Chapitre 16. Plus que toute autre chose

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Je m'éveillais ailleurs que chez moi. Je n'ouvris pas tout de suite les yeux, me délectant du soyeux des draps, du moelleux du matelas, de la chaleur du lit, de la force du bras qui enlaçait ma taille et de celle de l'épaule sur laquelle reposait ma nuque.

Quoi? Battant des paupières, aussitôt sur mes gardes, je rassemblai les bribes de souvenirs qui étaient en ma possession et poussai un grognement en sentant le souffle brûlant et régulier d'Ewann contre mon cou. Je découvris que j'étais couchée sur le flanc auprès de mon petit ami assoupi, et que la lumière du jour pénétrait à flot à travers la fenêtre de la chambre où nous reposions.

Après notre promenade au sein du jardin botanique d'Édimbourg, Ewann m'avait conduit chez lui. La décision avait paru naturelle, spontanée, et je n'avais pas trouvé à y redire. Nous étions si bien, hier après-midi, que tout paraissait lumineux, baignant dans l'euphorie et la plénitude. J'avais la certitude de devoir le suivre, où qu'il m'emmène. Il vivait non loin du jardin, dans un petit appartement avec une seule chambre. J'avais tout de suite aimé le décor, teintes neutres, tirant sur le beige et le blanc, tableaux abstraits aux murs, larges fenêtres donnant sur la rue passante, mobilier simple, plus utilitaire que confortable. En outre, j'avais été surprise en ne trouvant ni télévision ni ordinateur, il m'avait toutefois signifié que l'art ne laissait que peu de place à la technologie et que de toute façon, il n'avait pas de temps à consacrer à ce genre de gadgets.

- Tu as vraiment vingt-quatre ans, tu es sûr? M'étais-je enflammée, mais au lieu de répliquer, il m'avait entraîné dans le couloir en direction de sa chambre, sans cesser de m'embrasser.

La suite avait été à la hauteur de mes espérances. C'était ma première fois, mais Ewann était doux, patient, fervent, et le plaisir que j'avais ressenti était au-delà de tout, plus puissant même que la souffrance du début. Aucun mot n'aurait pu expliquer le feu d'artifice qui avait eu lieu toute la soirée.

Nous avions pris la peine de commander une pizza, de téléphoner à Honoré pour voir si tout allait bien de son côté, du moins aussi bien que possible, et le moment nous avait appartenu, corps et âme, âme et cœur. Ewann était un homme merveilleux, à l'écoute, et je ne parvenais toujours pas à croire, même allongée contre lui, que ce que je vivais était réel. Après avoir profité l'un de l'autre jusqu'à être rassasiés, nous nous étions endormis comme des masses, et à présent, il devait être plus de dix heures et je n'avais pas couché chez moi, une première.

Exhalant un petit soupir soucieux, je levai la tête et me tordis le cou en arrière afin de détailler les traits de mon amant. Son visage était détendu, ses lèvres esquissaient un petit sourire juvénile, et le pli entre ses sourcils avait disparu. Des mèches acajou voilaient son regard, jurant avec le blanc nacré de l'oreiller. Sa peau était chaude contre la mienne, et il me tenait étroitement, sa main gauche reposant sur ma hanche.

- Tu as des tendances au voyeurisme, non? murmura sa voix ensommeillée, et il me rapprocha encore davantage de lui.

Je sentais son torse se soulever contre mon dos, et sa respiration, calme et régulière, contrastait de manière saisissante avec la mienne, courte et haletante.

- Je ne te regardais pas. Mentis-je, plus pour le provoquer que par réelle tromperie.

- Tu veux commencer à débattre dès le matin, toi?

- Ça dépend la manière dont tu veux débattre? Le taquinai-je, et j'éprouvai l'irrépressible besoin de goûter ses lèvres.

Il pressa ma taille et eut un éclat de rire amusé.

- Je dois aller travailler à midi, j'ouvre le magasin le samedi après-midi. Pas le temps de débattre, ma belle.

- Dis à Ruby d'y aller à ta place.

La partition d'un avenirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant