La Marquise Sanglante

Chapitre 6 : Le Secret du Commissaire

Béatrix, pouliche de luxe au moulin rouge, était la garce qui avait passé commande chez monsieur Damor. Prostituée notoire et amatrice d'exhibitionnisme rémunéré, la donzelle était sans nul doute une intermédiaire.

Isabelle avait la ferme intention de l'interroger.

Néanmoins, elle n'avait pas de temps à perdre. Aussi retourna-t-elle chez elle. À peine fut-elle arrivée sur le palier que monsieur Justin s'inclinait devant elle, comme convenu.

-Je serais de retour dans une petite heure, mademoiselle d'Isria, fit-il poliment pour la gouvernante. Puis-je vous demander de ne pas quitter la demeure pendant ce laps de temps ?

-De toute façon, je dois attendre Lysandre. Il doit prendre ma déposition.

Cette piqure de rappel ne parut pas lui plaire, mais qu'y pouvait-elle ? Il n'aimait pas la savoir seule avec le commissaire, et elle, elle l'envoyait dans l'antre de la débauche parisienne. Avec le nombre de fesses nues au mètre carré, Isabelle avait plus de raisons de s'inquiéter que lui. Pourtant, il fallait bien s'assurer de la localisation de Béatrix, non ?

-Je serais là dans vingt minutes, bougonna-t-il.

Sur quoi il partit œuvrer. Avec un soupir, la marquise se tourna vers sa gouvernante, dont le sourire un peu crispé lui fit froncer les sourcils. Il n'était pas encore midi. Que se passait-il ?

-Mademoiselle, j'ai reçu un appel de Marissa, l'infirmière de votre frère. Elle souhaiterait que vous la rappeliez pour...

Des coups frappés à la porte l'interrompirent. Refermant la bouche, Fernande trottina pour aller ouvrir. Sans attendre, Isabelle alla à son téléphone. Elle était déjà en train de composer le numéro du manoir quand l'uniforme d'un policier attira son attention. Le képi entre les mains, se dandinant d'un pied sur l'autre, il semblait passablement intimidé.

-Marquise d'Isria ?

-Vous venez prendre ma déposition ? s'enquit-elle en reposant le combiné.

-Heu... Non... Le commissaire souhaitait s'en charger lui-même. Malheureusement, il a été blessé, aussi vous informe-t-il de...

-Comment ça, il a été blessé !?

Le pauvre policier se redressa dans ses bottes à son ton incisif.

-Oui. Il a été forcé de rentrer chez lui pour se faire soigner et...

-Parbleu ! Vous me raconterez tout cela en route !

-En... En route ?

-Vous m'emmenez chez lui.

Une fois à mi-chemin de chez Lysandre, elle réalisa son oubli : elle n'avait pas appelé Marissa. Mince. Elle le ferait dans les plus brefs délais. Après avoir vaincu la crise de jalousie de Justin, par exemple. Car à n'en pas douter, il n'allait pas apprécier de retrouver la maison vide de sa présence, en raison de son départ pour la demeure du commissaire.

Quoi qu'il en soit, Isabelle foula bientôt le tapis de son entrée. Immaculée, la tanière de Lysandre ressemblait à celle de n'importe quel célibataire parisien en vue : dans un décor de bois et d'armes en tout genre pour ornement, un majordome âgé l'intercepta. Il se félicita de la revoir après deux années d'absence, avant de l'avertir de l'impossibilité de voir son maitre.