Chapitre 7 - Colosse

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J'approche du chantier où travaillent quatre de mes camarades, et leur livre un nouveau tronc d'arbre fraîchement abattu: la construction de notre nouvelle cabane avance bien, chacun se donne à fond pour l'achever au plus vite. Ils me remercient, et deux d'entre eux ne tardent pas à récupérer ma livraison : sans plus attendre, les deux jeunes hommes prennent leurs haches, et commencent à tailler le tronc pour en faire un lot de planches. C'est un travail minutieux et fastidieux, qui aurait été beaucoup plus simple et rapide avec le matériel adéquat, mais ils s'en sortent malgré tout à merveille, réalisant des planches suffisamment lisses pour être utilisées. Les deux autres se chargent de la construction : les planches s'empilent petit à petit sur une fondation en pierres préalablement lissées, et sont fixées entre elles grâce à d'épais clous confectionnés eux aussi en pierre. Pour tout avouer, ces gars-là improvisent avec le peu de ressources qui les entourent, et ne sont même pas sûrs du résultat. Ils sont à l'origine des autres cabanes bâties autour du bunker, qui abritent depuis plusieurs semaines le reste de notre troupe. Personne ne sait combien de temps ces maisons vont tenir, mais tout le monde en est plutôt content pour le moment. Moi, incapable de réaliser de tels travaux, je me contente de les fournir en bois et en roches lorsqu'ils me le demandent ; mon imposante musculature me permet de transporter d'importantes charges, et par chance, les troncs des arbres exotiques de cette jungle sont plutôt légers, du moins pour mes bras.

« Je retourne au camp, ou vous avez encore besoin de troncs ? Leur demandé-je.
-Je crois que c'est la fin de l'après-midi, on va finir sur celui que tu nous as ramené, t'inquiète. Répond l'un des deux tailleurs.
-Ok, je préviens les deux gais et je rentre. »

Deux autres garçons s'occupent de notre sécurité : leur job est de guetter les alentours, au cas où un monstre ou un humain vienne chercher des noises sur le chantier. Ce sont de bons tireurs, à l'affut du moindre mouvement, toujours sur leurs gardes. Ils ne font pas mouche au premier tir, mais deux ou trois balles viennent à bout de n'importe quel « Coureur », comme ils appellent ces créatures grisâtres et luisantes se mouvant sur leurs quatre pattes. Du peu que j'en ai vu, la tête de ces monstres a la particularité d'être allongée vers l'arrière, dépourvue d'yeux et d'oreilles, et dotée d'une multitude de dents toutes aussi pointues les unes que les autres sur une large mâchoire constamment ouverte, laissant sortir une longue langue dont ils ne se servent que pour pousser des cris stridents lors de leurs chasses. Comme si leurs crocs ne suffisaient pas, trois grandes griffes acérées scintillent au bout de chacune de leurs pattes, qu'ils plantent dans leurs proies pour les immobiliser. Au galop, ces bestioles sont aussi rapides qu'un homme ; il est de ce fait difficile de leur échapper, surtout si l'on manque d'endurance. Le mieux à faire est de les combattre, mais sans de bons réflexes et une bonne précision, on n'a que peu de chances de s'en sortir. J'ai d'ailleurs failli me faire avoir un jour, peu de temps après être sorti de l'hélicoptère ; heureusement, j'ai réussi à empêcher le Coureur de me planter ses dents, et lui ai tordu son minuscule cou, le tuant sur le coup. L'avenir ne me donnera sûrement pas une seconde chance, alors je fais maintenant très attention, bien que ma précision au pistolet laisse encore à désirer.

De retour au camp, je croise notre leader, Bad, qui m'a recruté il y a un peu moins d'un mois, un peu de force je dois dire : mon ancien groupe et moi-même marchions au hasard dans la jungle, quand nous sommes tombés sur sa petite armée. Emmené manu militari dans le bunker du chef, j'ai dû m'expliquer quant à ma présence suspecte sur leur territoire, et pour prouver ma bonne foi, je n'ai eu d'autre choix que de les rejoindre. Bad était intéressé par mon gabarit, et m'a rapidement placé sur des tâches de manutention, dans lesquelles j'ai pu faire mes preuves et montrer ma bonne volonté. A vrai dire, je ne me sens tout de même pas à l'aise : il est clair que Bad m'a séparé de mes anciens camarades, et c'est à peine si je suis autorisé à leur dire bonjour le matin, avant l'entraînement quotidien. Mes nouveaux amis sont sympathiques, mais vouent un véritable culte à leur leader, au point de passer pour des fanatiques lorsqu'ils parlent de lui. C'en est limite flippant... A mon avis, cet homme fait en sorte d'entretenir la dévotion de ces jeunes gens pour arriver à ses fins ; je ne sais pas si c'est une mauvaise chose vu notre situation, tant est-il que je tente de garder les pieds sur terre pour ne pas me faire endoctriner à mon tour. J'espère que mes amis en font de même de leur côté.

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