Partie 24 Ded

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- Je vais commencer par parler de ma vie. Je ne suis pas là pour vous donner des détails à la noix, mais plutôt pour vous faire comprendre. Je suis née le 12 février. J'ai grandi dans une famille unie, avec deux parents qui s'aimaient. Tout allait bien, je vivais une vie tranquille, sans soucis majeurs. J'avais des amis, je n'étais ni trop timide ni trop extravertie, juste une fille comme une autre. Puis, au collège, tout a basculé. La 6e et la 5e ont été des années de souffrance. Poussée dans les couloirs, mes amis de l'époque contre moi, et des moqueries à chaque récré. J'ai fini seule.

Je marque une petite pause, voulant remettre de l'ordre dans mes idées afin d'en finir au plus vite avec cette mission. 

- Mais, un jour, après un changement radical dans mon apparence – cheveux courts, lunettes, maquillage, et un style vestimentaire qui ne laissait plus place à la petite fille fragile – tout a changé. Les autres ont commencé à me regarder différemment. Certains se sont mis à me bousculer, d'autres à me traiter de manière méprisante. Un de ces "courageux" s'est même approché de moi. Il pensait que je n'avais pas évolué, que je n'étais encore qu'une proie facile. Je ne lui ai pas répondu. Je l'ai regardé dans les yeux, les bras croisés, et j'ai vu qu'il avait l'air surpris. Il a essayé de me bousculer, il a dit que je n'étais rien, qu'il était supérieur. Je l'ai prévenu une première fois, de manière calme, mais il n'a pas écouté. Alors, il a pris un coup dans le nez, un autre dans les parties et, avant qu'il ne se rende compte de ce qui se passait, il était à terre.

Je ris légèrement en y repensant. 

- C'était la première fois que je me battais. Une vraie libération. Mais tout ça n'a pas empêché le pire. La souffrance mentale s'est accrue. J'étais plus forte, mais plus isolée. Puis, un jour, l'inimaginable est arrivé : mes parents ont été assassinés. Je n'ai même pas eu le temps de comprendre. Tout a basculé en une fraction de seconde. Leur absence m'a brisée. J'ai perdu ce qu'il me restait de stabilité, et l'abîme dans lequel j'étais plongée ne faisait que s'aggraver. Vous connaissez déjà les grandes lignes du réseau de prostitution dans lequel je me suis retrouvée mais je ne vous ai pas parler du moment où je ne supportais plus tout ce qu'il se passait.

J'ai sombré dans une dépression violente. J'ai perdu le sens de tout, la capacité à me battre. Il n'y avait plus rien qui me retenait.

- Un jour, j'ai décidé d'en finir. Tout était trop lourd. Ce n'était plus qu'une question de survie, mais je n'en avais plus la force. Je me suis enfermée dans la salle de bain, avec un rasoir, des ciseaux et des médicaments. C'était devenu une échappatoire, la seule solution que je voyais. Mais même ça, je n'ai pas réussi à le faire. Mes efforts ont échoué. J'ai été retrouvée inconsciente, mon corps à moitié englouti dans le sang. Et là, on m'a fait entrer dans l'hôpital, je l'ai vécu comme un reconnaissance. Malheureusement, à mon retour, il y a la Black Room. C'était l'enfer. Une punition sans retour que nous redoutions toutes. Ils m'ont emmenée là-bas après l'hôpital, après mon échec. 24 heures dans le noir total. Attachée, sans pouvoir bouger, avec des inconnus qui faisaient ce qu'ils voulaient de mon corps. La douleur était physique, mais la douleur mentale... Elle me détruisait un peu plus à chaque seconde.

Je pris une grande inspiration, fermant les yeux quelques instants. Les garçons étaient silencieux, ne cherchant pas a briser mon élan pour tout raconter. 

- Quand j'en suis sortie, je n'étais plus la même. La fragilité, l'envie de mourir, tout ça avait disparu. Ils m'avaient brisée d'une autre manière. Ils m'avaient forcée à me reconstruire autrement, à laisser derrière moi la petite fille fragile que j'étais avant. Je n'étais plus faible. Je n'étais plus vulnérable. Je n'avais plus d'espoir, mais j'avais cette rage de vivre, cette rage de survivre. Tout ce qui comptait, c'était d'avancer.

Je regarde Andy et Yuri. Ils restent silencieux, leurs visages figés. Peut-être que mes mots les touchent, ou peut-être qu'ils ne savent juste pas quoi dire. Andy finit par ouvrir la bouche, hésitant.

- Je n'arrive toujours pas à réaliser que ce genre de vie a pu être la tienne et que tu es encore ici pour en parler. 

Je lui souris. Ironiquement avec ce que je viens de raconter, moi aussi je suis heureuse d'être ici pour en parler, d'avoir survécu. 

Yuri, de son côté, semble lutter contre ses propres démons. Il prend une grande inspiration avant de murmurer :
- C'est pas... juste. 

Je le fixe, cherchant une quelconque trace de réponse dans ses yeux. Mais il n'y a rien, juste cette ombre familière, celle qu'on porte tous ici. Alors je détourne le regard.

"- épreuve terminée. vous pouvez regagnez votre chambre."

Silencieusement, nous marchons vers notre chambre provisoire.

Une fois à l'intérieure, je m'allonge sur le lit. Sur le tableau, les chiffres apparaissent :

4/100

4/50

Je respire profondément, essayant de me détendre après ce monologue plus difficile que je ne le pensais. Je décide de briser le silence :

- Pourquoi on est reparti à zéro à votre avis ?

Andy répond d'un ton amer ni grande conviction :

- Peut-être qu'on est plus coriaces qu'ils le pensaient. Et ils veulent s'assurer qu'on ne sorte pas vivants.

Cette idée me fait frissonner, mais une autre phrase résonne encore en moi.

- Ils ont dit que c'était notre dernière épreuve. Les jeux commencent demain. Ça veut dire quoi ?

Andy fixe le vide, silencieux. Même lui semble à court de réponses.

- Et les jours ? Ils recommenceront aussi à zéro ?

Personne ne sait. On se contente de hausser les épaules. Mais je ressens quelque chose, une incohérence dont je décide de leur parler.

- Vous trouvez pas que le temps passe bizarrement ici ? Nos journées... elles me paraissent trop courtes. On se lève, on mange, une épreuve, quelques heures à tourner en rond... et hop, au lit.

Yuri me fixe, intrigué, puis confirme :

- Maintenant que tu le dis... c'est vrai. Moi qui galère à dormir d'habitude, ici je m'endors comme une brique.

Un déclic.

— Ils trafiquent forcément quelque chose. Dans la nourriture, l'eau... un truc pour nous embrouiller.

Yuri hoche la tête.

— C'est possible. Quand j'étais petit, on me donnait parfois un sédatif. Ça n'avait ni goût ni odeur.

Je frappe dans mes mains, comme si tout devenait plus clair.

- Voilà ! C'est ça ! Ils dérèglent forcément nos cycles. On n'a plus aucun repère. Ça pourrait faire deux jours... ou trois semaines qu'on est ici.

Je chuchote, plus ferme :

- Ce soir, on ne touche à rien. Ni nourriture, ni eau. On verra si on se réveille avec ou avant le petit déjeuner.

Ils approuvent.

Quand le repas arrive, on l'ignore, échangeant encore, presque détendus. On rit. Pour une fois, je ressens quelque chose d'inattendu : une forme de calme.

Mais tout bascule. Un grésillement. Une voix froide éclate :

"- Ce n'est pas très poli de refuser ce qu'on vous offre."

Je réplique, acerbe :

- Bizarrement, on n'a pas faim. Votre soupe à l'eau, pourtant si raffinée...

La réponse ne se fit pas attendre, menaçante :

"- Vous feriez mieux de prendre des forces. Mais, puisque vous êtes têtus, laissez-moi vous aider à dormir."

Un gaz rosé envahit la pièce. Mes muscles se figent, ma respiration devient lourde. Juste avant que l'obscurité ne m'avale, une phrase s'imprime dans mon esprit :

"- Bientôt, ce sera pour toujours."

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