Sept jours, une semaine. Certain diront que c'est assez long, d'autre diront que c'est trop court. Tout dépend de ce qu'on attend. Certain, au bout de ce délai, trouveront un évènement joyeux, d'autre trouveront un devoir à rendre. Pour ma part, ce...
Je me réveille, l'infirmière se tient devant moi, l'air inquiète. Je suis, encore une fois, allongée sur un des lits de la salle de repos. 《Aki... que ce passe-t-il ? Tout à l'heure tu m'a fait une crise d'angoisse et maintenant... Quelqu'un t'as trouvée évanouie par terre sous la pluie avec des marques de coups.》 Je ne lui répond pas, ce n'est pas ses affaires après tout. J'essaye de me lever, qu'elle n'est pas ma surprise quand j'y parvient du premier coup sans trop souffrir. 《Ce ne sont que des blessures superficielles, de simples hématomes. On dirait que la personne qui t'as fait ça ne voulait pas trop d'amocher. Je pense même que si tu n'avais pas été aussi faible, tu ne serais pas tombée dans les pommes. Pourtant les coups sont plutôt bien calculés comme si ton agresseur savait exactement ce qu'il faisait. Comme si cette personne savait à quel point tu étais faible... C'est Marc n'est-ce pas ? Tu devrais porter plainte pour coups et... - Non ! Je lui coupe la parole -... - Ce n'est pas Marc. Mon agresseur n'est pas intérieur au Lycée. Et puis de toute façon pourquoi ce serais Marc ? Il n'est pas du genre à en venir aux mains, il est bien trop lâche pour ça.》 Je rêve ou je viens de le défendre ? Qu'est-ce qui m'a pris ? J'aurais dû dénoncer cette ordure. Pourquoi le défendre alors qu'il ne m'a même pas tuée ? Pourquoi je me range de son côté alors qu'il ne m'a même pas rendu ce service ? Mais il est vrai que cette histoire m'intrigue... Pourquoi a-t-il fait ça ? Et puis surtout : comment ce fait-il que l'infirmière ai tout deviné ?
Je descend du lit, prend mon sac au pied de celui-ci et sors le plus vite possible. L'infirmière tente de me retenir, en vain. Je me dirige vers le hall d'entrée, dans l'intention de rentrer chez moi. Là, je vois l'heure sur une horloge, 16h47. Je ne peux pas rentrer si tôt. Hana me poserait bien trop de questions. Je décide alors de retourner en cours. Après tout, nous avons sport jusqu'à 18h, il me suffira de rester sur un banc.
Je rentre en cours de sport sans même prendre la peine de regarder quiconque ou de m'excuser de mon retard. De toute façon, je n'en ai pas besoin. Le prof sait très bien d'où je viens. Je vais m'asseoir sur le banc le plus proche. Je ne relève toujours pas la tête, bien trop au courrant des regards que je croiserais : de l'inquiétude de la part d'Annie, de la haine de la part de Marc et de la pitié pour les autres. Cependant, je sens aussi un autre regard posé sur moi. Je me sens comme une proie observée, traquée. Je sens la présence de quelqu'un d'autre, je sens son regard insistant, inquiétant. Je me décide enfin à regarder. Je lève lentement les yeux vers la partie de basket qui se déroule devant moi. Je vois tout le monde courrir, sauter, tirer. Mais pour moi, ils sont immobiles. Pour moi plus personne n'existe à part lui : Kim Jae Young et son compteur rouge. Qui est-il ? Il est assis sur le banc en face de moi, un ballon dans la main. Il ne me regarde plus mais garde une expression joueuse sur son visage.
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Je bloc un instant sur lui. Existe-t-il vraiment ? Je regarde les autres, tous semblent l'ignorer. Peut être est-il le fruit de mon imagination ? Non... une seconde... Marc vient de le regarder. Jae Young détourne les yeux et me regarde à nouveaux. Nos regards se croisent. À cette instant, le temps se fige. Son sourire s'agrandit, mais son compteur grésille. 53 ans, 2 mois, 12 jours, 23 heures et 23 minutes. Il lui reste 53 belles années. Il se lève, cette fois, son compteur ne grésille plus, il diminue. 53 ans 2 mois et 11 jours, 53 ans 2 mois et 10 jours, 53 ans 2 mois et 9jours. Il perd, jours par jours le temps qu'il lui reste. Mon coeur se serre, que se passe-t-il? Il commence à avancer dans ma direction, son compteur s'affole, cette fois, ce n'est plus les jours mais les mois qui défilent. 52 ans, 51 ans, 50 ans. Ma respiration se fait plus rapide et saccadée. Je détourne la tête. Ce n'est pas possible ?! J'essaie tant bien que mal de ne plus le regarder. C'est de ma faute n'est-ce pas ? C'est moi qui lui fait ça pas vrai ? Je panique de plus en plus. Je ferme les yeux. Je n'entend plus que le bruit des ballons qui rebondissent et des chaussures qui glissent. Jusqu'à ce qu'une voix vienne perturber ce brouhaha régulier. Une voix à la fois rassurante et intimidante. 《Tout vas bien ?》 Je réouvre les yeux et tourne la tête vert lui, m'efforçant de ne regarder que son visage. Pas son compteur, surtout pas. Je me concentre donc et me plonge dans ses yeux... bleu ? Il a les yeux bleu, le même bleu que moi. Pourtant les asiatiques ont les yeux foncés d'habitude... enfin... c'est vrai que du coup moi aussi j'ai les yeux claire... Mais moi je ne suis qu'à demi-asiatique alors que lui... Je me coupe dans ma réflexion des plus idiote en me rappelant qu'il vient de me poser une question et qu'il attend donc une réponse de ma part. 《Heu... oui... je... je ne me sens pas très bien c'est tout.》 Le sourire qui ne l'avait pas quitté jusque là disparaît. Il fronce les sourcils et semble regarder les quelques bleu sur mon visage. 《Qu'est-ce-qu'il t'es arrivée ? Tu t'es fait mal ?》 Cette fois je ne peux m'empêcher de remarquer son petit accent. Coréen peut être ? Évidement ! Kim Jae Young c'est clairement coréen. Il continue de me regarder comme si il attendait quelque chose. Soutenir son regard devient assez gênant et, malheureusement, mes yeux se portent vers son compteur écarlate. Il ne grésille pas, non, il semble simplement hésiter. Hésiter entre retrouver ses 53 années d'origines ou bien devenir comme le mien et le faire mourir dans six jours. Je baisse la tête, que dois-je faire? Je n'ai pas le temps de réfléchir que Jae Young me prend le menton et relève ma tête pour me regarder droit dans les yeux. 《Qu'est ce qu'il y a de si intéressant au dessus de ma tête ? Me demande-t-il - Rien, dis-je en regardant le haut de son crane comme si de rien n'était, mise à part une mèche rebelle qui te donne un aire de démon kawai.》 Il se met à rire et aplati l'épi en question du plat de la main. 《C'est marrant, on ne se connais que depuis quelques minutes mais pourtant, tu me parle comme à un ami... Il y a une raison particulière à cela ? Son sourire joueur est de retour. - Bas tu sais, ici, en France, le respect est un peut mort. - Comment tu sais que je suis étranger ? - Je ne le savais pas, je ne pouvais que me douter à ton accent, et tu viens de me le confirmer. 》 Je ne sais pas ce qui me prend mais ma repartie n'a jamais été aussi bonne. En tout cas, il est vrai que lui dire qu'il est « kawai » alors même que je ne le connais pas n'était peut être pas judicieux. Après tout, ce n'est pas parce qu'il a un compteur rouge et les yeux bleu et bridés comme moi qu'il en devient mon ami. Quoi qu'il en est, son sourire c'est effacé et laisse place à une expression de défaite. Il fait demi-tour dans le but d'aller jouer sur le terrain. Une fois qu'il me tourne le dos, je regarde son compteur. 053' 02' 12' 23:18. Il est redevenu normal. J'ai réussi. Pour la première fois de ma vie, ce que je fais est bien. Pour la première fois de ma vie, j'arrive à sauver une vie. Je ne baisse pas mon attention pour autant. Ne lui parle pas Aki. Pas un mot. Ne le regarde pas. Tais toi. Ne te fait plus remarquer. Un portable tombe de sa poche. 《Kim Jae Young !》 Un grand silence s'installe dans le gymnase. Tout le monde me regarde. Je viens de crier son nom. Sans réfléchir. Sans repenser à la veille. Sans repenser au nouveaux. Kim Jackson. Ce nom qui me paraissait si étrange. Jackson. Jae Young. Ce n'est qu'une seul et même personne. Jae Young. Jackson. Une personne qui masque son identité. Jackson. Une identité que je ne devrais pas connaître. Jae Young. Une identité que seule sa carte noire peut indiquer. Mon regard se reporte sur lui, Jackson. Je regarde sa carte noire : Jae Young. Je regarde son compteur. Six jours.
