Chapitre 21. Pourquoi?

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Après le Scott Monument, Ewann et moi passâmes le reste du samedi ensemble, déambulant, flânant sans but dans Princes Street. Nous n'étions pas encore complètement à l'aise l'un avec l'autre, après notre étrange semaine, mais nous nous tenions par la main en balançant nos bras d'une manière complice et qui suffisait à faire naître un sourire sur nos traits. Notre relation se construisait lentement, à cause de moi, grâce à lui, toutefois je sentais que nous aboutissions enfin à une forme de paix, de complémentarité.

Il me suivit dans de petites boutiques peu coûteuses, m'invita dans un petit restaurant tranquille aux environs de treize heures, et nous finîmes même dans un magasin de souvenirs ridicules pour touristes, où les prix étaient plus mémorables que les objets proposés.

À force de persuasion, Ewann accepta finalement de venir dîner au penthouse. Légèrement embarrassé, il franchit le seuil à ma suite, mais il n'y avait personne, ni dans le salon ni dans la cuisine, et pourtant, il serait bientôt vingt heures. Honoré était forcément dans son lit, et je n'imaginai pas Gloria loin de lui.

- Attends-moi sur le canapé. Ordonnai-je à mon petit ami profondément silencieux, pour une fois. Je vais les prévenir que tu es là et leur demander si on peut commander chinois.

- Chinois? Non, je préfère un bon vieux sandwich fait maison!

- Alors tu auras ton sandwich et moi mon chinois.

- Si c'est toi qui t'occupe de mon sandwich, bien sûr...

- Je veux commander chinois pour ne rien faire, Ewann!

- Même si c'est moi dont il s'agit?

- Raison de plus. Il faut que je m'affirme.

- Faignante!

- Attention, tu vas réveiller le monstre féministe enfoui en moi.

- C'est une menace?

- Réfléchis au plat que tu vas commander!

Je l'abandonnai après un petit baiser sur sa joue fraîchement rasée, et gagnai l'escalier, plus anxieuse qu'à mon arrivée. Parvenue à l'étage, j'allai directement ouvrir la porte de mon frère, et instantanément, la nausée me submergea. Je plaquai instinctivement un bras protecteur sur mes yeux. Je perçus le glapissement dépité de Gloria et le juron d'Honoré, cependant, je préférai quitter les lieux au risque d'en voir davantage. Puis, adossée au battant dans le couloir plongé dans la pénombre, je repris ma respiration, battis des paupières et finis par éclater de rire.

- Tu n'es pas si fatigué que ça, en fin de compte! M'écriai-je en m'éloignant, encore rougissante.

Honoré me brailla une injure, ce qui ne fit que redoubler mon hilarité. Ils auraient mieux fait d'accrocher une écharpe à la poignée, et j'aurais mieux fait de frapper avant d'entrer à toute volée. Au moins étais-je rassurée sur leurs états de santé à tous deux.

- On devrait plutôt aller chez toi. Suggérai-je à Ewann en le rejoignant.

Il bondit sur ses pieds, tout à coup soulagé, et ses épaules se détendirent sensiblement tandis que son regard s'illuminait.

À l'intérieur, et sans vraiment en saisir la raison, son short paraissait encore plus court que précédemment dans la journée. Indéniablement, il m'attirait. Il avait certes les sourcils un peu broussailleux, le nez un peu tordu, mais en le jaugeant attentivement, en dépit de mon objectivité, il disposait d'un physique réellement avantageux, surtout lorsqu'il était heureux. Ses iris, d'un gris-bleu intense, luisait de ferveur, ses lèvres charnues s'ourlaient vers le haut en découvrant une dentition soignée, et sa figure anguleuse donnait du caractère à la forme décidée de sa mâchoire, tout en mettant en valeur ses boucles acajou en bataille.

La partition d'un avenirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant