IV

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Ils prirent quelques instants pour récupérer, et se remirent prestement en route, pressés de quitter au plus vite ce lieu glauque et inhospitalier. Pour ne pas se laisser envahir par la peur, en occupant leurs esprits afin qu'ils ne dévient pas vers de sombres songes, et éviter le silence, Dem mit en place un petit jeu. Mario et Eazy s'y prêtèrent volontiers, au grand dam de N'da, qui considérait que ce bruit ne manquerait pas d'attirer sur eux d'éventuels rôdeurs. Le jeu était extrêmement simple, il consistait à dire un mot, que le second joueur devait répéter, puis en ajouter un autre, et ainsi de suite. Dès que l'un d'eux se trompait, ils recommençaient. Ils ne comptaient pas les points, avaient à peine conscience de qui faisait l'erreur. Ils reprenaient mécaniquement une nouvelle suite de mot, et, tel un rituel répété à l'infini, continuèrent pendant des heures, leurs voix perçant de petits trous dans l'épaisseur du silence. Bien que cette activité leur permit, dans une certaine mesure, de réfréner la terreur qu'inspirait le décor, leur soulagement fut intense, à la hauteur de l'angoisse que générait la forêt, lorsqu'enfin, alors que le Soleil se levait, les troncs morts commencèrent à se raréfier. Mais ce n'était pas la fin de la forêt. Ils débouchèrent en réalité dans un grand espace déboisé, avec en son centre un intriguant édifice. C'était un gigantesque bloc de béton, qui semblait avoir été déposé ici par le plus grand des hasards, tant il contrastait avec le paysage. Gigantesque n'était peut-être pas le mot le plus adapté pour le qualifier. Il était long, mais pas très haut, à peine aussi grand que N'da. Il était percé d'innombrables orifices, creusés sur presque toute la hauteur à intervalles réguliers. Mais le plus étrange, c'était que le bloc semblait littéralement s'enfoncer dans les profondeurs de la Terre.

"Qu'est-ce que c'est ? interrogea Dem, un peu impressionné.

-Aucune idée, répondit Eazy. T'as déjà vu ça, N'da ?

-Non. Jamais vu un truc par... Hé ! Qu'est-ce que tu fous, imbécile ?!"

Eazy et Dem, surpris, se détachèrent de leur contemplation de l'édifice, et suivirent son regard. Fasciné, Mario était au bord de l'une des ouvertures, caressant les parois d'un air absent. Quand il entendit N'da crier, il sursauta. Au vu de la durée de son cri de frayeur, grâce auquel ils purent estimer le temps de sa chute, ils purent affirmer, sans grands risques de se tromper, que le bloc avait englouti leur compagnon jusqu'aux entrailles de la forêt.


*


Eazy réagit immédiatement.

"Faites-le tour du truc, et démerdez-vous pour trouver un moyen de nous remonter.

"Nous ? Comment ça ?" demanda Dem.

Eazy préféra répondre par l'acte que par la parole, en sautant dans le bloc, empruntant la même entrée que Mario. Il se retrouva à glisser sur une espèce de toboggan, et atterrit sans une égratignure sur le sol terreux. Il n'eut pas besoin de chercher Mario : il lui tomba dessus.

"Ça va ? questionna Eazy.

-Oui... désolé, il m'a fait peur et...

-C'est bon, c'est fait, maintenant. Faut trouver comment sortir d'ici".

Il jeta un coup d'œil, et la clarté de l'endroit, étonnante malgré la profondeur à laquelle ils devaient se trouver, mais rendue possible par les ouvertures à la surface, lui permit de distinguer à la perfection ce qui les entourait. Il y avait des corps partout. Ils gisaient, dans toutes les positions imaginables, et en telle quantité qu'il paraissait impossible de faire un pas sans poser le pied sur l'un d'eux. Eazy se retourna, et ne put que constater qu'ils ne repartiraient pas par où ils étaient arrivés. L'édifice semblait séparé en sortes de compartiments, qui communiquaient les uns avec les autres par un passage creusé dans chaque mur, manifestement réalisé à la va-vite. De leur point de vue, et avec leur aperçu extérieur de la taille du bâtiment, Eazy estimait que les compartiments étaient de tailles égales, ce qui faciliterait probablement leur orientation.

Après la finOù les histoires vivent. Découvrez maintenant