qui brille sous les étoiles...

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 Les camions filent sur le chemin de béton défoncé par des fissures d'où surgissent des touffes d'herbe folles. La neige n'a cessé de tomber depuis le premier jour, rendant les conducteurs aigris et désagréables. Les journées  se raccourcissent, la fatigue pèse sur le convoi qui laisse dans son sillage des corps de malheureux malades.

 Depuis le départ, Erielle n'a pas lâché d'une semelle son aîné. Cette dernière, qui ne cessait de l'éviter durant les premières haltes, esquivant ses questionnements sur la suite du trajet, son avis par rapport à l'ambiance général, ou encore ses prévisions météorologiques, a fini par l'accepter, et à contenir son extravagance de jeunesse.

 Une nuit, le convoi fait une halte. Durant le repas, les personnes encore en assez bonne santé pour avaler le potage, le sirotent et discutent. Sonia boit goulûment. Elle est affamée. Erielle, elle, regarde le ciel sans se rendre compte que son plat refroidit. 

-Pourquoi tu fixes le ciel comme ça ?marmonne Sonia en enfournant une bouchée de la soupe infâme servi par le chef cuisinier.

-Maman me racontait souvent une histoire le soir... dit son interlocutrice.

-T'as pas répondu, soupire la grande, lassée par l'habitude exaspérante de la fillette. 

-Tu connais celle du prince et du volcan?

-Non, répond Sonia. Et je ne veux pas la savoir.

-Moi je la connais, fait le vieil homme de leur camion, de l'autre côté du feu.

 Ce dernier est un homme très robuste malgré son âge avancé qui jusque là était plus muet qu'une tombe. 

-Raconte là ! supplie Erielle les mains jointes.

 Le vieillard pose son bol au sol et entame le récit.

 "Aussi loin que remontent les souvenirs des Hommes, les étoiles ont toujours existé. Mais il fut un temps, où le ciel était triste et où les scintillations de l'Espace n'existaient pas.

 À cette époque, il était un prince indien, nommé Asmar. Il était réputé pour son visage aussi dur que le métal  et aussi froid que la glace. En effet l'héritier au trône devait être digne de celui ci.  Il étudia toute sa vie pour arriver à l'excellence. De l'astronomie, en passant par l'art du combat où la littérature, il fut l'élève le plus doué de toutes les dynasties qui aient existées. Et ce masque d'acier était là pour faire la fierté d'un père veuf et exigeant.

 Cependant, Asmar était triste. Profondément chagriné. Bien que sa tête et ses muscles soient robustes et forts entraînés, il ressentait un vide immense dans sa poitrine. Il ne sentait rien au plus profond de son cœur...

 Chaque jour, des femmes venaient, vêtues de leur plus belles parures dans l'espoir de conquérir le cœur du jeune prince. Mais aucune ne fit chavirer l'homme. Il les voyait passer, las d'être si incompris.

 Asmar ne désirait pas une de ces femmes aussi cupides que vilaines. Il voulait un amour sincère. Il désirait rencontrer celle qui saurait le comprendre, lui susurrer les mots dont il a besoin, être honnête, franche mais douce.

 Arriva un jour où, chevauchant le long d'une rivière, il rencontra une femme, habillée dans une robe verte émeraude entrelacée de fils de satin doré. Il l'accosta afin de lui demander son chemin. Lorsque la dame tourna son visage, il semblait auréolé d'une douce lumière. Ses yeux bleus étaient un lac où l'on se noyait si l'on s'y aventurait trop. Les traits de son visage étaient aussi délicats que ses gestes pleins de grace et son sourire éclatant de joie respirait la franchise et la tendresse.

Le prince garda son calme olympien et s'éloigna de la jeune fille qui lui avait indiqué le chemin le plus court pour rentrer en ville."

Alors que le vieillard raconte son histoire, les petits ont des étoiles pleins les yeux, et s'arrêtent de respirer, comme si un simple souffle pouvait stopper le fil du conte. Le vieil homme captive la foule telle une lampe qui attire les moustiques. Erielle baille. 

Solution finaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant