PREMIER

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La soie glisse entre mes doigts et s'échoue contre ma cuisse, provoquant chez moi une minuscule vague de frissons. Camélia a insisté pour que je porte cette robe nacrée, pâle et élégante à l'occasion de notre première soirée dans ma nouvelle ville : Bordeaux.
Elle l'a choisie avec précaution et beaucoup d'attention, son cadeau me touche énormément et je ne peux pas cacher que ce petit bijou me va comme un gant. Sa fluidité épouse à merveille ma taille et mes hanches. De plus, son dos nu démesurément décolleté dessine mon tatouage avec sensualité.

« Il est temps de rallumer les étoiles... Je n'avais jamais vu ce tatouage ma grosse, il est nouveau ? me questionne Camélia, effleurant du bout des doigts la phrase dessinée le long de ma colonne vertébrale.

-Je viens tout juste de le faire... C'était une surprise, tu aimes ?

-Grave ! Il déchire. » me complimente-t-elle, exhibant un grand sourire plein de sincérité.

Camélia est ma meilleure amie, nous nous sommes connues dans le berceau et nous parcourons désormais la vie ensemble. Elle est moi et je suis elle, nous nous correspondons tellement bien que nous pourrions faire qu'une et c'est cette complicité qui me lie autant à elle.
Camélia est infirmière urgentiste à l'hôpital St-André depuis bientôt trois ans, son boulot lui mange une conséquente partie de sa vie mais elle y est tellement dévouée que toutes ces responsabilités et ce stress deviennent légers.
Son compagnon Rémy, lui, travaille dans une agence immobilière et m'a d'ailleurs fait une offre sur mon appartement merveilleusement bien placé au centre de Bordeaux.

Depuis que j'ai emménagé ici suite à l'obtention d'un job, Camélia souhaite à tout prix me faire découvrir un bar qu'elle juge agréable et festif pour célébrer mon arrivée. J'ai alors accepté, heureuse de passer enfin un moment avec mes amis.

« Tout va bien ma grosse ? Tu as l'air pensive. me demande Cam, le ton feutré, comme si elle ne voulait pas me brusquer.

-Pourquoi j'irais mal ? Je vais enfin passer une soirée avec mes amis, c'est la meilleure de toutes les nouvelles ça. »

Elle fronce les sourcils et m'observe au travers du miroir, elle est postée derrière moi, prête à me confectionner une de ses coiffures favorites.
Mes lèvres s'étirent dans un sourire rassurant puis je saisis sa main.

« Tu n'as pas à t'inquiéter tu sais ? S'il y avait quelque chose, je te le dirais...

-Je sais bien... Mais... Depuis ta rupture tu... Enfin voilà quoi.

-C'est vieux de deux ans Cam, c'est archivé, oublié. l'apaisai-je à nouveau.

-Je te fais confiance alors. »

Cam est soucieuse de son entourage, peut-être parfois même un peu trop mais elle souhaite bien faire et on ne peut pas lui reprocher... Son gigantesque cœur lui jouera sûrement des tours.

« J'ai appris une nouvelle coiffure qu'il faut absolument que je teste sur toi ma grosse... Je suis sûre qu'elle va t'aller à merveille. »

Avec agilité, elle saisit quelques mèches de mes cheveux et les place de différentes manière puis leur donne du volume, terminant sa tâche par une tresse africaine chatouillant mon dos et dessinant alors la forme linéaire que crée mon tatouage. Elle a une telle habilité à manier la brosse, le peigne et les cheveux... C'est toujours un régal de la regarder faire.

[...]

Cam claque la porte de son appartement et m'entraîne avec hâte dans les escaliers en bois de son vieil immeuble. Elle s'est vêtue d'une robe rouge sang mettant divinement en valeur sa peau mate, presque métisse... Sa robe est terriblement sexy et sensuelle mais en aucun cas vulgaire. Je me répète souvent que ce qui fait tout, c'est la façon dont l'habit est porté.
J'en ai toujours la preuve sur Cam qui ose mettre son corps en valeur sans jamais ne paraître déplacée ou vulgaire.

Nous parcourons les rues de Bordeaux bras dessus, bras dessous et nous émerveillons devant les boutiques décorées pour les fêtes de fin d'année. Les vitrines brillent aussi fort que les yeux des enfants pendus aux bras de leurs parents.

« Rémy nous attend déjà là-bas, il m'a dit qu'il avait hâte de te retrouver ! s'exclame Camélia, son regard attiré par toutes les activités de cette fourmilière géante.

-Je suis impatiente aussi, il m'a beaucoup manqué. »

Cam me sourit et comme une enfant, me tire vers un bar où trône une enseigne « 21 » verte fluorescente. L'intérieur est du même goût, le bar est décoré de toutes sortes de lumières aveuglantes et les canapés en îlot sont blancs, éclairés à l'aide d'ampoules violettes... donnant un effet fluorescent.

Rémy nous attend à une table haute, la plus sobre de la pièce me semble-t-il. À l'instant où il nous voit, il s'empresse de nous accueillir d'une chaleureuse accolade. Il me confit qu'il est ravi de me revoir et me complimente sur ma robe. Il fait de même pour sa compagne, accompagné bien-sûr, de yeux amoureux.

Pour le début de soirée, nous commandons des cocktails assez nourrissants. L'ambiance se met en place à l'allure à laquelle les clients arrivent.
Rémy en profite pour nous raconter quelques petites anecdotes sur sa journée, il parvient toujours à se retrouver dans des situations cocasses à mourir de rire... Depuis bientôt cinq ans, je n'ai toujours pas réussi à desceller s'il dit la vérité ou s'il s'agit de son imagination débordante. Néanmoins, c'est toujours un plaisir de l'entendre raconter ses folles aventures.

Au cours de la soirée, Rémy et Cam se laissent entraîner par le rythme effréné de la soirée et rejoignent la piste de danse où Rémy essaie de se débattre avec ses jambes raides et dépourvues harmonie. Cam est plutôt bonne danseuse, elle sait se déhancher et enchaîner quelques pas techniques.
La paille de mon cocktail coincée entre les dents, mes yeux se régalent à les voir s'amuser.

« H ?! »

Cette voix caverneuse mêlant surprise et douceur me fait frissonner. Je cherche mon interlocuteur des yeux mais la pièce sombre et ses couleurs étranges m'empêchent de distinguer nettement ses traits.

« H ? C'est moi, Paul. »

J'aime et je déteste d'une manière si forte cette voix... Cette voix qui m'a donné si longtemps du plaisir à plus en pouvoir mais tellement de haine également. Et ce surnom, subtile mais tellement brisant. Comment est-ce possible que je puisse l'entendre encore aujourd'hui ?

« P...Paul ? C'est pas possible... bredouillai-je, cherchant désespérément un brin de réalité.

-Comment vas-tu ? Ça fait longtemps... »

Ses yeux sont soudainement éclairés par une lumière puissante très brève, ses iris bleus azur qui m'ont fait tremblée durant de longues années pétillent dans le noir.

« Je vais bien, et toi ? »

Ma voix est frêle, les battements de mon cœur ont une allure effrénée... Je redoute tellement sa réponse.

Il est temps de rallumer les étoiles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant