Dixième virage

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Dixième virage.

Monster avait une conduite aussi dangereuse que Noah avait pu se l'imaginer et il avait l'impression que le biker se retenait parce qu'il était avec lui. Plus ils avalaient les kilomètres de route, plus le professeur avait, au moins, la sensation de s'habituer. Sa poigne se desserra progressivement sur le blouson de cuir du conducteur.

Après ce qui parut une éternité pour le professeur, ils s'arrêtèrent dans le stationnement d'un motel peu achalandé sur le bord de la route. Peu habitué à la moto, Noah sentait tous les muscles de son postérieur être tiraillés de douleur quand il se redressa.

— Il faut faire une pause, expliqua le motard, notre destination est encore à peut-être trois heures de route et il commence à être tard. Il ne faudrait pas que je m'endorme au volant ! On va dormir ici ce soir et on reprendra notre voyage demain.

Monster lui ôta les menottes, le libérant, mais perdu au milieu de nulle part, Noah n'avait pas d'endroit où aller de toute façon... Il ne savait pas conduire une moto, encore moins comment la démarrer sans la clef, et il n'était pas vraiment prêt à risquer sa vie à faire du pouce la nuit sur le bord de la route en espérant qu'un gros camionneur le prenne à son bord... Penaud, il suivit donc le biker à l'intérieur du motel pour réserver une chambre et prendre leur clef.

Noah avait des frissons. Il avait toujours détesté les hôtels. Aller dans une chambre que des centaines de personnes avaient visitée avant lui le dégoûtait au plus au point et savoir que tous ces gens avaient dormis dans la même literie – même lavée – et avaient partagé le même lit lui soulevait le cœur. C'était juste au-dessus de ses forces !

Il traîna donc des pieds derrière Monster et hésita avant de franchir la porte de leur chambre. Tout le dégoûtait, de la moquette au plafond. Il ne pouvait s'empêcher de voir les visages de toutes les personnes qui étaient passées ici avant lui et d'imaginer tout ce qu'elles avaient pu faire...

Tandis qu'il restait planté comme un piquet au milieu de la pièce, le biker ne paraissait pas du tout partagé son dégoût. Ce dernier avait ôté son blouson et son chandail, se préparant pour la nuit. Il se pencha pour se délester de son pantalon quand il aperçut Noah qui n'avait pas bougé d'un poil depuis qu'ils étaient arrivés :

— Tu ne te déshabilles pas ? Tu sais, tu n'as pas besoin d'être pudique, ce n'est pas comme si je ne t'avais jamais vu nu !

L'enseignant secoua la tête.

— Ce n'est pas ça... Savoir que des gens ont peut-être – sûrement – déjà fait l'amour sur ce lit ne te dégoûte pas ? demanda-t-il en prenant une grande inspiration.

Monster haussa les épaules.

— Ils lavent les draps, tu sais ?

— Ce n'est pas suffisant. C'est toujours sale !

— Mais tu dois dormir malgré tout, lui rappela Monster, tu ne peux pas passer une nuit blanche à cause de ça. Tu auras besoin d'énergie pour demain !

— Ton blouson n'est pas assez grand pour que je puisse dormir dessus.

Monster réfléchit pendant quelques secondes, puis un sourire étira les traits de son visage.

— Mais j'ai autre chose qui est assez grand, par contre.

Noah parut étonné.

— Ah, oui ?

— Oui, déshabille-toi et vient me rejoindre.

Le biker retira son jean pour de bon et s'affala sur le lit. Il tapota son torse de sa main :

— Tu peux dormir sur moi, compléta-t-il.

Noah le regarda, perplexe. Sa première pensée fut de refuser du tact au tact la proposition, mais plus il y pensait, plus il prenait conscience que cela pourrait bien être sa seule option. Il ne voulait pas dormir sur les draps, ni sur le fauteuil. Les sofas de motels étaient pires que les lits, car Noah était persuadé que, eux, n'étaient pratiquement jamais lavé comme il se le devait !

— C'est ridicule, murmura-t-il simplement en ôtant son chandail.

Monster se contenta de le regarder obtempérer avec un sourire moqueur, satisfait. Noah grimaça, mais choisi d'ignorer tout bonnement le biker. Il plia son haut comme sur un présentoir de magasin et le déposa sur le bureau avant de s'attaquer à son pantalon et de lui faire subir le même traitement. Néanmoins, il conserva son boxer.

Il s'approcha du rebord du lit et, au même moment, le motard se releva dans un élan, s'assoyant sur le matelas. D'un mouvement brusque, ses bras vinrent agripper la taille de Noah et il le tira sur lui tout en se laissant à nouveau tomber au fond du lit. Le professeur perdit l'équilibre et tomba sur le torse de Monster en poussant un cri de surprise.

Il appuya ses paumes de main contre les pectoraux de l'homme, redressant la tête pour croiser son regard. Monster avait l'air amusé par la situation. Un des biceps du biker était étroitement refermé sur ses hanches, l'empêchant de fuir.

— Je ne vais pas coucher avec toi maintenant, prévint Noah en fusillant son vis-à-vis du regard.

Monster haussa un sourcil.

— Tu me mets au défi ?

— Je ne suis vraiment pas en forme pour ça... À chaque fois que l'on se voit, on dirait qu'on baise : donne-moi un peu de répit.

Il lui fallait une pause. En quelques semaines, Monster avait réussi à le drainer de toute énergie. Jamais il n'aurait un jour pensé qu'il lui arriverait autant de choses en aussi peu de temps, ni même dans toute sa vie. Il avait étudié pour mener une petite vie tranquille et rangée en tant que professeur, pas pour terminer en cavale avec un biker célèbre !

Monster ôta délicatement les lunettes de Noah et les déposa sur la table de chevet. Son monde se flouta instantanément autour de lui. Il cligna des yeux rapidement, tentant de discerner convenablement la ligne ferme de la mâchoire de Monster.

— Même pas une petite pipe ou un doigté ? proposa le biker en faisant claquer sa langue contre son palet, le regard rieur.

Il savait qu'il poussait sa chance trop loin, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Les réactions de Noah étaient bien trop drôles à regarder !

— N'y pense même pas ! s'exclama brusquement le jeune homme.

Bon joueur, le motard abandonna et s'avoua vaincu pour la soirée avec un certain amusement.

— C'est bon, c'est bon... Contente-toi de fermer les yeux et d'essayer de dormir un peu.

Noah ne pouvait rien faire de plus de toute façon. Dégoûté à l'idée de toucher aux draps, il se blottit contre le torse de Monster, emmêlant ses jambes aux siennes.

— Bonne nuit, chuchota-t-il.

— Bonne nuit, lui répondit doucement le biker en serrant plus fort, plus possessif, contre lui. 

MonsterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant