Chapitre 15

17 0 0
                                    

─ Tu as décidé de sortir de ta tanière ? L'apostropha Ryan, un de ses plus proches amis, en levant sa chope de bière à la vue du jeune homme qui venait de faire son entrée. Les autres hommes attablés rirent en chœur tandis qu'Alan ripostait avec un sourire :

─ Je peux partir si tu veux.

Ryan fit un pas vers lui, sa démarche un peu bancale – lors d'une de ses missions, une balle s'était logée dans sa cuisse et il n'avait pu totalement recouvrir ses aptitudes – et lui tapa amicalement le dos.

─ Tu sais bien que ta présence, bien que rare, est toujours appréciée ! Des exclamations se firent entendre dans la salle pour approuver : Et puis, reprit-il, il ne manquait plus que le chef pour porter un toast !

Alan se retint de lever les yeux au ciel. Depuis le temps qu'il leur avait dit qu'en dehors du travail, il n'était pas leur supérieur... Les hommes qui se trouvaient devant lui avaient beau être gonflés à bloc, faisant saillir leurs pectoraux rien qu'en empoignant la hanse de leur chope, ils restaient dépourvus de la moindre cervelle, chose qui plaisait à l'organisation rebelle. Si tout le monde se mettait à réfléchir, la pérennité du groupe serait en danger, aussi la hiérarchie avait décidé de nommer Alan comme cerveau de cette bande d'hommes qui avaient autant d'entrain pour tuer une personne que pour vider un verre de bière.

Mais il ne releva pas et se contenta de s'enquérir, intrigué :

─ Porter un toast ? En quelle occasion ?

Il ne se souvenait plus du dernier évènement qu'il avait pu fêter.

C'était si rare de se montrer joyeux de nos jours ! De plus, organiser une célébration paraissait tellement futile en ces temps de crises sociale, économique et politique. L'esprit, au lieu d'être à la fête, était dirigé vers tout ceux qui souffraient du froid, qui subissaient le Gouvernement et qui se seraient damnés ne serait-ce que pour goûter à l'un de ses toasts. Parce qu'il ne fallait pas croire que le clan des Rebelles survivait dans l'extrême pauvreté. C'était même d'ailleurs le contraire.

Au plus niveau de la pyramide, on vivait dans l'opulence : on servait à leur table des mets fins et exotiques en quantité abondante, les alcools les plus raffinés, ils dormaient dans d'immenses lits à baldaquin avec des draps fraîchement lavés par des servantes qui, à force de les frotter, voyaient apparaître des cloques sur leurs mains.

Alan ne pouvait supporter ces différences, il ne les acceptait pas, mais devait s'en accommoder même s'il devait contenir sa colère quand on l'invitait à de grandes réceptions.

─ Derrick s'est enfin déclaré et le mariage aura lieu en janvier.

Alan crut bon d'aller féliciter le futur marié qu'on avait surnommé « gamin » dans le groupe. Malgré ces vingt ans, Derrick conservait un visage poupin et une carrure frêle. L'entraînement intensif obligatoire que tous les Rebelles s'imposaient le matin n'avait pas métamorphosé son corps qui restait désespérément fin comme une brindille. Cependant, il ne fallait pas se fier à cette apparence physique : Derrick était aussi puissant qu'un bœuf et pouvait amocher une brute de cent kilos sans difficulté.

─ Au gamin ! S'exclamèrent-ils quand Alan fut attablé. Ils levèrent leur verre à la félicité de Derrick qui, un peu gêné de toute cette attention, ne levait plus les yeux de sa bière.

─ Et au futur enfant ! Rajouta Ed, un homme d'une cinquantaine d'années qui semblait toujours en pleine forme et prêt à faire le pitre, ce qui fit rire toute la bande et rougir Derrick qui ne savait plus où se mettre.

Alan, lui, cachait son sourire dans sa chope de bière que Helen lui avait apporté sans même qu'il n'eut besoin de prendre commande. Les rares moments passés entre amis lui rendaient toujours le sourire. Le groupe d'hommes dont il était le chef savait certainement s'amuser et quand il se sentait aspiré par la tristesse, il se rendait dans ce bar qu'ils avaient élu quartier général.

Dépêchons-nous de vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant