Chapitre 1 - Prechan

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            Je me relève, essuie le reste du vomi de ma bouche d'un revers de main et m'adosse au rocher devant moi ; mes yeux ne peuvent quitter ceux du jeune homme à qui je viens d'ôter la vie, et tout mon corps tremble comme une feuille morte, en écho à mes sombres pensées. Je n'ai pas eu le choix, c'est de la légitime défense, il a été le premier à m'attaquer. Mes mots n'ont pas pu le raisonner, et si je ne l'avais pas poignardé, je serais maintenant allongé à sa place. Mais bordel... Je ne peux me retirer ces images de ma tête, ni la sensation du couteau transperçant son estomac, ni ses cris d'agonie. Ces souvenirs vont me hanter toute ma vie. Du moins, si je survis à cette nuit : je ne suis pas encore tiré d'affaire, et le soleil se couche.

Je retire le poignard non sans dégoût du ventre de ma victime, l'essuie sur les vêtements de ce dernier, et scrute les alentours avant de repartir dans la direction opposée à la mer, à la recherche d'un quelconque abri pour la nuit. Je risque de croiser les autres types qui étaient dans l'hélicoptère avec moi. Dans l'idéal, j'évite de combattre; c'est déjà une chance que je sois encore vivant, ne forçons pas trop la chance. Je dois avancer par étapes, chaque arrêt devant me servir à me protéger : à part des rochers, il n'y a pas grand-chose pour me cacher. La végétation est quasi-inexistante, je ne pourrai compter que sur certaines touffes d'herbe si la caillasse venait à manquer, ou sur les pentes des collines environnantes. Hm... C'est bien beau d'analyser, mais y arriverais-je ? Mon coeur bat encore à cent à l'heure, j'ai l'impression que la moindre surprise va m'amener à la crise cardiaque. Calme-toi, Prechan. Il reste huit gars autour de toi, qui sont dans la même situation que toi. Si personne d'autre n'a cédé à la panique, il n'y a plus que deux abrutis prêts à presser la détente ; et encore faut-il qu'ils sachent se servir d'une arme, ce qui est plutôt rare, surtout chez d'aussi jeunes gens. Sois prudent, et agit en fonction de la situation. Tu peux le faire. Tu n'as pas le choix.

Il fait désormais nuit. Seule la lune, pleine et régnant dans un ciel dépourvu de nuages, éclaire mon chemin. Je m'autorise encore une heure de marche avant de me résigner à coucher dehors. Jusqu'ici, tout s'est bien passé, je n'ai croisé personne, mis à part un lapin. J'ai perdu de vue la plage et l'hélicoptère depuis un moment, et me dirige vers les montagnes qui couvrent l'horizon, attiré par une lueur que je devine être un feu. Bien sûr, je ne me jette pas délibérément dans la gueule du loup ; je me dis que, statistiquement, j'ai plus de chance de tomber sur un allié que sur un ennemi. Dans tous les cas, je me débrouillerai pour vérifier l'absence de danger avant de me montrer. Si je peux constituer un semblant de groupe, mes, enfin, nos chances de survie augmenteront. Et surtout, je me sentirai déjà un peu mieux... L'homme que j'ai tué devait être plus jeune que moi, sans doute majeur depuis peu. Cinq, six ans de différence à tout casser ? C'est si peu, et pourtant, j'ai fait preuve d'un peu plus de sang-froid. Je n'en éprouve néanmoins pas de fierté. J'aurais pu éviter tout ça, dans d'autres circonstances. Au pire, j'aurais au moins pu lui éviter de souffrir autant... Raaah, ça suffit.

Me voilà à quelques dizaines de mètres de mon objectif. Je commence à fatiguer, par l'heure qu'il est comme par les efforts que je viens d'employer pour monter jusqu'ici. Si tout se passe bien, je pourrai m'installer près de ce feu pour la nuit. Ce n'est pas le confort absolu, mais ça suffira bien assez pour... Qu'est-ce que je raconte ? Le feu a dû attirer mes autres compagnons, je ne peux pas faire de pause ici. Je vais juste jeter un coup d'oeil, éventuellement appeler la personne qui se réchauffe à me rejoindre, et déguerpir. Merde ! Quelqu'un approche !

« Pose ton arme par terre, tout de suite. Me dit une voix que je ne peux identifier, immobilisé par le canon d'une arme collé sur ma tempe.

-O... OK, voilà, c'est bon. Répondé-je en m'exécutant.

-Tu m'as suivi ?
-Non. Je me dirige vers le feu. C'est toi qui l'as allumé ?

-J... JE pose les questions !! Enlève ton sac, vide-le devant moi. MAINTENANT. »

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