Chapitre 9 - Arbi

6 2 0
                                    

J'ouvre les yeux, je suis apparemment le premier levé. Aïe, encore et toujours des courbatures. Faut dire qu'on n'arrête jamais : il ne se passe pas une journée sans que les Carapateurs nous pourchassent. Allons-voir comment se sent Cetex, si son tour de garde s'est bien passé.

« Bonjour, Arbi ! Me lance-t-il sans quitter les alentours des yeux, tentant d'apercevoir le moindre mouvement.
-Hey. Ça s'est bien passé ?
-Je te cache pas que j'ai eu du mal, la journée d'hier m'a bien épuisé ! Mais bon, j'ai l'habitude de faire des nuits blanches maintenant.
-Allez, va faire une sieste le temps que tout le monde se réveille, tu l'as bien mérité. T'inquiète pas, je te relais.
-Non, non, t'en fais pas, ça va maintenant ! Profites-en pour faire tes exercices !
-T'es sûr ? Tu t'effondre pas dans la journée, hein !
-C'est pas mon genre ! Et puis on aura de l'action, comme d'habitude, ça me tiendra éveillé.
-Parle pas de malheurs... »

Je m'éloigne de mon ami et jette un rapide regard au reste de mon petit groupe encore endormi, tous adossés contre le même arbre, leurs pistolets encore à portée de main. Ça me fait penser qu'il ne nous reste plus beaucoup de munitions... Jusqu'ici, nous sommes restés pacifistes avec les quelques autres groupes que nous avons croisé, mais lorsque nous arriverons à court, je me demande si nous garderons la même éthique. Enfin bon, on se décidera quand on y sera, on a quand même de quoi faire un petit mois avant la pénurie, si tout se passe bien. Mais après tout, nous avons tous fait de réels progrès en précision, il est désormais rare que nous fassions du gaspillage. Par contre, quand on tombe sur un troupeau de Carapateurs, on n'a d'autres choix que de mitrailler... Je ne devrais pas penser ça au risque que ça nous porte malheur, ça fait un moment qu'on n'a pas eu affaire à une horde ; c'est peut-être le signe qu'ils diminuent. Bref, stop, on met en veille le cerveau et on se concentre sur les muscles !

Je rejoins mes amis une demi-heure plus tard : Medak et Aifairka sont réveillés, il ne manque plus que Scorpio et Ono, dont les épaules se touchent. J'aimerais les laisser dormir plus longtemps, mais si on leur donne cette liberté, on peut encore attendre longtemps... Comme tous les matins, je me charge de les secouer suffisamment pour qu'ils ne puissent pas se rendormir.

« Putain... Marmonne Scorpio tout en passant une main sur son visage pâle.
-Je peux savoir pourquoi tu me colles, trou d'balle ? S'excite Ono, les paupières à peine ouvertes.
-Ouh la la, on va s'calmer !
-Je me doutais bien que t'étais de ce bord, mais quand même, tu sais que j'ai une nana !
-Commence pas à me soûler dès le matin, toi... »

Ah oui, j'ai oublié de préciser, c'est tous les jours comme ça avec ces deux-là. Incapables de s'entendre, sauf quand la survie du groupe est en jeu. Ça a commencé peu après notre atterrissage dans cette jungle, lorsqu'Ono s'est rendu compte que Cetex, Scorpio et moi étions des CZE. Ono en est l'un des pionniers et a disparu de Contre-Attaque avant mon arrivée ; Scorpio est l'un des plus haut placés dans la hiérarchie actuelle, au même niveau que Cetex. Ono a naturellement profité de son statut de fondateur pour essayer de prendre les commandes de notre groupe, mais Scorpio, bien que désintéressé par le poste de leader, ne l'a pas entendu de cette oreille et est tout de suite monté au créneau. Finalement, nous avons voté pour que Cetex, le plus âgé d'entre nous, prenne les rennes ; ce compromis n'a néanmoins pas suffi à rabibocher ces nouveaux rivaux, qui ne ratent depuis aucune occasion de se chamailler.

Cetex est le plus calme de nous six ; son extrême gentillesse pourrait être un grand défaut dans sa façon de diriger, mais heureusement, personne n'en profite et chacun vient au contraire apporter de sa personnalité pour harmoniser le travail d'équipe. Son caractère lui est d'une grande aide lorsqu'il tente de gérer notre stress, notre panique ou notre colère, car sans lui, combien d'erreurs aurions-nous fait, et combien seraient encore en vie aujourd'hui, si nous avions écouté nos humeurs ? Ce n'est néanmoins pas un remède miracle à notre survie, étant donné le nombre de pertes que nous avons essuyé jusqu'ici. Mais bon, nous avons convenu de ne pas regarder derrière nous, et de continuer notre route en portant les espoirs de nos défunts. Nous avons fait le serment de les venger, de trouver les auteurs de ce jeu macabre, et d'y mettre fin. Encore faut-il que nous sachions comment sortir d'ici... Nous ne tournons que rarement en rond, mais cette jungle semble sans fin. Chaque jour, nous envoyons des signaux de fumée, en vain. Et chaque jour, nous nous levons avec l'espoir que quelqu'un vienne nous chercher. Aucun avion, aucun hélicoptère ne survole cette région, malgré la clémence permanente du climat. Au fond de moi, je suis persuadé que nous sommes livrés à nous-mêmes jusqu'à la fin, comme si tout cela n'était qu'un test, une expérience dont nous sommes les cobayes.

ImmersionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant