SEPTIÈME

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« Il faut absolument que je te raconte Cam ! vociférai-je au téléphone, trop excitée de lui relater enfin toutes mes aventures.

-Je t'écoute ma grosse, je sens que ça va être croustillant. »

Je me plonge alors dans la narration de mes anecdotes en commençant par mon premier jour au sein des pompiers, l'appartement de Paul puis sa demande d'hébergement. Elle n'en revient pas et m'ensevelit de questions en souhaitant bien évidemment tous les détails.

« Ça te fait rien qu'ils dorment tous les deux dans ton lit ? me demande-t-elle, insistant sur le terme « ton ».

-Ça me fait un peu bizarre mais bon... Je n'y pense pas vraiment. »

J'évite de paraître trop attachée à Paul, je suis censée l'avoir totalement oublié et être passée à autre chose. Malgré la méfiance de Cam, je veux lui prouver que je vais bien.

Je prends ensuite de ses nouvelles, elle me raconte ses derniers jours ainsi que l'épisode des folles aventures de Rémy; à ne pas manquer chaque semaine.

Je raccroche lorsqu'Iris et Paul rentrent. Je les accueille avec un jus d'orange pressé maison.

« Tu es vraiment trop gentille H, merci ! me complimente Iris, les lèvres déjà trempées dans le breuvage.

-Il est excellent. » renchérit Paul, adossé au bar, la chemise blanche parfaitement repassé mettant en valeur ses muscles volumineux.

Il ajoute après un instant :

« Bon à nous de te gâter... »

Il s'absente une poignée de secondes pour revenir avec un grand sapin dégageant une odeur boisée vraiment exquise.

« Waouh ! C'est trop bien. Merci ! m'exclamai-je, la magie de Noël m'enveloppant aussitôt.

-J'espère que tu as de quoi le décorer... sourit Iris.

-Bien sûr ! C'est la première chose à laquelle j'ai pensé quand j'ai fait mes cartons. »

Je m'empresse d'aller chercher les décorations tandis qu'Iris et Paul installent le sapin à l'endroit idéal.
Le carton déborde de guirlandes et de boules de toutes sortes, de toutes couleurs.
Paul s'y penche avec des yeux d'enfants. Il en saisit une, emballée dans du papier bulle, il la découvre et ses yeux s'éteignent soudainement... Le petit renne en cristal a tout à coup un air triste. Mon cœur se serre, c'est lui qui me l'a offert le jour où il m'a invitée chez lui pour la première fois, cet animal m'avait faite craquée et il me l'a aussitôt légué.

« Celle-ci, je propose qu'on la mette en hauteur... Pour qu'on la voit bien. » dit Paul, un léger grésillement troublant sa voix.

Iris se tourne vers lui et scrute la décoration.

« Elle est trop mignonne ! » lâche-t-elle.

J'ai l'impression d'étouffer tellement ma gorge se serre, les paroles d'Iris sont aussi tranchantes que la lame d'un rasoir. Son enthousiasme et ses mots sont identiques aux miens, il y a quelques années. Paul, nageant péniblement dans ce malaise, enchaîne sur la couleur des décorations pour le sapin.

Nous habillons l'arbre d'or et de rouge, ainsi que d'une guirlande lumineuse, il est flamboyant et me réchauffe un peu le cœur.
Iris, n'ayant pas remarqué la tension pourtant presque palpable, s'émerveille de notre œuvre.

Le soir, alors qu'Iris s'était retirée dans la chambre, Paul s'assoit sur le canapé, près de moi. Il frotte nerveusement ses mains entre elles et son genoux fait des soubresauts.

« T'en fais pas pour le renne. » lâchai-je simplement, la voix la plus monotone que je puisse prendre.

Ses yeux rencontrent les miens, ils sont seulement éclairés par la guirlande rouge clignotante. Malgré le faible éclairage, je sens la douceur et l'insistance de son regard. Cette poignée de secondes me fait ressentir à quel point il me manque.

« J'ai beaucoup pensé à toi tu sais H... » souffle-t-il, l'attention portée sur ses pieds.

Je ne fais plus le moindre geste, paralysée par ses premiers mots. Mes mains tremblent, j'ai tellement envie de le prendre dans mes bras, de pouvoir regoûter à sa peau et à ses précieuses lèvres.
Je ne desserre pas les mâchoires, les larmes de faiblesse me montent aux yeux. Heureusement que la pièce est sombre et qu'il est impossible de voir mon chamboulement.

« Dis quelque chose. » me relance-t-il de manière presque inaudible.

Il me regarde, attendant un signe de ma part. Je temporise un maximum l'instant de ma réponse. Ma mâchoire reste soudée, m'empêchant de lui avouer ce que je porte sur mon cœur.

« Bonne nuit Paul. » lâchai-je finalement dans un souffle.

Il soupire et se lève, presse mon épaule brièvement avant de me souhaiter une douce nuit et de quitter le salon. L'emprunte de ses doigts sur mon épaule s'efface trop vite à mon goût.

[...]

« Hey Hortensia ! s'écrie Tobias à mon arrivée, les bras chargés de paperasse.

-Si je t'aide à faire le tri dans ces dossiers, promets moi d'arrêter de m'appeler comme ça. »

Il hausse les épaules puis me tire une des chaises devant son bureau afin que je puisse m'assoir près de lui.

« Je vais t'expliquer en quoi consiste ces dossiers, tu en auras beaucoup dans ce genre. »

Il en ouvre un, et entreprend alors son apprentissage. Tobias est quelqu'un d'attentif et de patient, il prend le temps de m'expliquer tout en détail.

La journée défile à vitesse éclaire, partagée entre urgences et paperasse. Ce métier me correspond à merveille, il ne me laisse pas le temps de me distraire un instant et demande d'être impliquée de A à Z.
La rigueur et la persévérance de Tobias me poussent plus loin dans mes capacités.

« Eh ! Attends ! » me rattrape-t-il un peu avant la sortie.

J'attends qu'il me rejoigne pour poursuivre mon chemin.

« Ça te dirait d'aller boire un verre un de ces quatre ? » me propose-t-il avec un petit sourire timide.

Je fais semblant d'hésiter quelques secondes et réponds avec enthousiasme :

« Avec plaisir ! Je suis libre tous les soirs. »

Son sourire s'agrandit, ma phrase était sûrement en trop et risque de me faire passer pour celle que je ne suis pas.

« Parfait, moi aussi. On se dit mercredi soir ? reprend-t-il.

-Pas de problème.

-À demain... »

Je commence à m'éloigner lorsque sa voix assourdie portée par le vent vient jusque dans mes oreilles :

« ...Harmony. »

La fin de sa phrase à peine audible me provoque la chair de poule.
Il a prononcé mon prénom. Ce prénom tant détesté.
Comment l'a-t-il su ? Par Paul ? Paul lui aurait-il parlé de moi ?
Des tonnes de questions s'entrechoquent dans mon esprit, je suis déconcertée.

Il est temps de rallumer les étoiles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant