Le flanc piqué par la lame, un bras passé en travers de sa gorge la plaquant contre monsieur Justin, Isabelle s'était déjà trouvée en meilleure position. À vrai dire, elle était ivre de rage.
Si elle n'avait pas été aveuglée par son désir de vengeance, elle ne se serait pas retrouvée dans une telle situation !
Mais non, au lieu de raisonner avec sa cervelle, elle avait préféré se jeter tête baissée sur le misérable enfoiré qui lui avait jadis servi de majordome. Le souffle dans son oreille, il la guidait dans les escaliers avec rapidité et efficacité. Monsieur Colmant et ses colosses mis hors d'état de nuire, ils se dirigeaient à présent vers la source de multiples hurlements et cris d'agonie.
-Puis-je savoir où nous nous trouvons ? demanda la Marquise en grimpant les marches quatre par quatre, au milieu de momies et autres ossements anciens.
-Au Louvre. Vous ne l'aviez pas encore compris ? fit le vampire, narquois.
-Sachez que j'étais fort occupée à être inconsciente.
-Oh, je n'en doute pas : sans moi, vous n'êtes pas fichue de vous défendre.
-Je suis humaine, je vous rappelle. J'ai le malheur de souffrir de la faiblesse inhérente à ma race.
-Vous, faible ? C'est bien la première fois que j'entends ce mot dans ta ravissante petite bouche, Isabelle.
Ils s'arrêtèrent en haut de l'escalier, le temps qu'il ouvre la porte. Ce faisant, il se pencha sur la nuque de la jeune femme, raide comme un piqué. Elle l'entendit renifler sa peau, chose passablement dégoutante. Son grondement indiqua un mécontentement évident.
-Quoi ? cingla-t-elle.
-Tu portes l'odeur de Lysandre.
Il ne le vit pas, mais elle haussa un sourcil hautain.
-En quoi cela vous concerne-t-il ?
Contre toute attente, elle se retrouva plaquée dos au battant de la porte, entre les escaliers et une pièce vivement éclairée par de hautes verrières. Tiens, il fait jour, songea-t-elle, juste avant de croiser le regard de son ancien majordome d'amant.
-Tu as couché avec lui ? siffla-t-il.
Pouvait-on être plus outrée qu'elle en cet instant ? Belliqueuse, elle se pencha en avant, presque nez à nez avec lui, pour rétorquer d'un ton acide :
-Vous avez tenté de me tuer. Qui me saute ne vous concerne plus.
La fureur la rendait terriblement vulgaire. Quel désastre pour les oreilles.
-J'ai toujours détesté Lysandre. Voilà qu'il profite de ton ridicule cœur brisé pour te mettre dans son lit ?
-Oh, comme c'est mignon, fit-elle en lui tapotant la joue, en dépit de la lame toujours pointée sur ses côtes. C'est moi qui lui ai demandé de rentrer dans mon lit, pas l'inverse.
Ce n'était pas tout à fait juste, mais cela eut l'effet escompté. Enfin... Si l'on voulait parler de faire sortir son adversaire de ses gonds. Car contre toute attente, en dépit de la rage et de la haine qui irradiaient de Justin, il l'attrapa par le menton... Et força ses lèvres en un baiser répugnant.
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La Marquise Sanglante
Ficción GeneralTrès peu de choses pouvaient mettre la Marquise Sanglante hors d'elle : l'insulter, insulter les siens, toucher à sa famille. Or, en cette année d'exposition universelle de 1889, quelqu'un avait commis ces trois erreur