Partie 3 Ded

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- Enchantée mademoiselle, vous pouvez vous asseoir ici. Me dit-elle en pointant un fauteuil juste en face de son bureau.

Elle avait l'air plutôt joviale et pleine de vie, vraiment belle aussi d'ailleurs. J'espère qu'elle ne va pas me demander de la revoir. Je m'assis donc et lui serre la main.

-De même, madame.

-Miranda. Me dit-elle du tac au tac.

-Ded.

Elle me regarda quelques instants sans rien dire. Bon, je veux bien ne pas avoir un prénom courant, mais ce n'est pas non plus la chose la plus folle de l'année. J'aime bien mon prénom et le fait de ne pas connaitre une autre personne qui s'appelle comme moi : j'ai l'impression d'être unique, la seule sur Terre. Elle continuait de me fixer, alors je décide de prendre la parole et de mettre les choses au clair entre elle et moi.

– Bon, je ne vais pas tourner autour du pot ni nous faire perdre du temps : si je suis là, c'est uniquement à cause de mon travail qui veut que j'ai un suivi, sinon ils veulent me virer parce que je site : « Ded, tu as un problème avec ton impulsivité et si tu ne veux pas qu'on te vire, tu vas aller prendre un rendez-vous avec une psychologue et plus vite que ça. » Ce à quoi j'ai bien évidemment répondu : « Si vos clients n'étaient pas aussi irrespectueux, je n'aurais pas besoin de les remettre à leur place. »

Elle me regardait sans bouger. Elle écoutait ce que je disais très attentivement, comme si je lui racontais un secret. Au fond, je trouve ça un peu mignon, ça prouve au moins qu'elle veut être à l'écoute et pas juste dire trois phrases qu'elle a apprises par cœur et puis prendre l'argent et « à la semaine prochaine ».

-Tu attends quelque chose de moi, Ded ? On peut se tutoyer ou ça te dérange ?

-Aucun problème. Je n'attends strictement rien de toi, Miranda.

-Quel est donc le problème d'impulsivité dont tu as parlé ?

- Rien qui nécessite que je sois ici sincèrement.

-Je vois... Mais pour eux, quel est le soucis dans ton comportement et ton rapport aux clients ?
Elle est décidée à savoir. Très bien.

-Ils disent que j'ai des problèmes de respect de professionnalisme.

Elle a un regard sérieux, elle va être déçue quand je vais lui expliquer, mais bon, c'est son métier après tout.

-Tu peux être plus précise ?

-Je vais donner un exemple, je pense que ce sera plus simple pour être sur la même longueur d'onde.

Je me penche un peu en avant, réfléchissant à quel exemple je peux bien lui raconter.

- Lors de cet incident, je m'occupais de la mise en vitrine. Je travaille dans un petit café vraiment agréable et chaleureux. Je me sens vraiment bien là-bas et suis très reconnaissante d'y travailler depuis ma majorité. Un homme, peut-être la cinquantaine, n'arrêtait pas de me siffler pour que je le serve plus vite. Je lui ai expliqué poliment que je ne pouvais pas pour l'instant, mais que ma collègue allait s'en charger dès qu'elle finissait de prendre une autre commande. Je lui dis une fois, deux fois, à la troisième, je commence à hausser le ton. Il se lève et crie partout que c'est inadmissible qu'une gamine ose lui parler de cette façon, lui, un homme plus âgé que moi à qui je dois le respect. Je l'ai attrapé par la veste et l'ai mis à la porte en lui expliquant que s'il revient, je lui en mets une.

J'ai toujours eu des problèmes de patience et des soucis relationnels, surtout avec le manque de respect. Je ne pense pas pouvoir changer en voyant une psychologue, encore moins si on m'oblige à le faire. Je ne suis pas encore prête à changer.

-Il y a dû avoir un traumatisme ou un mauvais traitement dans ton enfance ou peut-être début d'adolescence... un deuil ?

Je ris un peu, si seulement tu savais Miranda, si seulement je pouvais en parler à quelqu'un.

-Non, je m'en sors plutôt bien, franchement. Lui dis-je avec un grand sourire.

Je n'ai pas besoin d'aide, je m'en suis bien sorti jusqu'ici et je veux que tout continue comme ça. Au moins encore un peu. 

Mauvais départsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant