Anatole

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Cela fait trente-trois jours que Sonia est emprisonnée dans cette cage de verre avec pour seule occupation observer le va-et-vient des adultes encapuchonnés entre sa prison et l'extérieur. La dernière fois qu'elle était dehors, c'était pour sa prise de sang. Après la découverte surprenante d'April, cette dernière avait ramené Sonia dans sa cage en précipitation puis était partie en courant vers un lieu inconnu, disparaissant derrière la multitude de prison en verre... Puis finalement la femme était revenue et avait annoncé à l'adolescente qu'elle ne pourrait pas sortir ni avoir de réponses avant qu'eux même n'en aient. C'était tout . La chaleur dans sa voix, tout comme la nuance de compréhension, avaient disparu. Elle était devenue aussi froide qu'une statue de marbre, aussi fuyante et furtive qu'un animal devant un prédateur.

-QU'EST CE QUE VOUS VOULEZ DE MOI ?! avait beuglé Sonia tandis qu'April disparaissait dans le dédale de cage en verre. 

Elle n'a pas eu pour l'instant de réponse. 

Chaque jour on lui demande de passer son bras à travers un fenêtre de la taille de son avant bras pour lui prélever du sang. Chaque jour, on lui prend quelques seringues de ce liquide noir qui parcoure ses veines. Chaque jour le mystère s'épaissit.

Le jour de la découverte, April avait rendu visite à chaque prisonnier, y compris la petite Erielle. Sa cage était trop loin pour que Sonia puisse voir ce qu'on lui faisait subir, mais une agitation inhabituelle avait pris possession des adultes qui entouraient sa prison. Rien de plus.

Tous les matins, elle découvre devant sa porte un plateau en plastique avec un petit déjeuner identique à tous les autres jours. Sur ce plateau, à côté de la tasse remplie d'un liquide fumant toujours bouillant se trouve aussi un bol d'eau, un savon noir et un gant. Juste de quoi se laver. En guise de brosse à dent, elle a une pastille bleu écarlate qu'elle doit sucer. Le soir, pour son second repas, elle doit se mettre à genoux, mains derrières la tête pour que quelqu'un puisse entrer et déposer sa soupe étrangement salée. Toujours la même.

Et tous les soirs, l'extinction des feux est donnée par une sonnerie qui résonne dans tout le hangar. A cet instant, le personnel se dirige vers la sortie, et la lumière s'éteint. 

Chaque jour était identique au précédent jusqu'au sixième matin. C'était quelques heures après le prélèvement journalier. La prison de Sonia est entourée de huit autres dont six sont vides. Écartées d'une simple allée où peut passer deux hommes, soit d'environ deux mètres, Sonia avait dès le premier jour remarqué que parmi ses deux voisins de cellule, l'un ne parlait pas français Quant à l'autre il se montrait aussi bavard et chaleureux qu'un bonhomme de neige. Esquivant les regards de Sonia, il avait attisé l'exaspération de cette dernière qui espérait avoir un peu de compagnie en ces jours mornes. Cependant, celle ci comprit le sixième jour qu'il était loin d'être aussi antipathique et désagréable qu'il en avait l'air. Elle était allongée sur son lit, tentait de reprendre des forces après sa prise de sang, lorsqu'elle entendit une voix

-Tu parles français ?

C'était celui qu'elle surnommait silencieusement l'homme caméléon, car elle avait beau le chercher du regard, il était si discret, qu'elle devait fixer quelques secondes les cinq mètres carrés que représentent les geôles pour le trouver. De plus depuis qu'on leur avait donné des combinaison blanches qui se confondent avec la couleur des murs, c'était devenu un véritable défi.

En l'observant, elle avait pu constater qu'il était maigre, comme tous les habitants du pays, pâle, comme n'importe quelle personne à qui l'on prélèverait du sang chaque jour, et brun, comme plus de la moitié de la population mondial. Jusque là rien d'exceptionnel. Puis elle s'était approchée de lui, autant que le permettait les deux murs de verre qui les séparaient et en était restée bouche bée. Ses yeux étaient d'un vert éclatant. Deux émeraudes d'une pureté inégalable, deux puits vers une foret d'été, deux lagons dans lesquels on se noierait.

Solution finaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant