Partie 6 Ded

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Une fois chez moi, je pris une bonne douche. J'avais pris l'habitude de me doucher tôt pour éviter Noah.

Noah, c'est mon colocataire depuis 2 ans maintenant. On ne se connaissait pas en s'installant ensemble, j'ai rejoint son appartement suite à une annonce. On ne s'entendait pas très bien au début, à vrai dire.

Je m'allonge de tout mon long sur mon lit. Je regarde une photo de mes parents sur mon mur, je ressemblais encore à une fillette à l'époque de cette photo : j'avais des cheveux longs et marrons, des lunettes toutes rondes, de légères tâches de rousseur, une robe rose avec des ailes de fée et des petits talons en plastique : j'avais le style à l'époque. Aujourd'hui, je suis plus forte que cette petite fille. Je pouvais dire que j'étais vraiment heureuse. Pas un faux sourire pour la photo, je souriais avec une sincérité que j'aimerai retrouver. Autant que j'aimerai les retrouver.

On toqua à ma porte. Noah aimait bien rentrer sans frapper au début, mais non pas que ce soit de sa faute ou contre lui, j'avais besoin de mon intimité. Je voulais savoir que c'était mon espace où personne ne pouvait s'introduire sans mon accord.

Je lui répondis rapidement avant qu'il ne tambourine comme un fou. Il est vraiment grand et fort, il pourrait la démonter s'il voulait et je n'ai vraiment pas envie de ne plus avoir de porte.

-Oui?

Je vis Noah sortir la tête de l'encadrement de la porte.

– Ça va, ma petite ? Dit-il avec son grand sourire habituel. Ce surnom était né je ne sais plus vraiment quand, mais il perdure.

— Ça va, et toi, débile ? Ce surnom, par contre, je sais exactement d'où il vient et pourquoi il perdure dans le temps.

– J'ai ramené à manger du restaurant, ça te dit qu'on commence la nouvelle série quand je suis sorti de la douche ?

– Ça me dit bien, merci. Je lui rendis son sourire, il essayait vraiment d'être au petit soin avec moi quand il peut. Il n'est pas obligé, j'ai même refusé de bloquer tout ce qu'il me proposait au début, mais ça a fini par vraiment me toucher à force de persévérance. Je profite maintenant.

Il reparti tout content. C'est fondamentalement quelqu'un de gentil, de généreux et de bienveillant. Nous avons juste mis pas mal de temps à découvrir nos bons côtés, lui comme moi.

Je me souviens que ça avait mal commencé dès le premier jour.

– Bon, voici ta chambre, je peux t'aider à monter le reste de tes affaires si tu veux. Il avait le ton un peu froid, mais n'avait pas l'air méchant, juste méfiant. Je peux comprendre : une inconnue vient vivre chez lui et puis bon, je n'ai pas vraiment essayé d'être joviale pour l'instant.

– Ce ne sera pas la peine, j'ai déjà toutes mes affaires ici. Il me regarde de haut en bas, fixe plusieurs secondes mon sac à dos sur un bras et mon sac sur l'autre. Il ne dit rien puis me regarde dans les yeux, encore quelques secondes.

– Tu arrives léger en tout cas. Il tourna les talons pour continuer la visite. Je pose mes 2 pauvres sacs contre le mur et lui enchaine le pas.

Je trouve l'appartement vraiment beau, grand, lumineux et, mine de rien, décoré avec goût. Mais surtout, il rentre pile dans mon budget, assez peu élevé, soyons honnêtes. Il est également proche du petit café où je travaille. Ce sont les patrons d'ailleurs qui m'ont parlé de Noah et de cet appartement. Il me semble qu'ils sont de la même famille, oncle et tante, je crois. Ils m'ont dit que c'était « un chouette gamin », mais moi, je vois juste un grand gaillard baraqué pas très chaleureux.

– Tu as des questions ? Nous étions dans le salon, il s'était mis face à moi, sa main sur un meuble. Je rejette un coup d'œil global à l'appartement : il me plait vraiment.

– Non, tout est ok. Je le regarde dans les yeux, attendant son accord pour enfin avoir mon chez moi. Mes anciens logements récents ne me manquent pas vraiment.

– Il y a quelques règles que je ne compte pas changer, je te prends comme coloc uniquement parce que ma tante a insisté en ne disant que du bien de toi : je ne veux pas un bébé qui ne sait pas s'occuper de son espace et des tâches de savoir vivre. Il croise les bras. Je croise les bras aussi. On dirait qu'un duel se lance entre lui et moi.

– Je m'occupe de mon propre ménage et de mon « espace » depuis plus longtemps que toi, à mon avis. J'espère que ce ne sera pas à moi de repasser derrière toi. Je souris un peu, j'aurais préféré ne pas savoir faire une lessive que d'avoir été dans un foyer : il faut repasser derrière les plus petits, ça n'en finit jamais.

– Très bien. Le loyer, c'est avant le 5 du mois. Il repartit dans une autre pièce. J'étais enfin chez moi : je n'avais pas vécu cette sensation depuis plus de 6 ans maintenant.

Suite à ça, on ne s'était pas adressé la parole pendant une semaine, vivant en décalage pour ne pas empiéter sur la vie de l'autre.

Il nous aura fallu au moins 6 mois avant de s'adapter petit à petit à la présence de l'autre. On en rigole maintenant, on était vraiment ridicule avec du recul. Maintenant, j'apprécie vraiment beaucoup Noah. J'ai mis un long moment avant de lui faire confiance, avant de faire confiance à quelqu'un qui vit sous le même toit que moi.

Je me rappelle du tournant majeur entre nous : nous fêtions nos 2 ans de colocation, nous avions organisé une petite fête tous les deux aussi pour les 1 an. Maintenant, c'est une tradition, ça fait du bien d'avoir une vie saine et de savoir que l'année d'après, ce sera toujours là, et ça fera toujours autant de bien. Lors de cette petite fête, nous nous offrons un petit cadeau d'appartement : la première année, on ne se connaissait pas encore très bien, il m'avait offert un petit tabouret parce que je me plaignais de la hauteur des casseroles dans les placards. Je lui avais offert un panier pour le linge blanc : son seul défaut était de ne pas trier les couleurs du blanc. J'ai dû me débarrasser de quelques hauts avant de comprendre le problème.

Pour les 2 ans, je lui avais offert un t-shirt "I LOVE MA COLOCATAIRE", avec une petite photo de moi. Depuis, il dort avec parfois. Lui, il m'avait offert une peluche. Je me souviens encore à quel point j'avais pleuré en la voyant. C'est également ce jour-là que j'ai ouvert mon cœur à Noah, il avait, par je ne sais quel miracle, retrouvé « ma » peluche de naissance, que je n'ai pas pu récupérer après, ce que j'appelle, le drame de mes 15 ans. Je cherchais cette peluche depuis des semaines, ayant eu envie de recréer mon vrai chez moi. Nous avions beaucoup bu ensuite et je m'étais énormément confié. Étonnamment, lui aussi.

– C'est bon, on peut aller manger ! Dépêche-toi, je meurs de faim ! Il criait comme un hystérique dans la cuisine.

– J'arrive débile !

On est vraiment bien à la maison quand même. 

Mauvais départsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant