Le cri d'une foudre déchira la nuit. Silencieux, deux sillons mélancoliques glissaient sur le visage de l'homme. Il pleurait. Il pleurait le temps qui dans la course interminable de la vie avait été plus rapide que lui. Il pleurait ce qu'il n'avait pas dit, ce qu'il n'avait pas fait. Il regrettait.
"Quand je partirai,
Tu aimeras et tu pleureras.
Quand je partirai,
Tu tomberas, mais promets-moi
Que tu te redresseras.
Quand je partirai,
Sois très fort et ne baisse pas la face à ceux qui te voudront du mal.
Je sais que tu les affronteras.", chantait la voix.«Tu grandissais tellement vite que cela m'effrayait. Je voulais profiter un peu plus de ton innocence, mais je ne pouvais rien face au travail de mère nature.
Petit, je t'emmenais au bord de la mer. Et ensemble nous marchions sur le sable. Je te contais des histoires de pirates et je m'extasiais lorsque tu t'imaginais ta propre histoire. Tu voulais avoir ton propre bateau. C'était si bon de te regarder mimer des gestes de grands conquistadors avec tes petits bras, tes yeux brillaient, tu rêvais... Et aussi magique que ces moments pouvaient être, ils me rendaient triste aussi. Parce que je savais tout au fond de moi que la vie n'allait pas tarder à remplacer cette étincelle dans tes yeux par ses dures réalités. Si j'avais pu, je t'aurais gardé en moi pour ne pas que tu aies à affronter tout cela.
Mon maigre salaire ne pouvait plus rien pour nous deux. Tu grandissais et il fallait que tu ailles à l'école. J'ai cherché du travail... Rien. Et à m'absenter trop au restaurant pour trouver quelque chose d'autre à faire, je me suis faite renvoyer. Deux jours après cela, tu es tombé malade au beau milieu de la nuit. Tu tremblais et tu avais des hallucinations. Jamais de la vie, je n'avais eu aussi peur. Je suis restée à ton chevet toute la nuit. J'ai cru que plus jamais je ne te reverrai courir sur le sable de la plage. Cette douleur que j'ai ressenti en te mettant au monde, je l'ai encore sentit. C'était tel un poignard qui me fendait en deux. Non je n'aurais jamais accepté de ne plus t'avoir. Tu n'avais que 4 ans.
Tôt le lendemain, je suis partie avec toi sur les épaules avec l'intention de trouver de l'aide. Moi qui ne m'étais faite aucun ami dans le coin depuis que je suis arrivée, qu'allais-je faire ? J'étais prête à tout mon enfant. Tout. Juste pour revoir ton beau sourire. Tu étais brulant et pour la toute première fois la chaleur de ton corps m'effrayait. J'ai trouvé de l'aide comme je l'espérais. Mais une nouvelle façon de vivre débutait pour nous deux. Je devais désormais m'absenter tous les soirs. Mes instructions ont été : rester à l'intérieur et n'ouvre à personne jusqu'à mon retour. Mais jamais tu ne m'as vu revenir. Tu t'étais tout le temps endormi. Et c'était mieux ainsi. Je ne voulais pas que tu fasses connaissance avec celle que j'étais quand il faisait nuit.
Tu allais désormais à l'école et je me faisais une joie de découvrir le petit garçon intelligent qui se cachait en toi. Je n'étais là que dans la matinée, la nuit tu t'endormais sans moi. Je souffrais de cela et toi également. Tu ne comprenais pas ce changement de situation, mais tu l'acceptais sans te plaindre. C'était cette force que je lisais en toi qui me donnait le courage de continuer. D'avancer juste pour toi.
Lorsque je rentrais tôt les matins, tu étais toujours endormi. Je te contemplais dans ton sommeil et me demandais de quoi tu devais rêver. Il y avait cette moue que tu faisais qui me rappelait celle que faisait mon père quand il dormait. C'était l'un des rares plaisirs auquel la vie me faisait goûter. Un matin, il devait être 2h, je suis rentrée doucement pour ne pas que tu te réveiller. Je t'ai trouvé assis sur ton petit lit. Tu m'attendais. Tu t'es précipité et tu m'as serré contre toi. Tu m'as dit ce jour-là :
-Maman dis-moi où je peux trouver le chapeau de l'arc-en-ciel¹. J'irai le chercher et nous serons riches. J'aurai mon bateau et nous irons naviguer. Tu seras toujours avec moi. La nuit comme le jour. Maman la nuit j'ai peur sans toi...
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Si les Mots étaient Femmes
Short StorySi les Mots étaient Femmes, alors ils seraient de l'encre vomi par la fougue des plumes empressées. Ils redessineraient la réalité, ils peaufineraient la femme en faisant ressortir la quintessence de leurs existence. Ce sont des mots, des phrases, d...