Chapitre 4 : La Fumerie d'Opium

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En vérité, monsieur Justin avait rencontré une paire d'individus mal fagotés et particulièrement hargneux. Après un bref affrontement, le majordome avait dû interrompre la rossée qu'il leur infligeait, car l'un d'eux avait osé envoyer un bâtonnet de dynamite en direction de la demeure des Colmant. Isabelle s'y trouvant, il avait rattrapé l'objet en plein vol avant d'atteindre la mèche avec précipitation.

Évidemment, les indigents s'étaient déjà envolés, ne laissant que suspicion et boulet de canon dans leur sillage.

Ha, oui, et un couteau planté entre les cotes de Justin, aussi.

-Pourquoi me l'avoir dissimulé ? fulminait Isabelle en soignant la blessure.

Torse nu dans la chambre de sa maitresse, assis sur un tabouret rembourré, le majordome haussa les épaules. Sa musculature fine, mais efficace, se découpait dans la lumière du feu ronflant dans la cheminée. Mademoiselle s'échinait à nettoyer la blessure, à grand renfort d'alcool et de tissu propre.

-Monsieur Lysandre n'aurait pas compris.

-Pour sûr, fit-elle en roulant des yeux exaspérés. Une lame dans le poumon fait plus d'effet, en général.

-Bah, tu ne peux pas me reprocher d'être résistant à la douleur.

-La résistance n'excuse pas l'inconscience, bougre d'âne ! explosa-t-elle en jetant le linge taché de sang dans la bassine. Et si la lame avait été en argent !? Ou en bois !? Hein !?

-Isabelle.

-Tu aurais pu en mourir !

-Isabelle ! s'exclama-t-il en lui saisissant les poignets. Calme-toi !

-Je... Oh, ça va ! Excuse-moi de m'inquiéter pour toi !

Les larmes aux yeux, elle se mordilla la lèvre inférieure. Dans l'ambiance tamisée de la chambre, elle était terriblement désirable aux yeux de Justin. Doucement, il passa un bras autour de sa taille, pour l'attirer à lui. Elle n'avait pas même pris la peine de se changer avant de le soigner, aussi son généreux décolleté s'exposait-il à sa vue.

-Tu sais bien que je ne peux pas mourir pour si peu, Isabelle, murmura-t-il effleurant sa joue du bout des doigts. Tu n'es pas près de te débarrasser de moi.

-Idiot...

Leur baiser fut doux. Néanmoins, ils ne tinrent pas longtemps à ce rythme. Bientôt ils roulèrent sur le lit, la robe déchirée laissée sur le tapis. Et si la jeune femme s'inquiéta de sa blessure, il la dissuada rapidement de s'en occuper. Lui faire perdre la tête était le meilleur moyen d'y arriver.

*

-Un sourire dentu sur un boulet de canon ?

Allongée sur le ventre, le drap couvrant à peine son corps dénudé, Isabelle tapotait du doigt la lourde sphère de fer. Justin l'avait posé là quelques instants plus tôt, afin de la soumettre à son œil expert. Installé sur le flanc, lui profitait de la vision de la jeune femme au petit matin. Rares étaient les occasions d'être ainsi, paisibles.

Dans le sud, la camériste venait tous les matins l'aider à l'habiller et à la coiffer. Il n'y avait qu'en déplacement qu'elle congédiait tout le monde, pour ne garder en bagage que son amant de majordome. Aussi était-il ravi de pouvoir la voir ainsi les cheveux détachés sur sa peau nue, sous les lueurs du petit matin. Même si le soleil manquait cruellement au tableau dans le nord.

La Marquise SanglanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant