J'aimerais croire [ode à mon désespoir excessif d'adolescente ]

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fleur-mortelle

J'aimerai croire. J'aimerai vous croire. Vous. Je m'adresse à tout le monde sauf à moi. Je m'adresse aux vieux, qui sont là depuis toujours et qui resterons encore un peu. Je m'adresse aux jeunes, qui ne sont pas ici depuis longtemps, mais sur qui repose un immense fardeau. Celui de réparer les erreurs. Celui de changer ce monde.

Alors oui j'aimerais croire, moi, en tant que lycéenne lambda, en tant qu'adolescente, en tant que fille heureuse née dans un pays riche, dans une famille heureuse. Mais je ne suis pas que cela. Je suis une future citoyenne d'un pays où tout ne va pas si bien. Je suis une future mère, me hurle la société, sauf que moi je ne veux peut-être pas. Je suis une future femme, le sexe faible, prête à me battre pour me trouver une place. Je suis une habitante de cette Terre qui hurle de douleur, et de souffrance. Je suis un être humain doué de bien trop d'empathie pour fermer les yeux sur tout ce qui ne va pas.

Alors oui j'aimerais croire ce futur qu'on me promet, cette vie toute tracée, cette destinée bien heureuse. J'aimerai croire que l'avenir m'ouvre ses portes, qu'il faut travailler, que c'est déterminant mon futur que vous m'imaginez tout tracé, beau, emplit de réussite et d'amour. J'aimerai croire que chaque note que j'ai comptera pour mon bac, comptera pour mon métier, j'aimerai croire à ce futur que vous me promettez.

J'aimerais croire que je suis belle, que je suis jeune, et que ce n'est pas demain que je mourrais. J'aimerai croire à ce talent que vous me prêtez, j'aimerai croire à ces amitiés qui m'entourent et j'aimerai croire que je grandirai encore. Croire que je n'aurais besoin que d'amour et d'eau fraîche, croire que je ferais de brillantes études, croire que je travaillerai tranquillement, que j'élèverai mes enfants, tout là-haut, dans les hautes sphères dorées ce monde.

J'aimerai croire que tout ira bien, que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, j'aimerai croire, comme vous le dites si bien, que ça évolue et que forcément, ça ira mieux demain, et puis tu sais, puisque tu en parles, tient, profite-en, change le, ce monde dont tu dis qu'il va si mal !! Oui, voilà, nous touchons le problème du doigt.

J'aimerai croire, mais je n'y arrive pas. J'ai beau fermer les yeux, les tourner obstinément vers ce futur tout beau et tout doré, j'entends les cris d'agonie, j'entends les hurlements des enfants, que visiblement vous n'entendez pas, puisque vous n'avez pas le temps de tendre seulement l'oreille !!

Mais je ne vous en veux pas. Ou plutôt, je m'en veux à moi. Je m'en veux de ne plus croire, à tout ces contes et ces histoires, je m'en veux d'avoir brisé ce superbe miroir, je m'en veut de découvrir l'abyssal noir. Car rien ne va, et certainement pas moi. Mon futur n'est pas tout tracé, cet avenir tout doré je n'en veut pas. Les lendemains ne sont pas beau, ni même à espérer, ce merveilleux monde je n'y crois pas.

Tout s'améliore, tant bien que mal, un pas en avant et puis retourne-toi ! Mais voilà, je n'y arrive pas. Je suis obligé de tendre l'oreille, d'ouvrir grand les yeux, de voir les humains s'abîmer dans la mer. J'apprends en histoire que tout est de notre faute, que le monde est fait ainsi depuis des décennies et des décennies, que les tragédies d'hier ont créé celles d'aujourd'hui ! J'apprends en SVT que la Terre va mal, qu'il est sûrement trop tard pour tout arrêter, puisque de tout manière, on n'a jamais rien fait, et que ni aujourd'hui ni demain nous ne ferons rien. J'apprends et j'observe que tout s'écroule, que l'économie doit tenir coûte que coûte, que la planète, elle, ne tiendra pas, et que les hommes qui se tiennent tout là-haut, le dos droit, ne font rien, rien d'autre que de ne surtout pas regarder en bas. J'apprends et j'observe, j'écoute et je vois que depuis longtemps, bien plus longtemps que cela, on hurle, on cri, on prévient et je comprends que ça ne sert à rien que j'endosse ce rôle-la. Je constate alors, et je me questionne. Ainsi que puis-je faire ? Ainsi que dois-je faire ? Et je ne trouve aucune réponse à mes questions, et je ne trouve aucune solution à mes équations, comprenez bien dès lors, mon désespoir face à ces beaux mensonges et ces belles paroles.

Je ne crois plus que demain ça changera, car pour cela, il faudrait que ce soit moi, ou quelqu'un comme moi qui change tout d'un claquement de doigts. La tâche est énorme, le fardeau si lourd, et quelle poids d'être née sur cette Terre, de devoir la changer ou fermer les yeux et croire aux belles histoires ! Mais je ne peux pas, si je me crève les yeux, mes oreilles entendrons et si je suis sourde, mon imagination fera la video et le son.

Tout ça pour vous dire, que je ne sais pas. Je suis perdue, perdue face à l'immense travail, perdue face au monde qui se meurt. Je ne vous demande aucune solution. Je ne vous demande aucun amour, je ne vous demande pas d'hypothèse, pas de théorie, pas de compassion, aucune justice, pas d'argent, ni d'opinion. Je vous demande encore moins des histoires. Comme aurait dit, dans des mots qui se ressemblent, dans une autre langue, (mais est-ce que ça change quelque chose ?) un certain Léo Tolstoy ; je ne vous demande que la vérité.

Alors oui, j'aimerais croire
Vos promesses, vos espoirs
Mais je n'arrive à en tirer que de l'ironie et de l'humour noir
Oui, j'aimerais croire
Mais il est déjà trop tard
Je n'y crois plus
Au fond je ne crois pas
Un jour y avoir vraiment cru.

My art bookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant