Et alors que le noir envahit ma mémoire, j'ai peur. Dans mes rêves d'enfant, le monstre du placard se réveillait à l'heure où mes parents s'endormaient. Des années ont passées depuis. J'ai changé, moi, ma maison, ma chambre, mes parents qui reposent pour l'éternité. Mais le placard est toujours là. Une intuition sourde, que ni la raison ni la logique de parviennent à museler, me hurle que le monstre non plus n'a pas changé. Et qu'il est là, à attendre derrière la porte, que la lumière disparaisse complètement. Je lui donnait un nom, enfant. Je ne me souviens plus duquel. Mais ce nom résonne toujours avec la même intensité malsaine qu'autrefois. L'électricité n'a rien arrangé au noir. Au contraire, la lumière froide et jaune des ampoules accentue les ombres et les ténèbres.
J'ai l'impression de me noyer. Je ne me souviens plus. Je n'arrive plus. Il ne me reste qu'une chose, quelque chose qui surpasse tout, et noie mes souvenirs dans le noir qui m'effraie tant. Au fait. Mon nom. Comment je m'appelle ? Inutile. Pas important. Non, ce qui compte, c'est la terreur. Cet effroi qui gronde et tord mes entrailles. Et son nom ? A la chose ? Au mal qui hante les placards de toutes les chambres ou j'ai dormi ? Dérisoire. Insignifiant par apport au sentiment de répulsion féroce qui me provoque des haut-le-cœur.
Je suis vieux. Mon coeur est bien trop faible, désormais, pour ces terreurs nocturnes. Mais j'ai l'impression que c'est pire. Au lieu de gagner en sagesse et en assurance, j'ai perdu en raison et en imagination. Je ne sais plus comment je réagissais, enfant. Comment faire pour chasser le mal. Quelle connerie, devenir adulte ! Tout ce qu'on fait, c'est se persuader d'une logique confortable qui perd tout son sens dès la nuit tombée. Je ne me rappelle plus de la logique. Et la raison m'a déserté. Pour laisser place à l'horreur qui me prend à la gorge.
J'en suis désormais sûr. Aussi sûr que le mal, absolu et sans condition, sans enveloppe charnelle, à l'état pur, existe. Je vais mourir. Pas un jour. Pas dans une minute. Pas dans une heure. Maintenant. Je me refuse à fermer les yeux. Je veux que ceux qui découvriront mon corps voient mes pupilles dilatées dans l'horreur et la terreur qui font trembler mes mains beaucoup plus sûrement que Parkinson.
Et avant même que la main se pose sur ma gorge, je sais qu'il a quitté le placard et qu'il se tient derrière moi, dans le noir.
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My art book
RandomCe livre est un bordel sans nom qui représente assez bien une certaine évolution chronologique. Sachez cependant que la première partie date de 2016 - pour moi ce n'est pas si vieux, mais tout dépend de quand vous lirez ces lignes. Cet Art Book est...