Chapitre 9

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Enfin, je pouvais mettre un visage sur cette voix, sur ce personnage hors du commun !

L'homme qui me faisait face avait un physique à damner. Des cheveux sombres, désordonnés, des yeux non pas bruns, mais noisette, une bouche sculptée avec soin et quand cette dernière esquissait un sourire, comme elle le faisait devant ma répartie, elle révélait de magnifiques fossettes. Terriblement beau, devais-je avouer à contrecœur. Et comme je l'avais deviné auparavant, il était musclé, des épaules carrées sous cette simple veste à capuche. D'une beauté différente de Colin qui lui l'exhibait à foison. L'homme devant moi, lui, ne semblait pas avoir conscience de la lumière qu'il irradiait ou simplement, il n'en faisait pas mauvais usage.

─ Les filles telles que vous sont difficiles à trouver durant ces temps durs où la rêverie et l'inconscience sont à proscrire, répliqua-t-il, affichant toujours un sourire amusé. Moi qui avais toujours pensé manquer d'humour, je ne cessais de le divertir !

─ Je suis triste de l'apprendre.

─ Ne le soyez pas, il est préférable que cela soit ainsi sinon je serais appelé trop souvent à sauver ces femmes imprudentes qui risquent leur vie à vagabonder dans les quartiers les plus mal famés de Londres pour aucune raison valable.

Si je n'avais pas compris que d'après lui mon comportement instinctif me mettait en danger, je serais simple d'esprit. N'avait-il pas réfléchi à la raison de mes venues dans ce genre d'endroit ? Me demandai-je, en avalant d'une traite le petit verre de whisky ce qui me brûla la langue.

─ Vous croyiez berner qui avec ce déguisement ? M'interrogea-t-il abruptement, toute trace d'amusement s'étant évaporée de son visage. Je jetai un coup d'œil à la bouteille de bière posée devant moi et observai mon reflet en réfrénant une grimace : j'avais l'air lamentable, là, face à lui, accoutrée de la sorte alors que j'avais été assez fière de mon costume quelques minutes auparavant. Comme la dernière fois, il arrivait à me tourner en ridicule sans problème, à briser mon assurance.

─ Les gardes sont certainement tombés dans le panneau mais il faut dire que le Gouvernement nous envoie des jeunes inexpérimentés sans cervelle, et il se mit à ricaner à l'idée de ces patrouilles qui, bien qu'ayant envahi son endroit, ne représentaient selon lui aucune menace directe, mais pensiez-vous vraiment passer inaperçue aux yeux de la population qui habite ces quartiers depuis sa naissance ?

Et tandis que je baissai la tête, prête à avouer par un timide 'oui', la patronne intervint :

─ Laisse donc cette petite tranquille, Alan. Tu vois bien que tu la terrorises.

Bien que redevable de l'interruption de l'aubergiste, je me serais bien passée de la dernière phrase qui allait sans aucun doute faire rire ce prénommé Alan à s'en décrocher la mâchoire. Curieusement, aucune marque d'amusement ne put être discernable sur son visage neutre comme si l'idée qu'il me fasse peur le crispait.

─ Pour ta gouverne Helen, sache que cette petite met sa vie en danger parce qu'elle pense qu'elle est plus libre ici qu'ailleurs, lui apprit-il en levant les yeux au ciel, trouvant ma pensée tout à fait grotesque et plus qu'il s'en souvienne. A la surprise d'Alan, l'aubergiste ne tourna pas mes propositions en dérision. Elle leur accordait plutôt beaucoup d'intérêt et quitta même l'arrière de son comptoir pour venir s'asseoir à la même table que nous.

─ Pourquoi cela, ... ?

─ Heather, madame.

─ Pas de madame avec moi. Fais-moi le plaisir de m'appeler Helen. Alors pourquoi penses-tu cela, Heather ?

Dépêchons-nous de vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant