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Fin de la journée. Épouvantable. Comme chaque jour depuis toujours. Néanmoins, Monsieur Tout le Monde semble rêveur voire même préoccupé. Élodie, Élodie, Élodie. Cette enfant d'à peine 13 ans lui occupe l'esprit tout autant que son premier béguin il y a maintenant plusieurs années de cela. Monsieur Tout le Monde se répète que ça va lui passer, ce n'est rien de plus qu'une autre idée. Café, cigarette. Ça ira forcément mieux après. Il se décide enfin à se lever et à sortir de la salle des professeurs. Depuis le temps qu'il est là à ne rien faire ! Il prend les couloirs appropriés pour rejoindre le garage à vélos. Il a très soif. Finalement, il prendra sûrement une bière, une blonde. Sa préférée.

Dans la cour de récréation, il entend en abondance le chahut produit par les élèves, leurs cris incessants et les pions qui font office de gendarmerie scolaire pendant le quart d'heure de pause. Quel monde ennuyant. Toujours contraints par des obligations quelconques soient-elles ! Monsieur Tout le Monde trouve enfin son vélo. Il l'empoigne sans grande conviction, sans entrain. Il aimerait tant partir de ce monde, avec seulement pour compagnon de route, cahier, stylo et vélo. Le voilà qui rêvasse encore ! À s'imaginer une vie meilleure, une vie qu'il n'aura jamais.

Un pauvre homme en perdition ! Paris. Voilà un endroit où la vie serait plus belle. La vie est active au moins là-bas ! Tant de choses à voir, tant de choses à faire, à découvrir. À Paris, chaque jour est un jour nouveau. On ne peut rien prévoir. On ne s'attend jamais à rien. La vie n'est pas toujours rose, mais Monsieur Tout le Monde a pris l'habitude de vivre seul. Alors qu'à Colmar... La vie traîne. Monsieur Tout le Monde rêve depuis toujours de vivre dans la ville des lumières. Un rêve qu'il cherche à atteindre. En fait non. C'est simplement une idée qui traîne depuis longtemps dans un coin de sa tête et qui n'est jamais partie. Une des seules idées d'ailleurs. C'est très rare. Monsieur Tout le Monde fait plutôt parti de ces gens qui pensent sur l'instant puis ont déjà oublié lorsque la réalité les rappelle. Ces gens futiles et sans vie. Tragique.

Piéton, danger. Stop. Un enfant. Un garçon plutôt. Âgé de deux à trois ans. Seul. Il porte un bonnet rouge, un peu trop grand pour lui, et des lunettes rondes qui lui donne un air jovial. Il lève la tête très haut ce qui lui donne un air cette fois plus bête et insouciant. En effet, il a l'air heureux. Et dire que Monsieur Tout le Monde a manqué de peu de détruire son bonheur. A quoi tient-il d'ailleurs ? Ce jeune petit être, ivre de joie, n'a pas même remarqué à un seul instant le danger.

《 Junior ! Viens voir maman, s'il te plaît. 》

Il relève la tête, ses joues rosies par le froid ambiant laissent apparaître un grand sourire et quelques dents par endroit. Elles n'ont pas encore toutes poussées, ça accentue d'autant plus son côté innocent. Une jeune femme s'approche et le petit lui tend naturellement la main. Il la regarde. Et Monsieur Tout le Monde ne peut s'empêcher de fixer cet enfant. Une douce odeur émane de sa mère, que Monsieur Tout le Monde a du mal à identifier. Peut-être est-ce de la fraise ?

《 Excusez-le, il a souvent la tête ailleurs. Passez une bonne journée ! 》

Elle passe comme un coup de vent. Vive. Semi-présente. Elle est déjà partie. Envolée. Un peu comme ses idées. Monsieur Tout le Monde continue son chemin, l'air de rien, en sifflotant légèrement un passage de What a Wonderful World de Louis Armstrong. Une chanson légère, qui ne convient très certainement pas à cet instant précis, mais c'est la première chanson qui est venue à l'esprit de Monsieur Tout le Monde. Au moins, cette chanson lui permettait de passer le temps.

Le jazz. Monsieur Tout le Monde n'appréciait pas tous les types de jazz connu à ce jour dans le monde. Il n'écoutait que certains artistes comme Louis Armstrong, Nina Simone, Etta James ou encore Frank Sinatra. Il admirait et admire encore ces artistes, leurs talents, la manière dont ils contaient les histoires, grâce à leur talent. Il espère un jour égaler leur prestance même si Monsieur Tout le Monde ne l'a jamais dit à personne. S'il avait pu, il aurait aimé les rencontrer tous à l'apogée de leur succès. Il aurait aimé être leur ami. Il cherche toujours un ami. Quelqu'un sur qui compter. En attendant, le jazz est son meilleur ami.

ÉlodieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant