Ch. 4: Préparatifs de guerre

4 0 0
                                    

Lorsqu'il fut connu de tous qu'il y avait eu deux assassinats simultanément, et pour certains mieux informés que ces deux assassinats arrivaient le lendemain d'un premier, une session extraordinaire de l'E.I. fut organisée pour le soir même. L'assassin d'Iriaebor avait frappé trois fois en moins de douze heures, dont deux fois en public et en plein jour. Il y aurait bien des traces plus grossières, des indices que dans sa précipitation il n'aurait pas pu s'empêcher de semer. En tout cas ce changement de mode opératoire méritait notre attention minutieuse.

Pendant que tous les faits étaient énoncés, je me tenais à l'écart des discussions. Je n'écoutais pas, mes pensées étaient tournées vers autre chose : je venais de connaître mon baptême du sang. Dans le jargon des élèves, j'avais inauguré mon tableau de chasse, ce que les élèves ne faisaient normalement qu'après avoir quitté l'école. Je n'avais pas de regrets que ces deux assassins soient morts, car c'était la volonté de Trithereon, et le monde s'en porterait mieux désormais, mais j'avais l'impression de m'être tuée moi-même, d'avoir tué la petite fille innocente que j'avais été. Et je n'arrivai pas à déterminer si c'était ou non une bonne chose. Après avoir ôté volontairement deux vies, je sentais que j'avais passé un point de non-retour. Je n'étais plus une femme de chambre mise par erreur dans une école de guerriers, par mes actes j'étais devenue un guerrier.

Lorsque la réunion eût un peu avancé, et que tout le monde en eut compris les enjeux et les objectifs, je pris alors la parole : « Je ne vous avais pas tout dit, de ma rencontre avec Burt Throgall. Dans ses paroles incohérentes il m'avait aussi fait comprendre que les assassins avaient tous ce point commun : ils étaient des adeptes de Nérull. »

Nous avions souvent essayé de trouver le dénominateur commun à toutes les victimes, mais rarement celui commun aux assassins, par manque d'information. Aussi mes camarades furent surpris de cette information toute nouvelle, et cherchèrent à déterminer ce que cela pouvait signifier. Je leur fis part alors de mes raisonnements : « Je pense qu'à la fin de notre formation, l'école nous demande de faire une profession de foi, nécessaire pour qu'on puisse être diplômée. Pour Nérull, l'archange de la Mort, ça signifierait prendre une vie à un camarade au hasard, peut-être choisi par le Prêtre de Nérull, ou bien par l'administration de l'école qui désignerait les moins bons élèves que l'on peut sacrifier ».

Je m'interrompis là, car je me refusai à pousser la réflexion plus loin et à réfléchir à qui du corps enseignant était impliqué. C'était un sujet que je cherchais à éviter, car je n'étais pas prête au fond de moi à accepter, encore moins à révéler aux autres élèves, que le Maître d'Armes était impliqué malgré lui dans cette affaire. Après tout ce que cet homme avait fait pour moi, je ne voulais pas le livrer aux véhémences de l'E.I. Aussi je préférai me concentrer à dénoncer non pas les têtes pensantes du complot, mais les élèves exécutants.

Il y eut des réactions surprises, on murmura que j'aurai pu en parler avant, ou bien on remettait en doute l'information. Puis un troisième année me répondit : « Justement non, les deux dernières victimes, les frères Maugal et Mauthag Thavak, étaient aussi dans la classe de religion de Nérull.

— Ils n'ont pas été tués par l'assassin d'Iriaebor, répondis-je, mais par moi. »

Je leur racontai alors la scène de la veille, lorsque j'avais confié Suze aux deux assassins. Puis je rajoutai : « Pour ne pas alarmer tout le monde et vous pousser à accuser à tort tout un groupe de personnes en s'appuyant sur un simple témoignage d'un ermite ivrogne, j'avais résolu de garder secrète mes soupçons. Hélas, à cause de ma décision, Suze était morte, c'est pourquoi ce matin je me suis décidé à en parler. »

Il y eut un silence. Je vis que mes camarades n'avaient pas apprécié que je cache certaines informations. Puis l'un dit :

— Vous oubliez une chose : Douraf !

La Duchesse de Prudetour, ou le récit initiatique d'une femme de chambreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant