Isabelle fixait le gros matou noir, qui le lui rendait bien.
Ses yeux brillants et jaunes étaient pleins de nuances fascinantes. Néanmoins, il lui cassait les oreilles, à miauler aussi fort. À croire que cet espèce de félidé râleur n'avait que ça à faire : miauler.
D'un autre côté, elle n'avait pas mieux à faire que de l'écouter. L'un dans l'autre, ils s'y retrouvaient tous les deux. Il s'occupait, et cela comblait le silence dans lequel elle gisait depuis des heures déjà.
-Tu crois que ça m'amuse, mon gros ? finit-elle par dire.
Assise sur une caisse retournée, au fond d'une cave contenant une momie égyptienne et des rochers gravés de hiéroglyphes, elle commençait à vraiment s'ennuyer. Voilà un moment qu'on l'avait jetée dans cette pièce, sans lui parler. Rien n'avait été revendiqué. On ne l'avait même pas insultée, en vérité. De fait, elle se demandait qui pouvait bien être ses agresseurs.
Selon ses paris personnels, elle aurait dit les Combattants pour la Pureté, ou les Gardiens, les Guerriers... Elle ne savait plus trop ce que Lysandre lui avait dit.
Bref.
Elle se trouvait enfermée par des inconnus mal élevés. On pouvait enlever une femme et se présenter, tout de même ! Car sans sujet de tergiversations, elle revenait immanquablement sur son frère, monsieur Justin et sa trahison.
Que son frère soit un sodomite convaincu, ça, elle le savait depuis moult années et s'en fichait comme de sa première paire de bas. Mais monsieur Justin ? Qu'il le soit, et en plus avec son frère !? Son sentiment de haine était décuplé par une telle traitrise. D'autant plus que Armand lui avait fortuitement appris qu'ils entretenaient cette relation depuis cinq bonnes années.
Donc le majordome honni était venu la trouver bien après avoir entamé sa relation avec son frère jumeau. Il avait profité de la rupture des fiançailles entre elle et Lysandre, pour mieux la duper. Profiter de la faiblesse sentimentale d'une femme, vraiment ! En y réfléchissant, cela ressemblait bien aux manœuvres d'un pleutre vampirique doublé d'un maudit manipulateur.
Ha, la technique de l'otage pour tenir les vampires à l'écart, elle s'en souviendrait ! Merci à feu son père et ses idées stupides !
Et Lysandre... Si au moins il lui avait dit la vérité à l'époque, au lieu de la repousser pour la protéger d'une chose dont elle connaissait déjà tout ! Mais en femme bien élevée, elle n'avait jamais évoqué le sujet de la métamorphose et de la consommation d'hémoglobine devant lui. Quelle stupidité !
Des bruits de pas se firent entendre au-delà de la porte. Isabelle continua à observer le chat, dont l'une des oreilles partit sur le côté pour écouter les intrus. On toqua poliment, puis les serrures furent déverrouillées.
Oh, quelle surprise, le vieux Colmant, songea-t-elle avec ironie.
-Bien le bonjour, mademoiselle la Marquise.
-Bonjour, fit-elle en se redressant.
Elle épousseta sa robe, le chat miaula entre ses chevilles d'un air possessif. Ha les félins. Restez cinq minutes avec eux et ils vous prenaient pour leur possession.
-Que me vaut le plaisir de cette rencontre, monsieur Colmant ? demanda-t-elle, les poings sur les hanches. Une brusque envie de rendre hommage à la famille d'Isria ? Ou une envie de chantage éhonté ?
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La Marquise Sanglante
Fiksi UmumTrès peu de choses pouvaient mettre la Marquise Sanglante hors d'elle : l'insulter, insulter les siens, toucher à sa famille. Or, en cette année d'exposition universelle de 1889, quelqu'un avait commis ces trois erreur