Parfois, l'angoisse qu'on éprouve engendre des sensations presque aussi indésirables que le sentiment en lui-même. Par exemple, on commence à transpirer de façon excessive. Ne tentez pas de le nier, c'est humain. Alors la sueur perle au front, froide, ruisselle dans la nuque, glacée, rend les paumes toutes moîtes, trop moîtes... On a beau essuyer ses mains sur son pantalon, elles restent poisseuses, et en plus, on a des tâches humides sur le jean tout neuf qu'on porte pour l'occasion responsable de cette angoisse...À dix heures ce dimanche-là, je faisais les cents pas au même endroit que la semaine dernière en attendant une possible arrivée d'Ewann, et j'avais beau m'acharner à frotter mes doigts contre l'étoffe de mon pantalon, j'étais toujours aussi nerveuse et je continuai de suer à grosses gouttes. En outre, la chaleur était infernale, je ne comprenais rien au climat printanier en Écosse, et cela ne m'était pas d'un grand secours, même si la vue du soleil nimbant les rues d'Édimbourg que je surplombai était tout simplement sublime.
Sans le bras protecteur d'Ewann autour de mes épaules, la silhouette du château qui se dressait derrière moi était suprêmement intimidante. J'avais fait l'effort de franchir le pont-Levis, de payer mon ticket d'entrée et de gravir le chemin escarpé menant aux remparts, mais je ne m'étais pas aventurée plus loin, trop craintive pour même oser lever le regard vers l'immensité du ciel qui me dominait, m'englobait, me jaugeait. Il y avait moins de monde, aujourd'hui, je supposais qu'il était encore trop tôt pour les touristes et trop tard pour les habitués, le silence était donc assez paisible, l'air parfumé de renouveau, mais je ne parvenai pas à me détendre. La reine de l'euphémisme, c'était moi...
J'aurais pu abréger mes souffrances, tout simplement en allumant mon portable pour voir si Ewann avait daigner répondre à mon message de la veille au soir, cependant je n'avais pas eu la force de seulement regarder l'écran. L'élan d'audace qui m'avait saisit s'était dissipé aussi vite qu'il était apparu, me laissant complètement démunie. Comme la lâche que j'étais, je refusais de lire la possible riposte négative d'Ewann à ma stupide proposition, ou encore pire, je répugnais à me languir de lui tandis qu'il s'amuserait à m'ignorer. Il en aurait parfaitement eu le droit, d'ailleurs, et j'avais été idiote de ne pas m'en assurer au préalable. Car, à présent que mon errance s'éternisait douloureusement, je songeais avec un pincement au cœur que j'aurais pu éviter de me lever à l'aube et d'avoir si mal en ne le voyant pas me rejoindre au rendez-vous que j'avais fixé.
- J'aurais fait pareil à ta place! Je me serai laissée tomber, comme une vieille chaussette sale. Même une vieille chaussette sale est plus digne, de toute façon! Murmurai-je pour moi-même, et je fermai les yeux afin de refouler les larmes qui s'accumulaient derrière mes paupières résolument closes.
- Tu parles toute seule maintenant? Lança soudain la voix voilée d'Ewann sur ma gauche, me faisant tressaillir. Et moi qui croyais que tu n'étais pas encore un cas désespéré.
Je ne voulais pas le regarder en face. Inconsciemment, j'imagine que je ne croyais pas réellement qu'il soit là et que je désirai m'épargner une énième déception. Mon mécanisme de défense était bien rôdé, désormais.
- Apparemment, tu t'es trompé. Souris-je en me détournant.
- Je ne me trompe jamais, Autumn Marshall. Tu n'avais pas encore compris ça?
Une main ferme attrapa mon épaule, on me fit tout à coup pivoter. Sous la surprise, j'ouvris les yeux et la bouche, découvrant Ewann campé devant moi, les traits de son visage harmonieux détendus, son regard gris fixé sur moi, intense et vif. Il était vêtu d'un t-shirt noir qui moulait à la perfection son torse robuste, ses larges épaules, ses bras épais, ses muscles secs et nerveux. Je soulignai au passage que la courbure de sa gorge me donnait l'irrépressible envie d'y enfouir le nez. Mes pensées s'emmêlaient, toutefois une idée demeurait fixe dans mon esprit: humer son parfum était une liberté que je ne pouvais pas encore me permettre à ce stade.
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La partition d'un avenir
RomanceNous aimons tous la musique, n'est-ce pas? Elle adoucit la vie, améliore le quotidien, réconforte et encourage. Vous aimez tous la musique, n'est-ce pas? Ce n'est pa le cas d'Autumn, 22 ans. La musique a détruit son passé, ruiné son présent, entrav...