Monsieur Tout le Monde ramasse son crayon, impassible. Il sait, au fond de lui, que laisser transparaître ses émotions est inutile. Il a l'habitude de montrer aux autres ce qu'ils veulent voir. Il tient fermement son crayon, son vieil ami, dans sa main en souriant. Toujours fidèle. Au fil du temps, il rétrécit mais finalement, Monsieur Tout le Monde échangerait ce crayon pour aucun autre même s'il n'a pas de réelle valeur particulière. Ce crayon n'est autre que son plus fidèle confident.
Une soudaine chaleur l'envahit. Une douce sensation de bien-être. Une fine et partielle poussière d'étoiles s'engage autour du poignet de Monsieur Tout le Monde, puis joue avec chacun de ces doigts. Il ne semble pas avoir remarqué quoi que ce soit, cet air serein toujours collé au visage, il ne peut s'empêcher de fixer intensément cet objet si anodin. La tension s'estompe.
Un temps. Une seconde passe. Une autre prend sa place. Un court instant. Parfois amusant. Parfois ennuyant. Un souvenir. Issu de rires. Ou issu du pire.
Monsieur Tout le Monde se laisse une nouvelle fois aller au sommeil. Ses paupières se sont naturellement refermées sur elles même. L'entièreté de son corps s'est déposée délicatement, comme par magie, sur le sofa. Et progressivement, la poussière disparaissait.
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Je serai garé. Il sera tôt. Le temps sera horrible : une pluie abondante et un ciel gris et lourd. Je regarderai à peine les passagers, laisserai passer ceux qui ne sont pas en règle (moi-même il m'arrive d'oublier mes papiers alors que je pars faire mes courses) et plisserai de nouveau les yeux pour voir la route. La radio sera allumée car je n'aime pas conduire sans musique et les informations m'ennuient.
Les stations défileront jusqu'à ce que je tombe sur cette chanson. Ta chanson. Elle me fera sourire. Tout en conduisant, je commencerai à chantonner. Je sourirai toujours faiblement. Les passagers combleront les places vides restantes au prochain arrêt. Un feu. Je m'arrêterai car je n'aurai pas la priorité. Les gens à l'extérieur auront l'air tristes (sûrement à cause du temps ! penserai-je tout haut) - quelques passagers se tourneraient vers moi mais je m'en ficherai. Leur regard perturbé voir accusateur ne me font plus d'effet depuis longtemps. Après tout, j'avais pris l'habitude qu'on me prenne pour un fou.
Ta chanson prendra fin et je serai déçu de ne pas pouvoir l'écouter à nouveau. D'autres passagers arriveront. Le bus sera plein. Et je commencerai à sentir cette forte odeur de transpiration due sûrement à cause d'un manque d'hygiène de quelques passagers. Répugnant ! J'ouvrirai mon carreau et allumerai la climatisation pour ventiler l'air du véhicule. Puis je sentirai mon téléphone vibrer dans la poche avant de mon jean troué, à droite. Je ferai très attention à la route puis jetterai un œil à la fameuse notification. 11h45. Dans un quart d'heure ce serait ma pause. J'alerterai donc tous les passagers que le prochain arrêt serait le dernier.
Je serai sur un parking. Ma casquette rouge sur la tête. Je mangerai mon délicieux sandwich jambon beurre. Je le dégusterai très lentement car je n'aurai que ça à manger durant toute mon heure de pause. J'aurai fait ce casse-croûte le matin-même. Et pourtant je ne m'en souviendrai déjà plus. Car à ce moment-là, je mangerai lentement tout en observant la pluie qui n'aurait pas cessé de tomber. Sans penser à rien. J'aurai envie de me mettre sous la pluie comme quand j'étais gosse.
Et pourtant je ne le ferai pas. Parce qu'un chauffeur de bus trempé de la tête aux pieds ça choquerait et choquer dans notre société c'est mal. Je me fous de ce que pensent les gens de moi mais je tiens à mon boulot. Alors je reste dans les normes. Je terminerai à peine mon repas que mon téléphone vibrerait à nouveau. Ce serait un appel de maman et je décrocherai, sans soupirer, sans enthousiasme.
"Allô ? Ouais c'est moi. Non tu ne me déranges pas. Je viens de finir de manger. Oui oui je suis en pause. Mais nan je répondrai pas au téléphone si j'étais au volant, encore moins au boulot 'man réfléchis! Tu vas bien ? Pareil, la routine habituelle quoi... Et comment va 'pa ? Tant mieux. Qu'est-ce que je fais ce soir ? J'ai un rendez vous. Je te jure ! En tête-à-tête et chez moi. Qui est l'heureuse élue ? Une pizza quatre fromages... Te moque pas 'man franchement je la trouve méga bonne alors je vais me la faire. Sérieusement ? Bah rien. Tu devrais savoir que ma vie n'a rien d'extra, loin de là. Manger à la maison ? Hum... ça dépend quoi ! Je rigole, bien sûr je viendrai avec plaisir ! Qui ? Elle s'appelle Elena 'man... Oui si tu veux, je vais lui proposer. Je dois te laisser, ma pause est finie. On se voit ce soir ne t'inquiète pas."
Je l'entendrai me dire qu'elle m'aime et raccrocherai. Puis, je t'enverrai un message pour savoir si tu es disponible.
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Stop ! Monsieur Tout le Monde se réveille. Ce doit être la faute au soleil. Lui qui était absent la veille. Un semblant d'images lui reste en tête, cela lui paraît bien lointain comme un souvenir d'enfance dont on ne se rappelle que vaguement le contenu. Ses paupières s'ouvrent difficilement. La lueur du jour l'agresse. C'est à contre-cœur qu'il se décide à s'asseoir et, tout soupir, tâtonne autour de lui. Retour à la réalité. Monsieur Tout le Monde est en retard le jour même de la rentrée.
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Élodie
General FictionUn homme en perdition. Une jeune fille simple. Elle est pourtant bien plus que ça à ses yeux.