments, des arbres aux différentes nuances, des étudiants qui déambulaient. Je n'osai pas descendre de mon véhicule et laissai le moteur vrombir sans cesser de contempler la complexité des édiffices qui me faisaient face, qui m'entouraient. Ge ne m'engageai pas non plus le long de la route menant à l'entrée principale, demeurant immobile, bouche bée.

J'avais déjà entrepris d'aller voir l'université d'Édimbourg, plus jeune, accompagnée d'Honoré, mais dans mon souvenir, c'était beaucoup moins impressionnant. Je sentais mon cœur battre devant tant d'intensité, et ma gorge s'était brusquement asséchée. J'alai forcément me perdre si je bougeais ne serait-ce que le petit doigt, non?

À cet instant, Ewann me manquait terriblement. S'il avait été là, assis sur le siège passager à mon côté, il n'aurait pas eu à chercher les mots. Il aurait tendu le bras, pris ma main, presser mes doigts, et sa chaleur aurait remplacée mon appréhension comme le printemps estompe les traces de l'hiver. Il était un baume sur mon âme. Une caresse sur mon existence. Un miracle pour mon cœur. Et je l'avais abandonné...

On toqua soudain à ma vitre, et je sursautai violemment avant de lâcher le volant et de tourner vivement la tête vers la fenêtre.

Un visage souriant était penché dans ma direction. De jolies boucles de miel encadrant des traits sereins, une jeune femme de mon âge attendait que j'entrebaille le carreau, sans doute avec l'intention de me demander ce que je faisais là. J'obtempérai, non sans une pointe d'inquiétude bien qu'elle n'est pas l'air méchante.