Chapitre 7.

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Fin Août.

Jour après jour, il ne cessait de fixer, lorsqu'il rentrait, la maison quasi-vide en face de la sienne. Lorsqu'il était petit, il pouvait se rendre près de sa fenêtre et observer son voisin dans sa chambre. Ils se lançaient un regard, un faible sourire et ChanYeol quittait la pièce ou fermait ses rideaux. Leur relation était différente à l'époque. BaekHyun était le méchant toujours présent dans le monde de Park et Chan était le rayon de soleil dans l'existence austère de l'autre. Il l'observait, toujours de loin, envieux de sa vie - de son attention, avait-il compris au fur et mesure du temps. Il jalousait les gens près de l'autre, ils lui volaient ses sourires pour les garder rien que pour eux. Les vilains. L'autre était trop bon envers les autres, il se laissait avoir par leurs yeux doux et donnait tout. Alors, le plus petit avait éloigné ces rapaces, et ChanYeol lui avait souri. Une sorte de mauvaise grimace qui s'était muée en moue au fil des jours, mais il avait souri. Rien qu'à lui. Enfin, presque. Une fille, Amber, elle, était restée. Elle avait continué à voler des sourires et des rires à ChanYeol, mais bizarrement, il n'avait jamais pu la faire partir. Le garçon était heureux, Amber resta mais l'autre lui souriait toujours. Tout allait bien. Ils se disputaient régulièrement. Se battaient. Peut-être qu'à cette époque-là, il était déjà sous le charme de ses sourires. Il ne savait pas. Ce temps-là était fait de pleurs et de gros chagrins. De batailles et de coups-bas. Ils s'embêtaient. Et riaient rarement ensemble mais, ils avaient toujours ce même rituel. Celui de rentrer dans leurs chambres respectives et d'observer par la fenêtre celle de l'autre pour voir s'il était là. Chaque soir, en se couchant, que les lèvres soient souriantes, que la morve puisse être présente au nez ou que les yeux soient un peu trop coléreux.

Quand BaekHyun était né, son père avait planté un arbre dans le jardin. Un amandier. Un jour, il lui avait demandé pourquoi cet arbre et pas un autre. Son père lui avait alors dit que l'amandier était le premier arbre à fleurir. Avant même de posséder des feuilles, celui-ci attirait déjà le regard. BaekHyun avait alors, chaque fin d'hiver, observé l'arbre ouvrir ses bourgeons avant l'heure, se présentant au monde, encore fragile. ChanYeol avait décidé que cet arbre le représenterait. Parce que soi-disant, il était né trop fragile pour survivre dans ce monde. Doux hibiscus trop faibles. Un peu avant l'heure. Avant que son être ne se fasse une enveloppe plus robuste, il avait éclos, comme les fleurs d'amandiers, sans avoir un feuillage suffisant pour se protéger du vent. Il avait ri au nez de ChanYeol, refermé sa fenêtre et clôt ses volets jusqu'au prochain coucher de soleil. Ce soir-là, son dernier regard envers l'autre avait été irrité et il avait souhaité que ce fichu arbre soit assez haut pour l'empêcher de pouvoir voir la fenêtre de son voisin. Maintenant, en regardant la vue, il ne pouvait plus qu'apercevoir les branchages de l'arbre. Le temps était passé. La fenêtre de la maison voisine était cachée par le feuillage. Les fleurs étaient tombées au sol vers fin juin, tapissant le sol d'un rose léger. Elles avaient pourri lentement et il n'en restait plus rien. BaekHyun était l'une des leurs. Le fatum l'avait saisi et l'avait laissé chuter jusqu'à ce qu'il ne devienne qu'un ridicule pétale, noyé dans la boue. Et, âgé de maintenant dix-sept ans, il aurait tout donné pour pouvoir voir, par-delà sa fenêtre, la lumière d'une chambre voisine allumée dans la nuit.

Mais le phare restait éteint depuis des mois, ignorant le naufragé qu'il était. Garçon perdu dans l'eau noire et profonde dans laquelle il s'était jeté pour sauver l'autre. Il se noyait, incapable de retrouver la lumière. Le garçon détourna ses yeux de la fenêtre et prit son sac à dos. Il enfila son blouson et mit ses Dr. Martens vertes. En ouvrant sa porte d'entrée, il fut ébloui par la clarté de l'aube. Il plissa ses paupières pour s'habituer aux lueurs matinales et referma sa porte d'entrée précautionneusement, sa mère dormait encore. Le monde était endormi et lui, petite fleur d'amandier, faisait face au monde extérieur dans sa solitude. Samedi était enfin arrivé.

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