Chapitre 18 : Le Sacrifice du Pacte

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L'exécution était prévue pour le lendemain matin.

Autant dire qu'Isabelle ne trouva pas vraiment le sommeil cette nuit-là. Assise près de la fenêtre, elle observait les cieux parisiens. La lune décroissante brillait, superbe dans cette immensité sombre.

Elle ne savait pas à quoi allait ressembler son exécution, mais elle s'en moquait. Tout ce à quoi elle pensait, c'était Lysandre. Comme elle aurait aimé le revoir, en cet instant ! Et pourtant, elle lui en voulait un peu. Il était toujours intervenu quand il le fallait, depuis son arrivée à Paris. Pourtant, cette fois-ci, il n'arriverait pas à temps. C'était tout bonnement impossible.

Au plus elle y pensait, au plus elle aurait voulu remonter à ce fameux jour. Le jour où il avait rompu leurs fiançailles.

C'était en plein mois de mai. Elle était venue avec son père pour conclure quelques affaires, aussi avait-elle ardemment souhaité voir son commissaire durant le séjour. Ils s'étaient retrouvés dans les jardins de la propriété des Montilliac. Lysandre était superbe : en bras de chemise, il l'avait accueilli d'un sourire éclatant. De façade.

Leur mariage était pour l'année suivante. Ils avaient enfin fixé une date, car contre toute attente, ils étaient tombés amoureux l'un de l'autre dans cette union arrangée. Aussi lui avait-elle sauté dans les bras, heureuse.

Puis il lui avait annoncé leur rupture. Pourquoi ? Il en aimait une autre, avait-il dit en passant nerveusement une main dans ses cheveux. Elle se souvenait exactement de ce geste, gravé à jamais dans sa mémoire. Maintenant, elle comprenait qu'il contrôlait l'apparition de deux oreilles inhumaines sur sa tête.

Elle avait quitté Paris leur cœur brisé. Pourtant, il n'y avait jamais eu d'autre femme. Même en prêtant attention aux plus petits ragots de la capitale, personne n'avait jamais vu monsieur de Montilliac avec une autre. Qu'importe. Elle y avait alors cru, et cela l'avait détruite.

La suite était bien connue : elle était tombée dans les bras de son vampire de majordome.

-Oh, Lysandre, chuchota-t-elle en fixant la lune. Tu me manques tellement...

Deux années de perdues, car il l'avait cru humaine. Car il avait voulu la protéger. Maintenant, elle comprenait tellement de choses... Sa réticence à l'embrasser, notamment. Les rares fois où ils s'étaient permis des privautés, il les avait interrompus précipitamment. Et au plus le temps passait, au plus elle avait eu envie de lui, cela avait été indéniable. Il avait dû être sur des charbons ardents, à cette époque. L'excitation faisait apparaitre pupilles de chats et oreilles chez lui, alors...

Un miaulement lui fit baisser les yeux sur le matou roux. Il lui tenait compagnie depuis son arrivée ici. Bien gros, il bondit sur l'appui de la fenêtre, pour venir planter son regard félin sur elle.

Tiens, c'était bien ce qu'il lui fallait ! Un chat pour lui rappeler Lysandre !

Il miaula un peu plus fort, avant de se laisser tomber sur ses genoux. Il pesait son poids, le bougre !

Elle s'endormit avec lui sur les bras.

Le lendemain matin, elle fut réveillée par une camériste tout sourire. Elle procéda à ses ablutions, on la coiffa, on la maquilla. Les vampires avaient toujours été réputés pour leurs mises en scène : on l'affubla d'une toge grecque, afin de faire d'elle un sacrifice.

La Marquise SanglanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant