Monster

Vingtième virage

Vingtième virage.

Comme la première fois, ils durent s'arrêter dans un hôtel pour passer la nuit, car autrement Monster aurait dû conduire sur une durée plus que raisonnable et même lui savait que ça aurait pu être dangereux. Noah avait fait la tête parce qu'il détestait les hôtels, mais il avait fini par s'y résigner. Il préférait encore ça, plutôt que de mourir dans un accident de la route !

— On n'a qu'à faire comme la dernière fois : tu peux dormir sur moi, tenta de le raisonner Monster en poussant la carte magnétique dans la fente de leur porte de chambre.

La lumière rouge devint verte et ils purent entrer. Au premier coup d'œil, ça avait l'air propre, mais ce n'était pas assez pour que Noah cesse de grimacer. Lui qui avait l'habitude de passer des heures sous la douche pour éliminer toute trace de saleté n'avait même pas envie de prendre une seule douche ici ! Il avait horreur des salles de bain d'hôtel ! Quand il se voyait forcé, acculé au mur, et qu'il devait les utiliser en cas d'extrême urgence, il gardait des sandales sous la douche pour ne pas attraper des verrues plantaires en étant nus pieds sur la porcelaine, faisait tout son possible pour ne pas toucher le rideau ou les murs de la douche comme s'ils avaient la peste et prenait le moins de temps possible, même si cela signifiait négliger sa longue chevelure. Et s'il devait utiliser la cuvette des toilettes, il la recouvrait de trois épaisseurs de papier cul avant de s'y asseoir ou il se tenait en petit bonhomme pour faire ses besoins, histoire de ne pas y toucher. Parfois, il tirait la chasse d'eau avec son pied. Fermer le robinet après s'être excessivement laver les mains le dégoûtait.

— Ça, c'est si j'arrive à dormir.

Rien que passer la nuit, là, le stressait. Il n'aimait pas ça et il était impatient de retrouver son chez-soi et ses affaires plus propres que propres.

— Relaxe un peu, les chambres sont nettoyées entre chaque client.

— Souvent, les coins sont tournés ronds ! Et le plancher est en tapis pour qu'on ne le voit pas si c'est sale ou non, toutes les saletés se cachent entre les fibres ! C'est dégoûtant, penses-y un peu !

Noah frissonnait et, plus il y pensait, plus il paniquait. Son cœur s'affolait dans sa poitrine et il avait envie de s'enfuir les jambes à son cou !

— Calme-toi, Raiponce, ce n'est qu'une nuit, ça passera vite.

Le jeune homme resta figé jusqu'à ce que Monster le pousse gentiment vers l'avant.

— Je suis certain que tu vas t'effondrer de sommeil avant même d'avoir pu remarquer le moindre grain de poussière ! poursuivit le motard avec nonchalance.

Noah secoua frénétiquement la tête.

— Impossible !

Monster défit le lit d'un geste ample sans se soucier de Noah, puis il alla dans la salle de bain.

— Installe-toi, je vais prendre une douche, comme ça tu ne pourras pas te plaindre que je suis sale lorsque nous serons au lit !

Le professeur resta coi tout en suivant des yeux les moindres gestes du biker. Comment Monster pouvait-il être aussi à l'aise ? Ça le dépassait !

À contrecœur, il ôta la veste de cuir que lui avait prêtée le motard et s'approcha du lit en le regardant comme s'il s'agissait d'un animal sauvage prêt à lui sauter à la gorge !

Lorsque Monster sortit de la douche avec rien d'autre qu'une serviette nouée lâchement sur ses hanches, il regardait toujours le lit avec méfiance.

— Qu'est-ce que tu fais ? l'interrogea le plus âgé en soulevant un sourcil.

— Je me prépare mentalement.