Monsieur Tout le Monde a empoché son vélo d'un air déterminé, un air qu'on ne lui connaît pas. Il sait ce qu'il lui reste à faire pour changer, pour être quelqu'un d'autre, quelqu'un de nouveau. Cette sensation le rend tout chose.
Il pédale, tournant le dos à Eguisheim en direction de Colmar. Bizarrement, tout semble différent aujourd'hui. Monsieur Tout le Monde entend les oiseaux chanter avec une harmonie parfaite, les paysages sont baignés de lumière, celle du soleil. Et peu à peu, la respiration de Monsieur Tout le Monde s'appaise, alors même qu'il pédale il ne semble plus faire un seul effort. Ses lèvres s'étirent dans grande difficulté en un sourire radieux. Il ne connaît rien de tout ça, mais Monsieur Tout le Monde adore déjà.
Progressivement, le paysage plutôt rural laisse place à l'urbanisation et Monsieur Tout le Monde ne s'en sent pas gêné. Sans même s'en rendre compte, il accélère avec toujours ce fameux sourire au bord des lèvres. Il ne voit pas le regard des autres comme un lourd fardeau. Il semble libéré. Arrivé au centre-ville, il pose enfin son vélo. L'agitation de la ville lui rappelle son enfance, à Paris, avec toutes ces odeurs différentes, ces voix qui hurlent pour la vente et ces gens qui discutent de tout et de rien. C'est un jour de marché aujourd'hui. Bonne nouvelle !
Monsieur Tout le Monde, se promène sans oublier son objectif premier. Il découvre le contact humain qui est totalement différent de ce qu'il a l'habitude de voir dans ses classes. Les gens sourient, rient et respirent la joie de vivre. Un peu comme Élodie... Monsieur Tout le Monde passe et repasse dans les allées de vêtements. Il y a du rouge, du vert, du bleu... Mais ça ne lui plaît pas. Monsieur Tout le Monde veut mieux que ça. Alors il cherche. Encore. Ça ne va pas, ma vie ne doit plus être fade.
Il entend une douce voix qui chantonne, non loin de lui. Il s'approche, et découvre une vieille femme, qui tricote, yeux fermés et toujours chantonnant gaiement de sa voix légère. Monsieur Tout le Monde n'ose pas la dérange. Il ne lui adresse pas un mot, ni un regard, puis observe les articles qu'elle présente. Une fois encore, il y a de tout, du violet, du orange, du rose... Pourtant, ça ne le satisfait pas. Il lâche un soupir d'exaspération et ne peut s'empêcher de se maudir intérieurement car, déjà, il baisse les bras.
《 Vous cherchez quelque chose, mon bon monsieur ? 》
Monsieur Tout le Monde se retourne et tombe sur la vieille dame qui s'était levée sans faire un bruit. Il ne sait quoi lui répondre et bégaye un peu.
《 Allons, jeune homme, ne soyez pas timide. J'ai tout à vendre ici, mais rien à perdre, vous voyez ? Qu'est ce que vous cherchez, dites moi ? 》
Son joli sourire est parsemé de rides. Effectivement, elle paraît sereine comme si elle a encore tout son temps devant elle. Monsieur Tout le Monde cherche en vain une réponse à lui donner.
《 À dire vrai, je ne sais pas vraiment. Je n'ai pas d'idée précise.
_ Allons, je vois bien que vous me mentez...
_ Pour sûr, madame, je ne mens pas.
_ Je ne parle pas de ce que vous cherchez, je parle du motif de votre venue. Vous le connaissez, n'est ce pas ? 》C'est étonnant que cette vieille dame arrive autant à le cerner. Elle est certainement très gentille, mais Monsieur Tout le Monde ne peut s'empêcher de douter de sa confiance. Certes, elle est venue lui parler. Elle lui a adressé la parole d'elle même. Ce que personne n'avait jamais fait avant... Avant quoi ? Alors, ça y est ! Monsieur Tout le Monde a déjà changé? Et donc, cette femme l'a remarqué ? Monsieur Tout le Monde inspire un bon coup puis se décide à lui répondre.
《 En effet. Je ne sais pas qui vous êtes, mais vous avez vu juste. Je suis ici car, j'ai besoin d'un nouveau départ.
_ Appelez-moi Mireille. Quel genre de nouveau départ est-ce donc ?
_ Hmm... Je dirai le recommencement d'une vie. 》Mireille baisse les yeux. Elle a l'air en pleine réflexion. Elle relève la tête, un sourire malicieux aux lèvres.
《 J'ai ce qu'il vous faut, jeune homme. 》
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Élodie
General FictionUn homme en perdition. Une jeune fille simple. Elle est pourtant bien plus que ça à ses yeux.