Partie 19 Andy

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Le cycle continue : Ded, moi, puis Yuri. Mais cette fois, l'ordre se brise. Ded revient, sautant Yuri.

- Pourquoi Yuri n'a pas joué ? Dis-je, sentant une tension sourde monter.

Ded me jette un regard hésitant, puis lève un sourcil. Quelque chose cloche et nous l'avons tout deux remarqué.

- "Il est sur le point d'avoir une action ou vérité d'une toute autre ampleur. On lui accorde un sursis." Je me tourne vers Yuri, il est livide.

- Je ne veux plus jouer à ce jeu... murmure-t-il.

Ded le prend dans ses bras. Un geste instinctif. Elle semble aussi surprise que nous tous par cette réaction.

Puis, prenant une grande inspiration, elle demande calmement :

-  Eh toi, là-haut... Puis-je prendre la prochaine action ou vérité à la place de Yuri ? 

La réponse résonne presque avec amusement :

- « Madame Ded veut deux tours à la suite ? Pourquoi pas. »

Soudain, Yuri se lève, ses mains tremblent, sa voix éraillée par la panique.

 - Non Ded. Je le fais. C'est mon tour. Je prends action. 

Un silence lourd s'installe. Personne ne s'y attendait. Pas même moi. Depuis quand Yuri prend des décisions aussi radicales ? Chaque fibre de mon corps se crispe à l'idée de ce qui pourrait suivre. L'air devient lourd, presque suffocant.

Le haut parleur ne répondit pas. Ce n'est sûrement pas ce à quoi il s'attendait. Personne ne s'y attendait à vrai dire. Tout le monde change, même Yuri.

Ded le fixe sans ciller, partagée entre fierté et inquiétude. Ce mélange d'émotions est étrange. Elle sait qu'il va souffrir, mais elle respecte son choix. personnellement, un doute grandissant m'envahit.

Soudain, tout devient clair dans mon esprit : la règle est simple. L'action inflige une douleur physique. La vérité, c'est exposer une part intime de soi. Ded et moi avons souffert physiquement. Yuri a révélé un secret. Maintenant, c'est à lui de payer par la douleur.

- Yuri... es-tu sûr de vouloir choisir action ? » demandai-je, le cœur battant.

Il me fixe, confus mais déterminé. Je sens que Ded, elle aussi, comprend.

Soudain, un gaz rosé envahit la pièce. Ded se met en alerte. Yuri, lui, est figé, comme pétrifié par la peur. Ce n'est sûrement pas toxique, mais je sens mes paupières devenir lourdes.

Quelque chose va se passer. Quelque chose que nous ne pourrons pas arrêter.

-C'est un gaz soporifique... tentais je de dire, la fatigue m'envahissant. 

Je sentis la fatigue m'envahir, un poids lourd qui me tirait vers le bas. Une seconde, je fermai les yeux, et la suivante, je me retrouvai debout dans une obscurité oppressante. Mes yeux s'habituèrent rapidement, révélant une pièce qui n'était pas simplement sombre, mais enveloppée de noir, des murs au plafond. Une lumière blafarde illuminait le centre, et c'est là que je vis ma silhouette. Un garçon, moi à 8 ans, avec un regard si froid qu'il me glaçait le sang.

Il s'avança vers moi, ses traits figés dans une expression que je n'aurais jamais imaginée pour un enfant. Il n'avait pas le regard innocent d'un enfant. Un frisson d'inquiétude me traversa. Je n'avais jamais voulu être celui qui avait provoqué ce regard. Puis, un bruit interrompit notre confrontation : ma tante, courant, hurlant mon prénom. Je baissai les yeux, figé. À ses pieds, une femme gisant dans une mare de sang, ses entrailles exposées. J'étais soudain pris d'un dégoût profond. Ce souvenir me hantera pour le restant de ma vie. 

Les années avaient défilé, et je ne pouvais m'empêcher de me demander où tout avait dérapé. À l'âge de 15 ans, j'étais tombé dans un monde où les amis étaient devenus des fantômes, et la solitude s'était installée comme une compagne fidèle. L'école était devenue un champ de bataille où je ne pouvais que subir les humiliations. Le regard que ma tante portait sur moi était chargé d'un mélange de tristesse et d'inquiétude. Elle avait souvent tenté de me protéger, mais je ne pouvais pas lui montrer la profondeur de ma souffrance. La popularité m'avait échappé, piégé par le mépris d'une fille, belle mais cruelle, qui avait pris plaisir à me faire vivre un véritable enfer. Ses rires résonnaient comme des coups de poignard dans mon cœur.

Des années plus tard, alors que je cherchais une échappatoire à cette réalité, je découvris la drogue à l'aube de mes 20 ans. Des rencontres avec de mauvaises personnes, des soirées sans fin où je m'enfonçais dans un abîme de dépression.C'était devenu un refuge, un moyen d'oublier le poids de mes choix. Les jours se succédaient, entre les rires forcés et les larmes silencieuses. Je croyais pouvoir échapper à ce que j'étais, mais chaque fois que je fermais les yeux, le petit garçon me fixait, me rappelant tout ce que j'avais perdu.

Les mois passèrent dans un brouillard d'oubli. J'étais devenu une ombre de moi-même, jusqu'à ce que je sois finalement interné dans un hôpital psychiatrique. Ce lieu était un choc. Loin de la vie extérieure, j'étais entouré de visages perdus, de cris étouffés, et je réalisai, là-bas, que j'avais touché le fond. Je contemplais la souffrance des autres, tandis que la mienne se faisait de plus en plus palpable.

Après des semaines de traitement, je sortis enfin de cet enfer. Mais à l'extérieur, une question me hantait : pouvais-je vraiment changer ? L'ombre de ma jeunesse, de mes erreurs, se tenait toujours à mes côtés. Je savais que je ne pourrais jamais effacer ce passé, mais peut-être, juste peut-être, pourrais-je apprendre à vivre avec lui. Je sentis que, malgré la douleur, il y avait encore une lueur d'espoir, une possibilité de rédemption. Je ne savais pas encore où cette route me mènerait, mais pour la première fois, je voulais croire que j'avais le pouvoir de choisir un autre chemin.

Le petit garçon revient, dans cette immense obscurité et me criait dessus:

- Pourquoi est ce que tu nous as fait vivre tout ça Andy ? 

Ma respiration se coupa, la pièce redevenant noir en une fraction de seconde.
Yuri et Ded me regardait de loin. Ils ne bougeait pas. Ils ne parlaient pas.

La pièce se replonge dans le noir.
Lorsque la lumière reviens, j'étais sur une chaise aux cotés de Ded. On ne pouvait pas bouger, on était dans l'ombre.
En face de nous, Yuri. Il était complètement terrorisé.

Un homme s'approcha et se plaça derrière lui. Il me fallut quelques secondes pour réaliser qu'il s'agissait de Victor. Les yeux de Yuri se baissèrent vers le sol, où un vase brisé gisait, son visage pâlit instantanément. Victor pencha la tête sur le coté, se rapprochant peu à peu de Yuri, tel un prédateur. Yuri restait immobile, comme s'il attendait une suite inévitable.

En un éclair, il fut projeté contre le mur, Victor l'embrassant avec une sauvagerie déconcertante. Ded tentait de parler, mais aucun son ne sortait de sa bouche, son visage exprimant une rage réciproque à la mienne.

Yuri se retrouva au sol, à moitié dénudé, Victor au-dessus de lui, embrassant son torse frêle et maigre. Comment pouvait-il être si négligent de son propre corps ?

Des larmes brillaient au coin des yeux de Yuri, mais il ne se débattait pas.

- Je l'aime tant. Pourquoi ne peut-il pas être doux et bienveillant avec moi au lieu d'agir comme ça ?

C'était Yuri qui parlait, une voix intérieure résonnant dans sa tête alors que nous observions la scène de l'extérieur.

- Ce n'était pas moi, je n'ai pas cassé ce vase, je le jure. Laisse-moi tranquille, Victor. C'était ton neveu qui courait et qui est tombé sur le vase. Quand je suis arrivé, il était déjà loin, et toi, tu étais juste derrière moi. Je t'aime, Victor, terriblement, mais arrête cette torture. Peut-être que tu ne sais même pas que je t'aime... Après tout, je ne t'ai jamais rien dit au sujet de mon amour grandissant au fur et à mesure des années qui passent à tes cotés...

Yuri... Il est grand temps que tu arrêtes d'aimer quelqu'un comme lui.

Mauvais départsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant