DEUXIÈME

33 7 5
                                    

Il s'est accoudé au bar et par ce geste, s'est considérablement rapproché de moi. Son parfum poivré mais d'une fraîcheur printanière dont je me suis si souvent enivrée embaume l'étroit périmètre qui nous entoure.
Il sourit, faisant éclater la blancheur de sa dentition puis répond, haussant légèrement la voix pour que je l'entende :

« Moi, je vais bien ! Alors depuis le temps... Qu'est-ce que tu deviens ? »

Je prends le temps de mâcher mes mots avant de lâcher un « pas grand chose, et toi ? », souhaitant être la plus évasive possible.
Il sourit d'un air complice et m'intime qu'il travaille désormais dans la photo. Je ne m'enthousiasme pas, je hoche simplement la tête en signe d'approbation.
Le revoir me chamboule et me fait adopter un comportement inhabituel, je suis à la limite de l'amabilité... Mais notre rupture violente reste, même après de longues années, coincée en travers de ma gorge.

Alors que mes dents mordillaient avec nervosité la paille rose fluo coincée dans le quartier d'orange gisant au fond de mon verre de cocktail vide, une femme à la silhouette allongée apparaît aux côtés de Paul. Ce dernier se redressant, passe un bras dans son dos et sa main vient se loger dans le creux de sa taille.

« Au fait H, je te présente Iris... Ma compagne. » me livre-t-il, un faux sourire décontracté étirant sa bouche.

Un pic de jalousie me provoque une cavalcade de frissons dans le ventre, Iris est une femme de caractère, elle dégage une certaine élégance et une telle fraîcheur que n'importe quel homme pourrait tomber sous son charme naturel.

« Enchantée ! » me sourit-elle, sa grande main étalée face à moi.

Je la saisis après une courte réflexion et lui intime que je suis ravie de la rencontrer, un goût amère faisant grincer mes dents à la fin de ma phrase.

« Iris, je ne t'ai pas présenté H... reprend-t-il d'une voix chantante... une amie d'enfance. »

Ma déglutition est pénible à l'écoute de ses dernières paroles. Mes doigts moites tentent désespérément de s'agripper au verre de cocktail, m'obligeant alors à dissimuler autrement ma déception et ma colère grandissante.

« On va te laisser H, la piste de danse nous appelle ! À bientôt peut-être. » s'exclame Paul, esquissant un signe en s'éloignant au bras de sa belle.

Je reste stoïque, le corps engourdi par cette rencontre inattendue. Je ne parviens pas à mettre des mots sur mes sentiments exacts, seule la colère fait surface. Nous avons vécu ensemble pendant plus de deux ans, partagés des centaines de moments, parmi eux des instant inoubliables, et il ose me présenter... Comme une simple amie. Le dégoût me prend même à la gorge.
Afin de dissiper ce malaise, je rejoins Cam sur la piste qui m'attendait avec impatience. Elle m'indique d'un coup de menton l'espace où se trouve Paul et je lui réponds à l'aide d'un simple haussement d'épaules.

« On a échangé quelques mots, il m'a présenté sa compagne. » lui criai-je à l'oreille, rivalisant contre les basses faisant trembler la pièce.

Sa bouche se tord dans un rictus de douleur et elle lâche un « aïe ». Je mime un air désintéressé pour la rassurer mais il s'agit évidemment de ma meilleure amie et elle n'est pas dupe.
Elle saisit fermement mes deux mains afin de m'entrainer dans sa danse endiablée. Je m'abandonne à son sourire aussi éclatant et brûlant que le soleil.

La chanson qui suit est «Halo » de Beyonce, évidemment adaptée pour un slow. Alors que je m'apprêtais à aller chercher Rémy qui s'était légèrement assoupi sur la table pour qu'il partage ce moment avec sa chérie, une main fraîche se pose sur mon épaule. Je fais volte face et me retrouve nez à nez avec un petit homme au grand sourire. Il ne doit me dépasser que d'une petite dizaine de centimètres, ses yeux pétillants rappellent ceux d'un enfant émerveillé devant un sapin décoré de mille lumières... seule sa coiffure tranche, parfaitement bien dressée sur son crâne, elle semble avoir pris des heures de préparation.

« Salut, tu m'accorderais cette danse ? » m'interroge-t-il, sa timidité contrastant avec sa demande.

J'hésite un instant, cherchant Cam des yeux que je retrouve sans surprise dans les bras de son compagnon. Je me tourne alors vers mon interlocuteur et saisis sa main pour simple réponse. Avec un gigantesque sourire, il m'attire à lui afin d'encrer sa main dans le creux de mon dos. La douceur de ses doigts me réchauffe et me fait frissonner en même temps, sa peau est aussi agréable que celle d'une pêche.
Nos doigts se rencontrent et s'entrelacent avec timidité. Je passe ensuite mon bras autour de ses épaules. Son pas est entraînant, il magne la danse avec habilité et heureusement, je parviens à suivre son rythme, pour une fois que mes quelques années de cours de danse servent  à une bonne action...
Nos regards parlent à notre place, il a des yeux hazel qui dégagent une gentillesse naturelle et une timidité vraiment charmante. Je ne connais pas ce garçon mais il semble si innocent, si adorable que je me dis qu'aucun Homme sur Terre, au premier regard, ne peut le détester.

Lorsqu'arrive le refrain, d'une poigne douce, il me fait tourner sur moi-même puis réduit très vite l'espace qui nous sépare, comme s'il ne voulait pas laisser s'échapper la magie de cette danse. J'aperçois Cam qui lance des petits regards amusés vers nous, je n'y prête pas attention... Les yeux de mon partenaire sont hypnotiques.

« On fait les présentations maintenant ? me chuchote-t-il à l'oreille, alors que les dernières notes de la chanson résonnent.

-Mmh... réfléchis-je, préférant qu'il ne se doute pas que son charme m'ait touchée. Appelle moi simplement H. »

Il hausse les sourcils, surpris, mais ne se laisse pas perturber et rétorque d'un ton joueur :

« Très bien, alors moi c'est T.

-Enchantée, T.

-Enchanté H ! »

Son visage angélique me rend heureuse, il a une bonne humeur contagieuse et c'est exactement ce dont j'avais besoin ce soir.

« Merci pour cette danse H, peut-être à plus tard... » chuchote-t-il, le ton évasif.

Je le remercie à mon tour, presse doucement son épaule et rejoins mes amis à la table.
Cam ne peut s'empêcher de claironner :

« C'était vraiment adorable ! »

Je pouffe et regagne ma place sur le tabouret haut, reprenant en main mon verre toujours aussi vide.

« Il était agréable, j'ai passé un bon moment. » expliquai-je, d'un ton neutre sous les yeux enfantins de ma meilleure amie.

Il était mignon, et vraiment attirant mais inconsciemment... Mes pensées s'accrochent à Paul, le corps avachi sur un canapé, les bras réfugiant Iris semblant aux anges.

Il est temps de rallumer les étoiles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant