Immersion

Chapitre 10 - Rushaway

« Rondine, rend-nous nos armes ! Ils sont en trop grand nombre pour qu'Imperial et toi puissiez gérer la situation tout seuls !! » Lancé-je à l'intéressé, pressé par la situation.

Nous sommes dans une merde sans nom : à peine trouvons-nous un semblant d'espoir en cette étrange ville que nous voilà encerclés par ces foutus géants ! Et ces enfoirés de CZE sont encore en train d'hésiter à nous réarmer, putain mais vous allez vous bouger, oui ? Ah, enfin, Imperial me lance mon pistolet et dépose le stock de chargeurs au sol. Vite, j'en attrape un, l'enclenche et commence à tirer : raaah, comme je le pensais, leur peau est résistante. Je dois viser la tête, idéalement les yeux. Bordel, il est trop loin pour que je puisse être aussi précis ; et je ne peux pas me permettre de le laisser s'approcher. Il n'y a vraiment aucune échappatoire : nous sommes bloqués au milieu d'une intersection, un troll arrivant par chaque rue autour de nous. Ça me fait mal de le regretter, mais si nous n'avions pas tenté de fuir nos deux preneurs d'otages, nous n'en serions pas là ! J'attrape un second magasin, tire ses premières balles, et constate qu'il est trop tard pour espérer vaincre le monstre. Ok, je dois passer derrière lui. Je n'ai pas le temps de penser à mes équipiers, j'espère juste qu'ils feront la même chose que moi. Le troll arrive à ma hauteur et lève sa massue, m'offre quelques secondes pour que je puisse passer entre ses jambes. Je m'élance, saute en avant, les bras déjà pliés devant moi pour me protéger de la chute. Ça y est, je passe sous lui ; mes jambes vont-elles esquiver le coup, elles aussi ? C'est bon, j'ai réussi. Mes bras frottent le sol sur plusieurs centimètres suivis de mon torse et mon ventre, tandis que mes genoux s'y cognent. Je me relève et me retourne vers mon assaillant : tiens ? Pourquoi garde-t-il sa massue en l'air ? J'aperçois entre ses jambes mes amis, toujours sur l'intersection, et en particulier Rondine qui a les deux paumes relevées et pointées en direction des monstres. Attend... Tous les trolls sont immobiles, non, qu'est-ce que c'est que ça ?! Ils sont gelés ?! Rondine, oui, ce doit être lui ! J'accours vers mon groupe. À peine ai-je le temps de le rejoindre que Sundayz attrape le col de son éborgneur avec violence.

« Encore ce putain de pouvoir !! Maintenant qu'on est libérés de ton emprise et de ces saloperies, je vais enfin pouvoir te buter !! Lui crie-t-il au visage.
-Ou alors, tu me gardes vivant et nous travaillons ensemble pour assurer notre sécurité ? Répond Rondine sans sourciller.
-Plutôt crever que d'avoir ton aide !! T'es clairement pas net comme type, je te ferai jamais confiance !!
-Je t'ai déjà expliqué que je n'ai pas choisi ce pouvoir, et que je ne le contrôle même pas.
-Raison de plus pour te considérer comme un danger !! D'ailleurs, comment t'explique ce que tu viens de faire ?!
-Je ne peux pas l'expliquer, ça s'est déclenché comme un réflexe. Tu peux me lâcher, que j'essaie quelque chose ?
-Et puis quoi encore !!
-Sundayz, lâche-le et calme-toi. Dit posément Lion, ramenant instantanément le calme dans la ville.
-Mais... Lion ! Il va nous buter, à tous les coups !
-S'il voulait nous tuer, il l'aurait fait depuis un bout de temps. »

Sundayz soupire bruyamment pour marquer sa frustration, et libère Rondine qui s'avance alors devant l'un des quatre trolls immobilisés. Le CZE tend la paume en direction de son ennemi, ferme les yeux comme pour se concentrer, puis son poing : le monstre s'effondre en mille morceaux.

« J'ai réussi !! S'écrit le magicien en levant les deux bras vers le ciel pour célébrer sa réussite.
-Rondine !! C'est génial !! S'exclame Imperial, visiblement émerveillé par le pouvoir de son allier.
-Génial ? Demandé-je, la colère montant en moi. Je te rappelle qu'avec ses conneries, Sundayz a perdu un œil !! Qui nous dit qu'il retapera pas une crise comme en bas, à balancer des pics de glace partout autour de lui sans s'en rendre compte ?!
-Avec ce pouvoir, nous pourrions continuer de visiter cette ville en toute sécurité ! Constate King, dont la jovialité commence à titiller mes nerfs.
-Nous pourrions même la vider de ses dangereux habitants et y chercher des indices sur cet endroit, rajoute Lion.
-C'est ce que je me dis aussi, avec un peu de chance nous pourrions nous installer ici une fois la ville nettoyée. Désolé de vous demander ça après tout ce qui s'est passé, mais accepteriez-vous que nous fassions équipe pour remplir à bien cette tâche ? Propose Rondine avec le sourire. Une fois notre tour de la ville réalisé, Imperial et moi vous laisserons tranquille, en espérant que vous en fassiez autant !
-Sundayz, je sais que tu lui en veux, mais sa proposition mérite qu'on y réfléchisse. Dit Lion.
-Jamais ! Hurle le borgne.
-Dis-toi que c'est l'affaire de quelques jours, et ensuite, nous ne les reverrons sans doute plus. Et toi Rushaway, qu'en penses-tu ?
-Lion, c'est bien la première fois que tu te montres aussi intrépide. Lui répondé-je en essayant de garder mon calme. Sundayz a pas tort, ce gars est dangereux. Sans parler de ses « crises de glace », Rondine et Impe' sont maintenant en position de faiblesse : nous avons récupéré nos armes et nous sommes plus nombreux. Tu as vu ce qu'il est capable de faire en un mouvement de main, il pourrait très bien se débarrasser de nous une fois notre alliance terminée, pour assurer sa propre sécurité.
-Je vous rappelle que vous avez lancé les hostilités. Nous n'avons fait que nous défendre, et comme vous dites, assurer notre sécurité, face à ceux qui se sont présentés comme nos ennemis. Pourtant, ni Imperial ni moi n'avons hésité à vous garder en vie. N'est-ce pas suffisant pour prouver notre bonne foi ? Sundayz, je comprends tout à fait la rancune que tu as envers moi, et je ne sais comment réparer cette erreur, autrement qu'en te protégeant grâce à cet étrange pouvoir que j'ai acquis malgré moi. Regarde autour de toi, n'est-ce pas un miracle d'avoir trouvé cette ville ? Je suis sûr que nous sommes à deux doigts de trouver notre porte de sortie, nous devons aller jusqu'au bout ! Nous allons rentrer chez nous ! Alors, quel intérêt d'avoir du sang sur les mains, si près du but ? »