À une citadine
Toi dont la liberté n'a pas de prix mais qui n'en a cure. Toi dont la beauté resplendit de mille éclats. Nous sommes de la même contrée mais nos mondes sont diamétralement opposés. Nos vies sont parallèles et pourtant je ne suis pas moins femme que toi. Cette emprise étouffante sous laquelle je suis, m'insupporte. Mais aussi vraie soit mon affirmation, je ne suis pas aussi audacieuse que toi. J'envie ta folle liberté, ton arrogance, ton audace. Oui, tu es un modèle à part entière. Tu oses, tu tentes, et même si l'échec se met en travers de ton chemin et te bat en plein visage tu lui mets une plus grande pataswèl et tu recommences jusqu'à atteindre ton but. Tu as des possibilités variées, vois-tu. Moi je ne les ai pas. La chance n'existe pas pour moi. Encore moins le hasard. Si je laisse une occasion passer, je la rate et c'est tout aucune autre ne se présentera. Toute audace de ma part est passible de mort. Toi tu vis un rêve éveillé, tu n'attends pas que l'occasion se présente tu la cherches.
Rien ne te résiste trop longtemps. Caractérielle comme plus d'une, tout se plie à ta volonté. Que tu sois mère de famille ou célibataire, tu fais en sorte que ton sourire soit le meilleur maquillage que tu portes. Tu rayonnes! Et ta joie de vivre change des millions de vies à ton insu car chez toi c'est naturel. Raffinée, le luxe te va à ravir. Même quand on te rabaisse et moi aussi par la même occasion, en te traitant de Zo rat, de limena, tu restes forte et tu encaisses. Je compatis à ta douleur intérieure car nos cœurs sont synchronisés, ton cœur bat donc au rythme du mien, je ressens ta douleur mais je te blâme aussi. Ton comportement de libertine nous a conduit jusque-là et maintenant nous devons payer le prix toutes les deux puisque je t'ai suivie dans ta bêtise. J'ai délaissée mes coutumes pour te suivre , tellement aveuglée parce que tu es ma sœur, je n'ai pas vue que nous avions dégringolé la pente ardue du libertinage et nous voilà livrées, faibles proies que nous sommes, à ces prédateurs affamés. Toi tu le vis mieux que moi car tu leur tiens tête. Pas moi. Mon mari ou le nèg avec qui mes parents m'ont placé a le droit de me bimen quand l'envie lui prend ou quand je lui désobéis. Je ne prends pas mes décisions, il décide de tout. L'amour existe pour toi. Moi je ne le connais pas. Même le mot sonne étranger dans ma bouche voire pour ce qui en est de ces trucs minables qui te rendent si faible, qui l'accompagnent. Tu représentes notre luxe,nos beautés. Tu hisses notre drapeau de sveltesse, de rondeurs au mât de l'international. Tu fais ma fierté. Tu fais la fierté de toutes nos consœurs. Aucune d'elles ne sauraient t'envier puisque nous sommes toutes égales.
Je ne sais plus quoi te dire. Je crois que tu sauras deviner les autres mots manquants de ma correspondance qui résident au plus profond de ton cœur. Cherche-les. Trouve-les. Et continue sur cette même lignée. Sache que moi, fanm mòn, ces mots qui tant de fois ont sonné comme une injure de la plus grande envergure à tes oreilles, oui fanm mòn,ces mots qui tant de fois t'ont transpercé le cœur comme une lame et le mien par la même occasion, fanm mòn, titre qu'on m'a attribué dès la naissance vu ma position géographique, fanm mòn, oui je le suis. Fanm mòn à cent pour cent puisque je n'ai pas connu l'école, je ne suis pas aussi éduquée que toi. Je n'ai pas mon français sur le bout de ma langue je n'ai que mon créole swa dont les mots suaves glisseront mielleusement à ton oreille. Tu parles d'une égalité! On m'a conçue et élevée dans l'erreur. On m'a façonnée pour être soumise.
Rebelle, oui tu l'es car de cet égout tu as su remonter, de ces chaînes qui t'entravaient tu as su te libérer. On nous a inculqué les mêmes valeurs mais toi tu as su les manipuler à ton avantage. Moi je les ai gardés telles qu'elles sont. De sexe faible, on te traite et moi par la même occasion. Tu t'es battue pour l'égalité. Égalité non respectée. Égalité privilégiée. Égalité pour une minorité.
Si je me plains à toi aujourd'hui c'est parce que j'étouffe, je ne tiens plus debout, je sens ma force me quitter. Le temps est contre moi, la vie est contre moi. JE suis contre moi. Mon intérieur est un vrai champ de batailles, j'ai déclaré forfait. J'ai déposé les armes. J'ai baissé les bras.
Je voulais te le dire parce que tu es ma sœur. Et qu'en cette journée, où nous toutes, peu importe notre nationalité, notre race, notre religion, sommes mises en valeur par nos tyrans pour certaines, par nos charmants époux pour d'autres, tu sois la main qui me relève. Une seule action de ta part me redonnera ma vigueur d'avant parce que si je faibles c'est parce que toi tu faiblis aussi.
Alors trouve les pièces manquantes à ce puzzle de mots que je t'écris.
Bonne fête à toi chère sœur.
Une paysanne
À une paysanne
Toi qui m'as écrit ces doux mots qui m'ont touché. Je te dis merci. Merci, car cela ne fait pas partie de mon quotidien. Même si tu me places et toi par la même occasion sur ce piédestal, sache que je ne suis que ton reflet. C'est ton sang qui coule dans mes veines. C'est ta sueur qui transperce mes pores. C'est ta force qui m'anime. Et c'est ton courage qui me met le sourire aux lèvres. Non tu n'as pas connue l'école mais tu as connue pire. Ta peau est marquée par les rudes coups de la vie. Quand je te vois sur le dos de ces tas de ferrailles qui servent de transport pour tes marchandises, le soleil flambant ton chapeau de paille placé correctement sur tes tresses de couleur jais ou de cannelle, toi, fatiguée risquant un cabicha tout en surveillant les dangers de la route et tes marchandises, mon cœur se fend de tristesse de voir à quel point la vie ne te fait pas de cadeau et à moi non plus. Mais tu restes forte.
Tu tiens tête à la vie. Tu risques tout mais pas sur tous les points.
Quand tu es dans les champs, tu ne te plains du soleil qui pourrait malmener ta peau d'ébène non tu travailles, même les épines ne t'ébranlent pas.
J'apprécie énormément ton courage, ta vivacité, ta façon de voir les choses.
Tu dois rester forte. Tu dois positiver. Ne baisse pas les bras. Reprends tes armes, car notre cause n'est pas perdue. Souris, de ce sourire qui révèlent tes dents blanches et tes gencives caïmite. Souris, car c'est notre arme la plus forte. J'ai cherché les mots et je les ai trouvé j'espère qu'il en sera de même pour toi. De toi, je puise mon courage. Je suis moi aussi épuisée mais je ne baisse pas les bras et tu dois en faire autant.
Je sais que tu es une fanm djanm, fanm créole à cent pour cent.
Surpasse-toi comme tu le fais à chaque fois et tu verras que la vie te sourit à nouveau. Je te souhaite le meilleur. Et qu'en ce jour où mes consœurs et toi êtes mises en valeur et moi aussi par la même occasion, vous vivez votre vie comme il se doit. Rayonnes, brillez, étincellez, rêvez et réalisez vos rêves. Je serai là à vous attendre au bout du tunnel.
Bonne fête à toi aussi chère sœur.Une citadine
Jean Rashmi Ruth Djinah Stassee.
MissNutellaandOreo07
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Si les Mots étaient Femmes
Short StorySi les Mots étaient Femmes, alors ils seraient de l'encre vomi par la fougue des plumes empressées. Ils redessineraient la réalité, ils peaufineraient la femme en faisant ressortir la quintessence de leurs existence. Ce sont des mots, des phrases, d...