Les arbres auraient pu la prévenir, mais ils ne parlent pas

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 La soirée bat son plein. Enfin, appeler un repas aussi frugal que cela une soirée est un peu exagéré. Le dîner est constitué d'une salade de pomme de terre, sans agrément, mais avec une légère sauce amère (sûrement périmée), et d'un bouillon où trempent quelques maigres  légumes dans de l'eau salée. Néanmoins cela suffit pour faire le bonheur des voyageurs affamés.

 Sonia avale avec joie le plat chaud. C'est alors qu'elle aperçoit au loin sa protégée, en compagnie de deux enfants bien plus âgés. Elle hausse les sourcils mais observe discrètement les adolescents discuter avec Erielle.

 Mais quand cette dernière commence à secouer la tête de droite à gauche avec vigueur, le regard terrorisé et les mains en avant pour se protéger d'un danger imminent, Sonia bondit sur sa chaise. Elle se surprend à éprouver une bouffée d'inquiétude et soupire. Foutue enfant. Elle la rend plus sensible. Tout comme ce Martin. Tous les deux des obstacles réels à son chemin vers ce qu'elle considère être la promesse d'une vie calme. La solitude. Alors elle s'assied et remonte son bol à ses lèvres. Le liquide coule dans sa gorge, chaud, voir même bouillant. 

-Alors comment trouvez vous l'accueil ? demande une voix claire soudainement.

Sonia se retourne et se retrouve nez à nez avec le jeune Martin. Mais cette fois elle a revêtu son armure et ne laisse  transparaître aucune émotion.  Elle se contente de hocher la tête de haut en bas. 

-Merci, ajoute-t-elle. 

Le silence qui suit est gênant pour le jeune homme mais pas pour Sonia qui reste de marbre et retourne à sa soupe. D'un coup d'oeil rapide, elle constate alors que le garçon est beau. Pas beau dans le sens attirant, mais trop beau pour être un simple soldat. Même un soldat de rang élevé. Son teint est ni trop pâle ni trop hâlé, et pas une seule cicatrice ne gâche les traits fins de son visage. Mais Sonia ne s'interroge pas plus et reprend sa dégustation. 

-Ecoutez, je sais que l'on est parti sur de mauvaises bases mais... commence soudainement Martin.

-Taisez vous, rétorque Sonia. Je ne veux plus rien entendre. 

Mais lorsqu'elle croise le regard du jeune soldat, rempli de surprise, de déception et de chagrin, elle se mord la lèvre. 

-Je suis désolée, se reprend-elle sans le penser une seule seconde.

Martin se contente de sourire et de soupirer.

-Vous êtes une immunisée n'est ce pas ? interroge-t-il. 

-Qu'est ce que ça peut vous faire et comment le savez vous ? crache Sonia. 

-Je cherche à comprendre votre isolement. Quant à mes sources... Eh bien le conducteur du camion a tendance à raconter un peu tout ce qu'il sait moyennant payant. 

-Et pourquoi vous vouliez en savoir plus sur moi ? s'insurge Sonia. Lâchez moi bon sang !

-J'aimerais apprendre à vous connaître ! s'exclame Martin. Laissez moi ma chance.

-Je vous ai dit de me lâcher. Nous partons dès demain pour la côte et je ne veux plus avoir à faire avec vous d'ici là, gronde Sonia.

  -Sonia ? murmure une voix fluette derrière elle. Je dois te parler. 

C'est Erielle qui tremble et s'accroche à la veste de Sonia. Elle a dans les yeux une lumière qui scintille de toute la terreur du monde. Mais Sonia pense qu'il en faut peu pour effrayer les enfants et commence à hurler. 

-ASSEZ ! beugle-t-elle. en arrachant sa veste aux mains de la petite. J'en ai assez ! Je n'ai rien demandé, je veux juste qu'on me foute la paix ! C'est trop demandé que de rester seule ? 

Solution finaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant