Chapitre 12

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- Bien, je vais partir et commencer à travailler sur votre dossier ; je vous rendrai visite aussi souvent que nécessaire. A très bientôt.
Maître Justine allait partir quand Béatrice entra dans la salle. Elle arbore une mine triste en me saluant :
- Bonsoir tata Raissa, qu'est-ce qui s'est passé pour que vous vous retrouviez ici ?
- Laisse tomber Béatrice, c'est une longue histoire.
- Racontez-moi cette histoire s'il vous plaît.
- Ok, mais avant, laisse-moi te présenter à mon Avocate ; Maître Justine Assaba, c'est Béatrice, une de mes patientes.
Maître Justine répond :
- C'est intéressant, Raissa ! Une de tes patientes qui vient te voir en prison ! Cela veut dire qu'elle t' apprécie ; elle pourra alors témoigner sur ta bonne moralité. Et s'il existe d'autres patientes qui peuvent témoigner, ce serait bien. De toute façon, la procédure de ton arrestation est tout sauf normale ; les policiers n'ont pas à t'arrêter sans preuve en ne tenant compte que des dires de ton mari ; en principe, il devrait porter plainte et c'est suite à cela que des enquêtes vont s'ouvrir ; c'est seulement à ce moment que tu peux être incarcérée en attendant le procès. J'ai donc l'intention de demander une mise en liberté. Je reviens dans deux jours pour qu'on en discute. Au revoir ; Madame Béatrice, laissez-moi vos contacts, j'aurai à vous appeler.
Béatrice donna son numéro de téléphone et Maître Justine l'enregistre automatiquement. Aussitôt qu'elle soit partie, Béatrice m'interroge de nouveau et je lui réponds :
- Béatrice, je suis ici parce que mon mari m'accuse d'avoir tué sa maîtresse.
- Quoi !
- C'est cela même ;
- Jésus, Marie, Joseph ! C'est quoi cette histoire ? Que s'est-il passé entre vous et la soi-disant maîtresse ?
- Elle était venue accoucher et c'est là que j'ai découvert que c'est mon mari l'auteur de sa grossesse ; cela m'a rendu furieuse et j'ai été agressive avec elle ; après son accouchement, j'ai négligé de bien l'examiner ; je suis rentrée et c'est quelques heures plus tard qu'on m'a annoncé sa mort.
- Quelle histoire pathétique ! Vraiment tata Raissa, vous êtes fortes ; si c'était moi, je ne peux jamais faire un tel accouchement ; je vais même la tuer sur place et on en parle plus.
- Ne raconte pas des bêtises, Béatrice. Je n'ai pas le crime dans le sang et je prie que Dieu m'en épargne ; si elle est effectivement morte par ma faute, ce n'est en aucun cas une préméditation.
- Je suis vraiment sidérée ! Votre mari est vraiment sadique ; non content de vous avoir trompé, il se permet le luxe de vous envoyer en prison. Quel cynisme ! Donnez-moi son nom ; afin que je sache que toute personne de la même famille que lui doit être évitée comme la peste.
- Ne parle pas ainsi Béatrice, mes enfants portent son nom. Pourtant, je ne pense qu'elles soient de mauvaises personnes ;
- Mais, tata Raissa, qu'en est-il du bébé ?
- Je l'ai confié à une dame et après je l'ai récupéré et je m'en occupais jusqu'à venir ici ;
- Qu'est-ce qui ne va pas alors avec votre mari ? Vous prenez la peine de prendre soin du fruit de sa trahison et il ose encore vous envoyer en prison ?
- En fait, Béatrice, il ne le sait pas ; il faut dire que j'ai aussi commis certaines erreurs comme le fait de garder le secret et de lui dire que l'enfant est mort. Donc pour lui, j'ai tué sa maîtresse et son enfant.
- Et même si ? Il n'avait pas ce droit ; en plus, pourquoi avez-vous suivi les policiers ? Ils ne peuvent pas vous arrêter sans preuves ;
- Il est ami avec un Commissaire. Il a dû l'appeler pour qu'il donne des ordres.
- Voilà ; dans ce pays les lois sont élaborées juste pour le décor ; personne ne les respecte. Comment se fait-il que quelqu'un se lève et parle, et puis l'autre est arrêtée ? Bref, il faut que nos dirigeants commencent à prendre conscience de ce fléau. Notre pays s'illustre de manière très particulière dans le non-respect des lois de la République. Si notre pays est actuellement à ce niveau de sous-développement, ce n'est pas seulement les problèmes que nous connaissons et qui ont pour noms : pauvreté, délestage, chômage etc..... qui en sont à la base ; mais essentiellement le non-respect de nos lois, des normes que nous nous sommes librement fixées. Que l'on soit simple citoyen ou autorité, le respect des textes et lois de la République devrait être pour nous, un devoir mais en même temps, une exigence.
- Ne t'inquiète pas pour moi, Béatrice, tout ira bien.
- Mais tata, quand est-ce que tout ceci s'est passé ?
- La nuit où tu as accouché ;
- Quoi !
- Tu te souviens de la femme grande et claire qui était sur la seconde table ?
- Oui, très bien même ;
- C'est elle.
- Oh !
- Quand elle est venue, tu étais en travail dans la seconde salle ;
- Je m'en souviens mais j'ai pas vraiment fait attention car je souffrais beaucoup ; après, vous m'avez fait venir dans la salle d'accouchement ; elle avait déjà accouché en ce moment mais est restée sur la table jusqu'à votre départ avant de mourir ;
- C'est cela l'histoire ; j'ai fini par tout raconter à mon mari et voilà là où il m'a envoyé.
Béatrice garde le silence et soupire ; elle avait un air étrange.
- Tout va bien, Béatrice ?
- Oui, tata Raissa ; mais dis-moi, si tu n'arrives pas à prouver que tu es innocente, tu seras condamnée, c'est cela ?
- Oui ; je me demande même comment je peux prouver cela ; j'ai fouillé dans le dossier médical de cette dame et tout est correct. Alors, tout porte à croire que je suis peut-être à l'origine de son décès.
Béatrice affiche un air pensif puis déclare :
- Je dois partir tata Raissa, je reviendrai te voir.
- Mais tu viens à peine d'arriver Béatrice.
- Je dois vraiment y aller Raissa. Beaucoup de courage. A très bientôt ;
- C'est gentil d'être venue me voir, Béatrice.
Je trouve l'attitude de Béatrice étrange mais je me dis qu'elle doit avoir ses propres occupations ; pour l'heure, je n'ai besoin que d'une seule chose, c'est de voir mes enfants.
A la prochaine visite de mon Avocate, je lui demanderai s'il n'y a pas un moyen pour qu'on m'autorise à les voir ; mes filles doivent bien souffrir ; même Chris ; jamais je n'ai passé deux jours loin de mes enfants ; Dieu seul sait ce que Stanley est en train de leur raconter pour les calmer.
Stanley ! Je pense à lui et j'en conclus définitivement que je ne le connais pas ; si on m'avait dit qu'il me tromperait, je n'allais jamais croire ; si on m'avait prédit qu'il me jetterait un jour en prison, j'en mettrai ma main au feu. Je prie juste pour être libérée le plus tôt possible.
Deux jours après la visite de Béatrice, l'un des geôliers vient m'annoncer encore une nouvelle visite :
- Madame Raissa, je me demande si vous êtes vraiment une criminelle ; vous recevez tellement de visites ! Apparemment, tout le monde vous aime.
- En tout cas, si je suis une criminelle, c'est que je le suis par accident. Jamais de ma propre volonté, je ne vais tuer une personne dans ma vie.
- Vous avez encore quelqu'un qui veut vous voir.
Je le suis jusque dans la salle où il m'enlève les menottes ; c'est ainsi ici ; à chaque sortie de la cellule, je suis menottée ; mais je supporte toute cette souffrance avec confiance que ce n'est qu'une étape difficile qui va bientôt devenir un lointain souvenir. Une fois dans la salle, je découvre avec étonnement mon visiteur : c'est le directeur de l'hôpital où je travaille.
- Vous, ici ?
- Oui, pourquoi es-tu si surprise Raissa ?
- En fait, je ne m'y attendais pas.
- Comment tu vas ?
- Bien, monsieur le Directeur.
- Je sais que ce n'est pas facile. Je n'avais rien appris ; il a fallu hier que ton Avocate vienne me voir pour que je sois informé ; sinon, je serais venu depuis.
- Merci, Monsieur le Directeur, c'est vraiment gentil à vous.
- Raissa, l'Avocate m'a narré le problème ; sans même être là, je sais que tu ne peux pas avoir planifié la mort de cette dame ; dis-moi que je ne me trompe pas.
- Monsieur le Directeur, au début, j'étais vraiment furieuse ; je ne voulais même pas procéder à son accouchement ; j'ai appelé deux collègues qui malheureusement n'ont pas décroché ; j'ai hésité à aller informer le Gynécologue de garde car ce n'était pas un cas de césarienne et j'allais exposer ma vie privée ; vous imaginez donc dans quel état d'esprit j'ai fini par faire accoucher cette dame ; naturellement, après l'accouchement, j'ai pris soin du bébé et j'ai fait à la mère un examen rapide, je le reconnais avec désinvolture ; mais je n'avais aucune intention de provoquer sa mort.
- Je te crois, Raissa ; et je trouve vraiment aberrant que ton propre mari ne veuille pas te comprendre ; dans tous les cas, j'ai promis à l'Avocate que je témoignerai en ta faveur lors du procès.
- Merci beaucoup Monsieur le Directeur.
- Tu aurais dû faire appel au gynécologue de garde ; et tu n'aurais pas dû mentir que le bébé est mort ; mais l'erreur est humaine et je ne suis pas là pour te blâmer mais pour t'apporter mon soutien ;
- C'est gentil ;
- Quand j'ai appris que le bébé de la dame vit avec toi, j'ai été très heureux ; tu n'es pas une mauvaise personne Raissa ; c'est juste que tu n'as pas su gérer cette affaire. Je vais devoir partir ; tiens bon et beaucoup de courage ; je passerai chaque fois que le temps me le permettra.
- Merci infiniment.
Je dois avouer que je suis surprise par mon séjour en prison car je reçois des visites inattendues ; je me rends compte que beaucoup de personnes me portent dans leur cœur sauf la principale personne pour qui je devais être la plus importante.
Lors de la seconde visite de l'Avocate, je lui exprime mon désir de voir mes enfants ;
- Ne crains rien pour cela Raissa ; en tant que ton Avocate, j'ai le droit de prendre une autorisation pour te les emmener ; je suis une mère aussi ; mais si tu veux mon avis, ce n'est pas bien que tes enfants viennent te voir en prison ; au moment de leur départ, elles auront mal et tu auras mal ; je te demande de patienter car dans quelques jours, tu seras libre !
- Quoi !!!! Etes-vous sérieuse ?
- Bien sûr ; je suis en train d'œuvrer pour que tu jouisses d'une liberté provisoire en attendant le procès ; tu as été arrêtée sans preuves ; mais du fait que tu as avoué devant le procureur qu'effectivement tu as accouché la maîtresse de ton mari et que tu as gardé le secret te rend présumée coupable. Mais la procédure est en bonne voie et tu vas pouvoir être libérée sous caution ;
- Maître Justine, c'est quoi être libérée sous caution ?
- La mise en liberté sous caution est la permission écrite d'un tribunal qui autorise une personne accusée d'une infraction criminelle à sortir de prison en attendant son procès ou une autre décision dans son dossier ;
- Je comprends ; est-ce vraiment sûr que cela me sera accordé ?
- Ton casier judiciaire est vierge ; ne crains rien.
- Oh Maître, je dois vraiment ignorante ; c'est encore quoi un casier judiciaire ?
- Non, tu n'es pas ignorante car le droit n'est pas ton domaine ; et tu fais bien de poser des questions pour te cultiver car c'est bon de savoir; le casier judiciaire est un document délivré par le tribunal recensant les condamnations pénales du demandeur ; quand il n'y a aucune condamnation antérieure, on dit que le casier judiciaire est vierge, ce qui est ton cas. Rassure- toi, je connais mon boulot, dans quelques jours, tu seras libre et tu pourras attendre ton procès avec sérénité.
- Merci Maître ;
- Même si tu as menti à tout le monde au début, tu as quand même sauvé la vie au bébé illégitime et tu en prends bien soin ; tous ces actes plaident en ta faveur. J'ai demandé la permission de fouiller dans le dossier médical de dame Sonia dans son hôpital de base ;
- Je l'avais déjà fait aussi et je n'ai rien trouvé ;
- C'est effectif ; j'ai également interrogé le directeur de l'hôpital, certains Médecins et la plupart de tes collègues.
- Et alors ?
- Tous, sans exception ont fait un bon témoignage ; tu as bonne presse auprès d'eux ; ils ont même été surpris ; ils ont tous conclu que si cette dame est décédée par ta faute, c'est que c'est un accident et rien d'autre.
- Ok, c'est tant mieux pour moi.
- Maintenant, en dehors de tes collègues, as-tu quelques patientes vers qui je pourrai aller ?
- Pas vraiment, vu que je ne garde aucun contact personnel avec les femmes que je suis durant la grossesse ; mais, il y en a une, Béatrice ; celle dont vous avez enregistré le numéro de téléphone ;
- Ah oui ! J'allais t'en parler ; elle n'a même plus attendu que je l'appelle ; elle a cherché mon contact elle-même et ce matin, alors que je venais ici, elle m'a téléphoné ; elle veut me voir.
- Ah bon ?
- Oui, je lui ai dit que j'allais lui faire signe au cours de la journée.
- Ok ;
- Alors, s'il n'y a plus rien, je vais partir ; prends-bien soin de toi dans cette jungle ; s'il plaît à Dieu, ma prochaine visite sera pour apporter la décision de justice conduisant à ta libération provisoire.
- Je croise les doigts, Maître Justine.
- Tout ira bien ; à très bientôt.
A peine, me suis-je séparée de l'Avocate que l'on m'annonce encore de la visite :
- Mais, Geôlier, je pensais qu'il y avait des heures fixes pour les visites ; il est bientôt quatorze heures ;
- Oui, mais ce visiteur est spécial et on ne peut pas l'empêcher de te voir.
Je souris et réponds ;
- Est-ce le Président de la République ?
- Madame, on ne dirait pas que vous êtes une prisonnière ; vous avez de l'humour alors que vous souffrez !
- Je ne souffre point car c'est Dieu ma force ; pourquoi devrais-je être triste si je sais que bientôt, je serai hors d'ici ?
- C'est bien, j'admire cette sérénité ; allons voir votre visiteur.

Un si lourd secret...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant