Chapitre 11 : Un Atterrissage Douloureux

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Chuter du dernier étage de la tour Eiffel laissait la place à la réflexion, fort malheureusement pour Isabelle. Elle cria sa rage en invectivant monsieur Justin, tout d'abord, lui crachant sa soudaine haine et le maudissant sur plusieurs générations.

Cela dura environ une seconde. Avant qu'elle ne réalise l'imminence de sa mort. Là, des centaines de mètres plus bas, au pied de l'édifice le plus haut du monde. Assassinée par son amant, qui, à n'en pas douter, allait tenter de régler son compte à Armand.

Les choses resteraient impunies. Elle ne saurait jamais qui avait transformé son frère. Elle ne pourrait jamais régler le problème.

Elle ne pourrait jamais se venger.

À cette pensée, un flot de désespoir mêlé à de la haine se déversa en elle. Le sol se rapprochait à une vitesse vertigineuse, glas de son existence inachevée. Le vent lui fouettait le visage, des larmes coulaient sur ses joues.

Non... Non ! Ça ne pouvait pas se finir ainsi ! Elle avait encore trop de choses à régler ! Trop de problèmes à résoudre, de personnes à protéger !

Elle refusait de mourir maintenant !

Je ne veux pas mourir, songea-t-elle en ferma les yeux en dépit de la vitesse. Je ne veux pas mourir ! Pas maintenant !

Le vent cessa soudain de meurtrir ses joues. Surprise, elle rouvrit les paupières... Et poussa un cri en percutant quelqu'un. Dans un roulé-boulé, ils se vautrèrent dans un gazon soigneusement entretenu.

Le nez au niveau des brins d'herbe, Isabelle mit un certain temps à comprendre. Elle n'était pas morte. Elle était vivante ! Mais comment... Comment avait-elle pu passer de la tour Eiffel à ce gazon ?

À quatre pattes, elle regarda autour d'elle. Fronça les sourcils. Cela ressemblait... À la demeure de monsieur Colmant ? Comment... C'était à des kilomètres de son lieu de chute !

-Isabelle ?

La voix, interloquée, la ramena à la personne au-dessus de laquelle elle se tenait.

Lysandre ! En tenue de soirée !

-Je... Lysandre ! Bon sang de bonsoir ! Lysandre ! C'est toi ! s'exclama-t-elle en l'enlaçant. Oh, comme je suis contente de te voir !

Sérieusement décontenancé, il lui rendit néanmoins son étreinte. À califourchon sur lui, elle se sentit plus en sécurité que jamais.

-Heu... Nous venons tout juste de nous quitter, Isabelle. Tu es rentrée avec monsieur Justin.

Sa soudaine joie de le voir se figea, à l'instar de son souffle. Elle venait de le quitter ? Avec monsieur Justin ? Mais qu'est-ce que... face à son incompréhension, le commissaire passa une de ses mèches de cheveux derrière son oreille, avec douceur. Ce faisant, il fixa sa gorge. Fronça les sourcils.

-La demeure de monsieur Colmant vient de faire l'objet d'une attaque. Un boulet de canon vient de traverser sa salle de bal. Qui t'a griffée ? demanda-t-il d'un ton impérieux.

Instinctivement, elle porta une main à son cou. Les ongles de Justin. En la propulsant dans le vide, il avait dû la blesser. Mais surtout... Un boulet de canon ? Oh non... La respiration de plus en plus rapide, elle regarda autour d'elle. Oui, c'était bien le jardin de monsieur Colmant. Et en regardant Lysandre de plus près... Il portait la même tenue que ce fameux soir.

Elle n'avait tout de même pas... remonté le temps ?

-Isabelle ? Que se passe-t-il ? la pressa Lysandre. Tu es bizarre.

Bizarre ? Le mot était faible ! Pourtant... Pourtant, un voyage dans le temps lui paraissait plus probable que de passer de la tour Eiffel à la maison du vieux Colmant sans se briser chacun des os de son corps.

Résolue, elle prit le visage du commissaire entre ses mains. Le temps lui manquait. Elle en avait soudain la vive conviction, elle devait lui parler. Maintenant !

-Écoute-moi bien : Justin est un traitre. Il va me jeter du haut de la tour Eiffel !

-Quoi !?

Déjà, elle pouvait voir ses propres mains devenir translucides sur la peau de Lysandre. Elle perdait de sa consistance ! À n'en pas douter, elle allait retourner dans sa chute libre !

-Tu dois me venger, Lysandre. Je t'en supplie... Venge-moi...

Elle recula. Il chercha à la retenir, mais sa main passa au travers de la sienne. L'affolement se peignit sur son visage, tandis qu'il réalisait la situation. Qu'il semblait comprendre.

-Isabelle... Par dieux, dans combien de temps, Isabelle !? Dans combien de temps va-t-il tenter de te tuer !?

-Dans...

Ses mots se perdirent dans le vent. La vision de Lysandre disparut, remplacée aussitôt par le sol parisien, dont elle se rapprochait de nouveau à toute vitesse.

Cette fois-ci, elle poussa un hurlement.

La Marquise SanglanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant