Ch. 1: Une première journée de cours peu studieuse

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Deuxième année: La compagnie des Anciens


La rentrée scolaire finit par arriver. Comme me l'avait annoncé Corin Elrohil, l'ambiance lors de la seconde année fut totalement différente. Ayant passé trois mois de vacances ensemble, sans pression ou compétition, mes camarades et moi-même avions créé des liens entre eux, et nous passions tout notre temps libre à cultiver ces jeunes amitiés dans notre nouvelle salle commune qui, contrairement à celle humide, glaciale et vide de l'année dernière, nous incitait à nous réunir plus souvent pour profiter de son confort chaleureux. Des cercles d'amis se dessinaient, et la première chose que ce réseau fraîchement tissé entreprit pour consolider leur camaraderie naissante fut d'organiser ensemble le bizutage des nouveaux élèves. La soirée d'accueil des premières années s'annonçait riche en humiliations publiques, épreuves physiques, et jeux d'adultes. Les femmes, en particulier les plus désirables, auraient droit à quelques épreuves supplémentaires. Je participais à organiser ce bizutage, sans éprouver la moindre compassion pour les pauvres premières années qui le subiraient, car je savais que ce serait nécessaire pour les durcir, pour qu'ils puissent se préparer aux cruautés de la première année. Et quant à nous, cela nous permettait d'extérioriser les derniers morceaux de souffrance résultant de l'an passé, et ainsi de reconstruire une camaraderie sur des bases saines.

Lorsque la soirée eût lieu, les intégrateurs n'y allèrent pas de main morte, restituant ce qu'ils avaient enduré durant toute l'année dernière. Chez les premières années, les hommes passèrent des rituels reposants sur des échanges de sang et des scarifications, et les femmes payèrent à leur façon leur tribut aux hommes de seconde année. Ainsi, tous les nouveaux ayant versé du sang, symbolisant leur passage dans la cour des grands, ils se sentaient tous liés à l'école. Ils ressortaient de cette soirée endurcis et cruels entre eux, et ainsi ils allaient eux-mêmes faire de leur propre année une année éprouvante et sans pitié, comme l'avait été la nôtre.

Revivant ce rituel sous l'angle des tortionnaires au lieu des bizuts, je le découvrais pire que dans mes souvenirs, et je m'étonnais de l'avoir supporté lors de notre propre soirée d'accueil il y a un an. Heureusement, l'année dernière, même si j'avais dû subir comme tout le monde, homme ou femme, l'humiliation de devoir passer la soirée nue, je n'avais au moins pas subi le traitement qu'avaient connu les autres. Etant la seule fille prépuberte de l'école je n'avais pas attiré l'attention des intégrateurs mâles.

A l'issue de ces horreurs, mes camarades de classe et moi-même nous sentions unis de plus belle, et nous reportâmes notre énergie vers des activités et associations culturelles ou sociales, allant d'une chorale religieuse à des tournois de lutte à mains nues, en passant par les clubs d'échecs. Tout le monde saluait le changement, personne ne voulant vivre deux autres années dans les mêmes conditions oppressantes que la première. Comme après un an de solitude et d'abstinence sociale beaucoup ressentaient le besoin de festoyer, des soirées étudiantes exclusives aux secondes années avaient lieu presque tous les soirs. Les organisateurs avaient la lourde responsabilité de se procurer de grandes quantités de boisson, ce qui n'était pas chose aisée.

Puis commencèrent les cours de spécialisation. Chaque élève suivait désormais des cours approfondis dans sa majeure de prédilection qu'il avait choisie en fin d'année dernière, en plus d'un tronc commun pour apprendre les bases des deux autres majeures, car nous devions avoir des notions dans tous les domaines. La majeure de magie était prise en charge par le Professeur de Sortilèges, celle de combat par un professeur que je ne connaissais pas, un vétéran d'une multitude de petites guerres entre seigneurs rivaux, et les élèves de ma majeure allaient avec le professeur de Pistage. Mais sans moi. Bien qu'appartenant selon les registres à la classe « Espionnage et Infiltration », je n'avais pas l'autorisation de suivre les cours spécifiques à cette classe, pour les raisons d'ordres financières que j'avais découvertes avant les vacances. Aussi je ne pouvais suivre que les cours du tronc commun, les seuls cours gratuits. Ce jour là, je restais donc seule, libre dans l'école, et je marchais au hasard des couloirs. Je profitais de cette ambiance inhabituelle, car je n'avais jamais vu ces lieux totalement vides et silencieux, du moins jamais en plein jour.

La Duchesse de Prudetour, ou le récit initiatique d'une femme de chambreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant