Partie 8 Yuri

83 19 2
                                    

– Yuri, vient ici, s'il te plaît.

— J'arrive, Monsieur.
Je me levai de là où je m'étais assis pour lire et rejoignis M. Victor.
Une fois en face de lui, il commença à parler:

– Aujourd'hui, j'aimerai aller voir les commerçants qui vont venir participer au bal et ainsi pouvoir leur donner le programme et ce qu'ils vont devoir faire. Je n'ai strictement rien à faire pendant 3 heures avant une réunion. On va sortir dans 5 minutes.

— Bien, Monsieur.
J'étais au sommet de la joie ! J'attendais avec impatience le moment du bal : c'était le moment de l'année où on passe le plus de temps ensemble.

Je suis parti au quart de tour mettre un pull un peu plus chaud. Le temps avait couvert et j'ai vachement froid en ce moment.

Je rejoignis Victor dans le hall, il était près de partir et très souriant. Je répondis à son sourire et nous nous mettions en route. Nous commencions à marcher l'un à côté de l'autre tout en discutant. Je suis amoureux de cet homme. C'est la seule chose dont je suis sûr ici bas.

Je réfléchissais à nous deux, à tout ce qui a pu se passer depuis 15 ans maintenant et surtout, depuis quand j'ai des sentiments pour lui, cet homme qui m'a enlevé.
Il remarqua que je ne parlais plus :

– Tu as l'air dans la lune. Yuri, Quelque chose te tracasse ?
Il ralentit un peu le pas pour pouvoir me regarder et mit une main sur mon épaule. Je baisse les yeux, je ne veux pas qu'il sache, et puis, de toute manière, il doit s'en douter, donc à quoi bon lui en parler.

— Rien, Monsieur.

– Je peux te poser une question, Yuri ?
Une question ?

– Bien-sûr. J'étais confus. Il pouvait me demander tout et n'importe quoi.

– Pourquoi tu n'es jamais parti ? Tu as eu l'occasion tellement de fois et encore à l'heure d'aujourd'hui : pourquoi tu ne pars pas ?

J'ouvris les yeux en grand, c'était la première fois qu'il faisait allusion à cette situation. Nous avons toujours agi en sachant que nous savions et que ça ne servait à rien d'en parler, à tel point que j'oublie souvent que je sais comment je suis arrivé auprès de Victor.

Je regarde partout, ma mère était partie chercher quelque chose dans l'épicerie, mais je ne la voyais pas revenir. Elle est partie depuis une éternité à mes yeux d'enfant.
Je me mis à pleurer ; je ne suis pas assez courageux pour rester tout seul.

Soudain, un homme arriva, je ne l'avais pas entendu à force de pleurer.

— Que t'arrive-t-il, jeune homme ? Tu ne vois plus ta Maman ?

Je pleurais devant cet homme que je ne connaissais pas :

– Je ne sais pas où elle est. Dis-je en pleurant.

– Viens avec moi, on va la chercher ensemble.
Je pris sa main après quelques secondes d'hésitation, elle était chaude... Il me sourit en voyant que je ne pleurais plus, il avait l'air gentil.
Puis je sentis un chiffon avec une odeur très forte se mettre sur mon visage. Je m'endormis peu à peu, puis l'obscurité totale.

J'ouvris les yeux dans une grande chambre que je ne connaissais pas. Je commence à me sentir mal et à avoir vraiment peur.

– Bonsoir, jeune homme.
Je sursaute. Je n'avais pas du tout vu qu'il y avait quelqu'un d'autre dans la pièce.
Je reconnus le gentil Monsieur ! J'étais rassuré d'un coup : j'étais rassuré parce que je le connaissais, rassuré parce qu'il est gentil, il allait pouvoir m'aider.

– Comment tu t'appelles ?
Il avait des yeux bleus comme maman et des cheveux clairs. Il avait l'air jeune, plus jeune que Maman.

-Yuri...
J'étais néanmoins très mal à l'aise et très angoissé, mais je continuais à regarder celui que je pense être mon sauveur.

– Enchanté Yuri. Moi, c'est Victor.
Il me souriait sans cesse.
J'étais sous le charme de cet homme, hypnotisé même.
Maman m'a toujours dit de ne pas parler aux inconnus, elle allait être triste si elle le savait. Je me mis à pleurer.

— Ne t'inquiète pas, Yuri, nous nous sommes occupés de tout avec ta maman.

– Comment ça ? J'avais réussi à articuler entre deux sanglots.

– Tu vas rester ici.
Je ne comprends vraiment pas. Je pleurais vraiment cette fois, la confusion, la peur, tout ce mélange dans ma tête.

— Ça va bien se passer, je te le promets. Rassure-toi et repose-toi, il est tard.
Il me dit ça sur le ton le plus rassurant possible tout en me prenant dans ses bras. Je me laisse basculer et m'endormi, épuisé d'avoir tant pleuré.

– Yuri ?

— Pourquoi je partirais ? Tu voudrais que je parte ?
Mon cœur s'était resserré.

– Je me demande, c'est tout. Tu aurais pu partir tellement de fois que ça m'étonne que tu ne l'es pas fait.

On continuait de marcher l'un à côté de l'autre. Le temps s'était un peu assombri, mais rien en comparaison de mon morale. On commençait notre tournée, souriant à chaque commerce et aux employés, expliquant ce qui est attendu, etc. C'est long. Tous les ans, c'est long, mais cette année encore plus long. Nous arrivons enfin au dernier commerce : un café. Je m'arrête quelques instants devant : je l'ai déjà vu ce café, il n'y pas si longtemps que ça en plus.

– Victor ? Il s'arrête lui aussi avant de passer la porte. Il me regarde en fronçant les sourcils.

– Un problème ? Je levai les yeux vers l'enseigne et il fit de même avant que nos regards se recroisent.

– Il n'y était pas déjà l'année dernière ? Ça doit être une erreur.

Je continue de fixer l'enseigne, pensif.

– Ce sera la première année alors ! Il avait retrouvé son sourire habituel, passant la porte et saluant tout le monde. Je le suivis, regardant partout et étant encore plus sûr qu'il avait été choisi l'année dernière. Je continue ma visite du regard quand soudain je crois celui des employés. Ils me fixent, sans rien dire ni bouger : les patrons discutent avec Victor. Après un long moment, la fille regarda Victor et parla pour la première fois :

– Non. Tout le monde s'arrêta et tourna la tête vers elle.

– Mais Ded, ça peut-être vraiment amusant d'être déguisé en prince et princesse, tu n'as jamais rêvé de ça enfant ? Les patrons gesticulaient, essayant surement de lui faire entendre raison et encore plus devant Victor.

– Non. L'année dernière, j'avais dû me déguiser en avatar. Je n'étais déjà pas bien à l'aise, alors dans une robe ? Sans façon. Elle gardait le bras croisé, le visage dur et impassible. Maintenant que j'y pense, je crois me souvenir d'elle, mais ça reste très flou.

– Vous pouvez vous déguiser en chevalier, peut-être ? Victor émit cette idée, qu'elle valida en hochant la tête. Elle n'avait pas l'air emballée, mais ce sera toujours négociable à leur arrivée. Le garçon n'a pas l'air bien sympathique non plus, j'ai hâte de rentrer à la maison prendre un bon bain.

Nous sommes partis quelques minutes plus tard.

Pourquoi cette fille m'a autant marqué pour que son visage me dise quelque chose ? Je n'arrivais pas à me rappeler exactement du contexte et ça me trottait vraiment en tête...

Mauvais départsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant