La Porte des Cendres (BL)

Scène 15 : Welcome home

- Adriel... Adriel...

   C'était si bas, si loin. Tout semblait si loin.

   - Adriel...! Je suis là, rejoins-moi...

   Faudrait déjà que j'arrive à bouger mon corps, marmonnai-je dans ma tête, en espérant que cette mystérieuse voix m'entende. Je ne sentais plus mes membres : mes bras, mes jambes, mon cou, tout semblait paralysé. Je flottais dans une sorte de transe, l'esprit embrumé, mais tout en étant assez conscient de mon état. Cette voix de femme... Ne l'avais-je déjà pas entendue?

   - Qui... es-tu? articulai-je difficilement.

   Je réussis à peine à remuer mes lèvres. Soudain, le noir qui m'entourait se dissipa, et tout commença doucement à s'éclairer. Je bougeai un doigt, puis ma main droite, que je fis glisser légèrement. C'est alors que je sentis mon corps... se désintégrer, avant de ne reformer qu'un. Cela ne dura qu'une fraction de seconde, trop peu de temps pour que je le sente réellement, mais assez pour que je sache que je n'avais pas rêvé. Mon rythme cardiaque ralentit, ralentit, ralentit...

   - Tu le sauras au moment venu. Reviens-moi...

   Comment pouvais-je la rejoindre si je ne savais rien d'elle? Et pourquoi devrais-je seulement le faire? Je crus voir quelque chose au loin, dans l'obscurité qui m'encerclait. Une... silhouette? Je n'eus pas le temps de le confirmer qu'une lumière bleue aveuglante apparut et disparut en un clin d'œil.

   Il y eut mon nom prononcé dans un rire, un collier. Et le lac.

   - Adriel...

   - Adriel!

   J'ouvris les yeux. Je pris une grande inspiration et toussai, crachant et reprenant mon souffle. Je sentais mes poumons, ma gorge et mes yeux me brûler. Après avoir haleté pendant plusieurs secondes, ma respiration passa d'un rythme saccadé à normal. Je clignai plusieurs fois des yeux jusqu'à ce que ma vue se soit ajustée à l'obscurité environnante. La fumée s'était à ce point étendue dans le ciel? Je posai les mains au sol, les bras tremblants, et me redressai doucement, avant de rencontrer des yeux sombres et graves.

   - Comment te sens-tu?

   Je me perdis dans le regard de Ward. Pourquoi paraissait-il si inquiet? Sans répondre à sa question, je regardai autour de moi, surpris de voir Barthe et Ludiniva à quelques pas. Ils étaient tous les deux debout, observant l'horizon. Et c'est à ce moment, en observant à mon tour notre environnement, que tout me revint en mémoire.

   La panique, les Chasseurs, le Dhystopa, Lily, la Lumière. 

   Nous n'étions plus en ville. Nous étions tous sur une vaste étendue d'herbe et de terre, qui flottait, plusieurs mètres de au-dessus de l'océan. Je pouvais le voir juste devant moi. Cette magnifique étendue d'eau brillante et calme, surplombée d'une énorme lune blanche, le ciel d'un violet sombre et profond envahi de lourds nuages.

   Je restai bouche-bée devant le spectacle fabuleux qui se dressait devant moi. Je n'avais jamais vu semblable merveille de ma vie, et j'avais toujours été persuadé que je n'en verrais jamais.

   - Tu es réveillé? lança Barthe avec un sourire compatissant.

   Je hochai la tête d'un geste sec.

   - Est-ce que tu peux te lever? me demanda Ward, passant un bras puissant et rassurant autour de ma taille.

   Je ne sus ce qui me passa par la tête, je devais être fatigué par tout ce qui s'était passé. Je reposai mon front sur son épaule, me blottissant contre lui.