La partition d'un avenir

Chapitre 23. Fast car

Il y avait quinze personnes dans le salon du penthouse. Autant dire que nous étions un peu entassés les uns sur les autres, certains assis à même le sol, d'autres dans l'embrasure de la terrasse, près du seuil, sur les fauteuils...

J'étais installée sur les genoux d'Ewann, à l'instar de Gloria et de son mari, à côté de nous sur le canapé. Cody, Ruby, Penny et Clara étaient les plus bruyants, contenu de leurs échanges incessants et de leurs insupportables chamailleries. Je remarquai, non sans une pointe de satisfaction, que la distance entre Clara et Ruby était très mince et qu'elles paraissaient très proches tout à coup: en témoignait l'ardeur qui flambait dans leurs regards respectifs. Serena sautait de bras en bras, comme une mini-fée, et les plus vieux, à savoir Dan, Tim, fred, Grace et Audrey étaient dans un autre angle de la pièce, pparlant à voix basse.

Il s'agissait de notre dernière soirée à Édimbourg, à Ewann et à moi, et nous avions tenu à inviter tous nos proches pour partager ce moment avec eux. Évidemment, ils avaient accepté spontanément, et nous nous étions tous retrouvés serrés comme des sardines au milieu de l'appartement de mon enfance. La chaleur était infernale, malgré la brise vespérale qu'avait apporté le crépuscule une heure auparavant, par la baie vitrée entrouverte de la terrasse. Le brouhaha des voix qui s'emmêlaient me procurait un bonheur indiscible, et cela me prouvait, si cela était encore nécessaire, que tout avait changé autour de moi et en moi. Cette demeure ne me rappellerait plus jamais la vie que j'y avais mené, mais seulement les instants magiques que j'y avais passé en compagnie de ma vraie famille et de mes amis.

Ewann enroula une mèche de mes cheveux autour de son index, et raffermis son étreinte sur ma taille en lâchant un soupir de bien-être dans ma nuque. Son souffle était brûlant et éveilla instantanément mes sens, toutefois il me suffit de considérer le monde qui m'entourait pour apaiser le désir qui nouait mon être. Je m'appuyai au torse d'Ewann dans mon dos, qui se soulevait à un rythme régulier. Contrariée de ne pas pouvoir admirer son visage à loisir dans cette position, je pivotai un peu la tête et posai ma joue dans le creux de son épaule. Sa paume se posa sur mon front, ses lèvres effleurèrent ma bouche avec une tendresse infinie et le soyeux d'une caresse tandis que ses yeux gris s'illuminaient.

- Ça va te manquer, tout ce bruit? S'enquit-il d'une voix curieuse.

Je souris, amusée par l'excès de sa question.

- Tu fais plus de bruit que tous ces gens réunis, tu sais?

Il me pressa la cuisse, et je tirai une boucle acajou sur son front pour le taquiner sans lui faire mal, en humant avec délectation l'odeur fruitée qui imprégnait le tissu de son t-shirt rouge sur lequel était inscrit en blanc: «who am i?»

- Je ne suis pas si bavard que ça! S'indigna-t-il.

Je n'eus pas le temps de répliquer que Gloria se détournait de mon frère pour s'incruster.

- Oh si, crois-moi. Tu l'aurais connu à dix ans, Autumn... tu l'aurais étranglé!

Honoré et moi nous esclaffâmes, et Ewann s'empourpra légèrement avant de nous dédier une moue enfantine. Il était adorable, et quand il affichait ce genre d'expressions juvéniles, il faisait réellement ses vingt-quatre ans.

La régularité de ses traits sublimait la petite tâche à la naissance de sa gorge, ou ses sourcils un peu broussailleux et ses cernes. En effet, la planification de notre voyage l'avait épuisé ces derniers temps, tout autant que ses projets concernant le magasin. La boutique fermerait jusqu'à ce que nous revenions en septembre, soit pour le vendre, soit pour en reprendre la direction ensemble.

- Ça te rend malheureux de l'abandonner comme ça? lui avais-je demandé lorsqu'il m'avait fait part de son choix.

Il avait haussé les épaules, la mine grave, les paupières plissées.