Elle s'est suspendue au bras de T et gémit d'une voix pleine d'angoisse :
« Mon copain est coincé là-haut, il n'est pas sorti ce matin... Et quand je suis revenue, j'ai découvert cette horreur ! »
T la rassure en lui assurant que nous allons nous en occuper, c'est à ce moment qu'Iris tourne la tête vers moi et que son œil pétille soudainement, signe qu'elle m'a reconnue.
Précipitamment, je saisis la combinaison que me tend T, ne prends pas la peine d'écouter ses instructions et entraîne Iris avec moi.« Es-tu sûre que Paul n'a pas réussi à sortir ? lui demandai-je, l'accompagnant d'une main sur l'épaule vers l'entrée de l'immeuble.
-Bien sûr ! J'étais juste sortie acheter de quoi petit-déjeuner... Il n'était pas encore réveillé !
-Donne moi le numéro de l'étage.
-Troisième, c'est la porte au fond du couloir... »
Je presse brièvement son épaule et ne perds pas un instant à emprunter la porte de l'immeuble et à grimper quatre à quatre les marches d'escaliers. Une étrange angoisse mêlant adrénaline broie mon ventre, comment est-ce possible que ma première intervention tombe justement sur l'appartement de Paul ?
L'odeur de fumée me pique violemment les narines lorsque j'emprunte le couloir du troisième niveau. Heureusement, il est désert.
Je me surprends à avoir resserré ma prise sur le trousseau de clés que m'a confié Iris. Une appréhension grandissante me donne de grandes bouffées de chaleur. J'enfile la combinaison avec hâte, elle est d'une matière très spéciale... Très légère. Je déverrouille la porte d'une main tremblante et m'insère dans la pièce principale noircie par la fumée.
J'aperçois par la fenêtre T, brandissant la lance vers ce que devait être le salon anciennement.La violente odeur de brûlé rend ma gorge sèche et fait pleurer mes yeux. Je ne dois pas me laisser déstabiliser, je m'avance à petits pas vers le fond de la pièce où se poursuit un couloir, je pousse la première porte, tombant sur la salle de bain, je retente ma chance avec la seconde porte qui laisse apparaître un immense lit en lambeaux.
« Paul ? Paul ? » l'appelai-je, la voix enrouée par la fumée.
Je n'ai pour réponse que le crépitement du bureau en feu. Je m'avance alors vers le lit noirci et soulève la couette fébrilement. Avec un étrange soulagement, je découvre que la place est vide mais l'inquiétude s'installe néanmoins... Où peut bien être Paul ?
Je quitte la pièce, à l'affût. Je pousse la dernière porte du couloir, mon front dégouline de sueur alors que je suis glacée par l'appréhension. Je parviens à me tracer un chemin parmi les meubles engloutis par le feu, la combinaison étant très efficace. Dans le brouillard épais, je distingue le ciel bleu... Puis l'encadrement d'une porte-fenêtre.
Je m'y faufile, le nez enfoui dans la manche de mon pull... J'aurais sûrement dû écouter les conseils de T avant de m'aventurer ici.Cette fenêtre est entrouverte, petite faille d'espoir. Je m'avance encore un peu et découvre avec soulagement qu'elle se poursuit en un petit balcon. Je pousse les rideaux déchiquetés par les flammes et ouvre grand cette porte-fenêtre. Mes yeux se posent sur un corps recroquevillé contre les barreaux de cet étroit balcon.
L'air frais s'engouffre avec fracas dans mes poumons et me fait tourner la tête. Je m'agenouille près de cette masse en boule.« Paul ? Tu m'entends ? » soufflai-je, ma voix perdue entre les crépitements incessants.
Je relève doucement sa tête, et aussitôt, il fut pris d'un sursaut qui fit trembler ma main de surprise. Je crois que j'ai même poussé un cri de stupeur tellement je ne m'attendais pas à ce réveil si énergique.
« Ça va ? Tu arrives à respirer ? lui demandai-je après avoir repris mes esprits.
-H ? Qu'est-ce... Qu'est-ce que tu fais ici ? » balbutie-t-il, la voix rocailleuse.
Je ne prête pas attention à ses paroles et me hâte de saisir mon talkie-walkie pour prévenir T de l'endroit où nous nous trouvons. Il m'ordonne de rester immobile et d'attendre son arrivée.
« Tu crois que tu peux te lever ? » repris-je, l'attention de nouveau portée sur Paul.
Il hoche positivement la tête, je m'empresse de passer un bras dans son dos pour qu'il puisse s'appuyer sur mes épaules. Il porte seulement un caleçon rose fushia... Me rappelant alors qu'il a un faible pour les couleurs vives en terme de sous-vêtements.
Son corps noué de muscles ne semble soudainement pas plus résistant qu'un chamallow et heureusement... j'aperçois le camion de pompier s'insérer dans la rue étroite.Paul s'agrippe à mes épaules comme à une bouée de sauvetage, sûrement plus touché par la perte de son appartement que par son intoxication.
Je ne sais pas si c'est la chaleur du feu ou cette proximité entre lui et moi mais je suis atteinte par de sacrées bouffées de chaleur... Comment aurais-je pu prévoir que mon déménagement à Bordeaux serait si mouvementé ? Et qu'il me ferait être serrée sur un balcon en flammes contre l'homme qui m'a embellie et détruite à la fois ?L'immense échelle du camion s'étire jusqu'au petit balcon et la nacelle où est posté T vient cogner les barreaux. T m'aide aussitôt à hisser Paul sur la plateforme, il ne desserre pas les dents... Son professionnalisme me sidère.
Une poignée de secondes suffit à ramener Paul sur la terre ferme, il est ensuite pris en charge par trois infirmiers.Iris s'empresse de venir vers moi, elle est en pleurs, je la saisis par les épaules.
« Il va bien Iris, il n'a pas été atteint par le feu... Juste peut-être un peu abasourdi par la fumée... Mais il va bien, ne t'inquiètes pas. »
Fébrilement, elle sort un mouchoir de la grande poche de son manteau et se mouche presque... avec élégance. Cette femme est une princesse.
« Accompagne le dans l'ambulance, il aura sûrement besoin de toi. lui souris-je.
-Merci beaucoup H... Tu es très gentille. » me répond-t-elle, la voix tremblante.
Je serre brièvement sa main avant de la laisser filer rejoindre son... compagnon. Mon cœur ne peut s'empêcher de se rétracter, comme s'il était pris dans un étau... Il y a deux ans, c'est de moi que Paul aurait eu besoin.
« H, viens. On rentre. » m'informe T, la main sur la poignée du camion.
J'obtempère, les yeux toujours fixés sur l'ambulance s'éloignant dans une fanfare de sirènes.
Je grimpe dans le camion, les mains froissant mon t-shirt nerveusement.« Tu connaissais cette femme ? me demande T.
-Vite fait... C'est la compagne de mon ex.
-C'est fou les coïncidences quand-même... » marmonne-t-il, laissant planer un flot de sous-entendus.
VOUS LISEZ
Il est temps de rallumer les étoiles
FantasyJe hurle à moi-même de le rattraper, de le retenir, de le raisonner et de le reconquérir une bonne fois pour toute mais mes doigts restent encrés dans ce fauteuil préhistorique. Ma voix ne suffit pas, elle s'effondre de tout son poids dans le loint...