Prologue

91 5 0
                                    

       

Mais ?

Qu'est-ce que je fais allongée sur la piste ?

Aïe, ma tête pèse une tonne, aïe !

Trou noir.

_ Élise ? Élise, attends, ne bouge pas, Élise !!!

Trou noir.

Des sirènes ? Elles me crèvent les tympans, ça tambourine dans ma tête.

Trou noir.

_ Mademoiselle DESURVIRE ? Élise ?

_ Hum.

Je peine à ouvrir les yeux.

_ Vous êtes à l'hôpital des enfants, au CHU de Bordeaux. continue la voix.

Quoi ?! Pellegrin ? J'ouvre les yeux et les referme en grimaçant. La lumière m'agresse les yeux.
_ Éteignez les halogènes, laissez seulement la murale. ordonne la voix féminine.

J'entends quelqu'un se déplacer puis un crépitement.

_ Élise. N'essayez pas de vous redresser. Vos parents sont en route, vous avez fait une chute de cheval.

Une chute ? J'ouvre les yeux avec appréhension mais la lumière est douce maintenant. J'ai devant moi une petite femme au sourire chaleureux. À ses côtés deux jeunes hommes se tiennent droit comme des piquets, certainement des étudiants.

_ Bonjour Élise, je suis le docteur Valérie MARQUE, vous souvenez-vous de ce qu'il s'est passé ?

J'essaie de me souvenir...

A genoux sur Cashmir, je lâche le surfaix et me relève avec précaution. J'écoute et applique les conseils de Katia, voltigeuse émérite. J'écarte les bras légèrement en V, les mains vers le sol. Le rythme de l'hongre est constant grâce au travail de Mario qui gère la longe. Le bruit de ses pas résonne dans tout mon corps. J'arrive à maintenir mon équilibre, ça fait déjà un tour de piste. Une joie immense me submerge. Je reste attentive pendant que je sens mes lèvres sourire. Tout d'un coup, sur la droite, un cri retentit et plus rien...

Je résume brièvement les événements au docteur. Elle hoche la tête et m'apprend que ma chute a causé, une côte fêlée, le coccyx fracturé et un traumatisme crânien modéré.
Ma guérison devrait prendre un bon mois mais la reprise de tout sport est compromise pour quelque temps encore.

Le docteur s'approche de moi et me tient la main. Elle m'a affirmé qu'il n'y avait rien de grave dans mon état mais vu l'expression de son visage, je redoute ce qu'elle va me dire.
Ses mots me font l'effet d'un coup de poing dans le ventre. Ça devrait être impossible d'entendre ça pour une ado. Pendant que j'encaisse le choc, elle continue de parler et d'aggraver la situation.

_ D'après les taux, vous entamez déjà la douzième semaine. Ce qui veut dire qu'il ne reste que quelques jours pour prendre votre décision.

Quoi ?! Paniquée, je la regarde et cherche en elle la solution. J'ai à peine le temps d'apprendre qu'une vie grandit en moi, qu'il faudrait déjà que je la tue. Elle me sourit, m'apprend des choses que je ne souhaitais pas savoir avant aujourd'hui et répond brièvement au téléphone.

_ Vos parents sont arrivés, je dois les accueillir. N'ayez craintes, je serais avec vous tout à l'heure. Ah, j'oubliais, une jeune femme est venue en même temps que les secours mais elle a dû repartir. Elle vous a laissé un mot. Voulez-vous que je reste le temps que vous le lisiez ?

Je refuse, la remercie et la regarde partir.

Je déplie la feuille et reconnaît l'écriture de mon amie.

« Je prie pour que ta santé soit bonne.
Mon cousin est en prison pour vol avec deux de nos oncles. Je suis désolée. Sara »

Santos ? Mon Santos est en prison ? Le père de mon enfant est un criminel ?!
Trop de choses se bousculent dans ma tête et me broient l'estomac. Je me sens tomber dans un précipice sans fond.

La poignée de la porte se baisse. Mes doigts tremblent, ils ne retiennent plus le morceau de papier. Je lève des yeux trempés de larmes vers la porte. Je n'ai aucune raison d'avoir peur de mes parents, ceux sont les meilleurs qu'il est possible d'avoir. Mais, quoique je fasse, aujourd'hui, je les ai déçus comme jamais et ça, ça me brise le cœur.

ONDESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant