Les sourires sur vos visages ne s'étireront plus. La lueur joyeuse de tes yeux vacillera. Sans un mot, vos reproches recommenceront. Un ultimatum s'offrira alors à moi. Incapable de dire quoi que ce soir d'autre, je soupirerai. Puis je me leverai péniblement. Je vous tournerai le dos. J'entendrai ma mère murmurer des choses et mon père pousser un juron. Je ne jeterai pas un regard vers toi et prendrai la porte pour pouvoir répondre. Je te décevrai encore. Je m'en excuse Elena, si tu savais...
Une fois dehors, la pluie tombera à petites gouttes, semblables à des larmes. J'empocherai mon téléphone et décrocherai. Ce sera la compagnie de bus où je travaille. Elle m'annoncera, malgré mon très bon travail, mon licenciment soudain. Et elle me remerciera suite à mes loyaux services tout en me souhaitant une bonne soirée. Et avant que je puisse avoir le temps de dire quelque chose, la ligne sera coupée. Signe évident que je n'avais pas mon mot à dire.
Alors c'est ça la vie ? Être réduit à une simple étiquette qui s'use avec le temps ?
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J'ai déjà vu ça quelque part, pense Monsieur Tout le Monde. Il ouvre enfin les yeux. Rien n'a bougé chez lui. Pas même la neige dehors qui ne cesse de tomber. Il réfléchit, il tient à se rappeler. Cette fois-ci il ne compte pas oublier son idée. Cet homme est bel et bien le même que dans son rêve, c'est le chauffeur de bus à la casquette rouge. Monsieur Tout le Monde est perplexe. C'était bien la première fois qu'il arrivait à se souvenir d'un de ses rêves. Ce n'est pas commun. Ce n'est pas normal.
Les rêves et la réalité sont pourtant des mondes bien distincts. Je ne comprends pas... Monsieur Tout le Monde se surprend alors lui-même à penser qu'il est sûrement en possession d'une idée. D'une vraie et unique. Peut-être même celle d'un ouvrage qu'il peut écrire. Ou plutôt qu'il va écrire. Il sort enfin de sa rêverie, et, dans un sursaut, empare son stylo et s'empresse d'utiliser pour la première fois, son objet fétiche, ses mains et son cerveau pour autre chose que gérer une classe de collégiens mal éduqués. Il se sent quelqu'un d'autre. Quelqu'un de mieux, de plus fort et plus assuré. Il est léger comme l'air, quelque chose en lui éclate mais ça lui fait un bien fou. Il ne s'arrête plus d'écrire. Il a bien trop peur de ne plus pouvoir recommencer.
Des mouvements faibles, répétitifs et légers. Et sa main pleure, elle est tellement crispée. Il tient beaucoup trop fort son stylo. L'air déterminé, Monsieur Tout le Monde enchaîne les lignes sans s'arrêter. Il veut écrire quelque chose qui va plaire. Parfois même, ça lui arrive de mordiller le haut de son capuchon. Son stylo fuit. Il a de l'encre sur les doigts, et même un peu sur sa lèvre inférieure. Ca ne le gêne pas pour l'instant mais quand il s'en rendra compte, il se maudira une fois encore intérieurement. Son bureau tangue légèrement ce qui l'empêche d'écrire comme il veut. Ca, ça l'énerve même s'il se dit qu'il vaut mieux rester calme, il tient à conserver l'état de son idée. Sa pointe fine trace les lettres de son choix même si on pourrait penser qu'il écrit un peu les choses au hasard.
La pointe de son stylo tangue de droite à gauche. Ses veines ressortent fortement sur le dos de sa main. Il n'a jamais écrit aussi vite. D'un coup, il s'arrête. Son stylo remonte jusqu'en haut de sa feuille. Il note une idée. Puis, il revient à l'écriture. Les crampes à son poignet ne lui font ni chaud ni froid. Il ne doit pas s'arrêter. Parfois, il tapote son stylo contre sa main, quand il cherche un mot bien souvent mais il ne tarde pas à reprendre très vite le fil de son histoire. Il ne veut pas perdre son inspiration. Il l'a tant attendue et enfin elle est là.
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Élodie
General FictionUn homme en perdition. Une jeune fille simple. Elle est pourtant bien plus que ça à ses yeux.